Au grand hôtel Majestic, le corps d’une riche cliente suédoise est retrouvé dans le vestiaire d’un membre du personnel travaillant au sous-sol dans les cuisines. Le commissaire Maigret et son adjoint Lucas enquêtent sur cette affaire bien mystérieuse… Durant l’Occupation, les adaptations des romans de Simenon furent assez nombreuses ; elles avaient l’avantage d’être bien tolérées et même encouragées par les forces d’occupation car assez neutres. Dans Les Caves du Majestic, c’est Albert Préjean qui incarne Maigret. C’est la troisième fois qu’il tient ce rôle (1). Bien qu’un peu jeune et élancé pour le personnage, il y est assez crédible, montrant une certaine personnalité et une bonne présence. L’intrigue, bien ficelée comme toujours avec Simenon, est servie par de bons dialogues et même une dose d’humour. Le dénouement peut sembler un peu précipité. La grande originalité de ces Caves du Majestic est dans la présence d’un petit volet social : en plus de trouver le meurtrier, Maigret se met en tête de choisir qui sera le meilleur père pour un petit garçon. Le film étant tourné sous l’Occupation, mise en scène et réalisations restent assez simples.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Albert Préjean, Suzy Prim, Jacques Baumer, Denise Grey, Jean Marchat, Fernand Charpin
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Pottier sur le site IMDB.
Remarques :
* Les Caves du Majestic est le dernier film produit par la Continental, société de production contrôlée par les allemands. Il ne sortira qu’en août 1945, donc après la Libération, distribué par la toute nouvelle Union Générale Cinématographique (U.G.C.)
* On remarquera l’importance de la nourriture dans le film. Pour la comprendre, il faut replacer le film dans son époque de rationnement : la nourriture était alors une préoccupation majeure. De plus, le scénariste Charles Spaak a écrit l’adaptation alors qu’il était emprisonné par les allemands.
* Le trajet de Charles Spaak et le tournage de Les Caves du Majestic sont racontés et mis en images dans l’excellent film de Bertrand Tavernier Laissez-passer (2002).
(1) Albert Préjean était déjà Maigret dans Picpus (1943) du même Richard Pottier et dans Cécile est morte (1944) de Maurice Tourneur. Les caves du Majestic est la troisième (et ultime) fois où il interprète le célèbre commissaire.
LES CAVES SE REBIFFENT
Non d’une pipe ! Qu’il est étonnant ce Jules là ! Extravagant même ! Mince, élégant, sportif, léger, primesautier, humoriste, persifleur, marivaudant, s’intéressant à tout, sauf «aux assassins et aux assassinés» ! Bref, Pottier, Spaak et Préjean proposent un intéressant «contre-Maigret». D’aucun (Jacques Siclier) jugera que « De Maigret, il ne restait que la pipe » ! Nous, nous y retrouvons également sa compassion pour les plus humbles.
L’imposant essoufflé bégayeur inspecteur Lucas/Gabriello au physique maigretien, joue l’Auguste à merveille face à son clown blanc de commissaire pour un duo inversé et renversant. On raconte que Charles Spaak écrivit le scénario à Fresnes, arrêté par la Gestapo, son frère étant dans la Résistance. Du coup, on conseillerait presque à certains plumitifs de projeter un (court) séjour à l’ombre. Mais l’auteur de Renoir, Duvivier et Grémillon n’avait pas besoin de geôle pour libérer son talent. Là, il livre la plus décapante des moult versions cinoche, à défaut de la plus fidèle, des illustrissimes enquêtes du célébrissime flic Siménonien.
Richard Pottier y est sans aucun doute pour beaucoup. Car, sans l’apport de Spaak (mais avec celui de Le Chanois) il livrait, dès 43, un virevoltant « Picpus » animé déjà le même tandem Préjean/Gabriello (Les deux joueront un troisième Maigret, avec Maurice Tourneur, la même année 43, «Cécile est morte»). Comme souvent chez les bons cinéastes, il utilise un Décor/Média, là le Majestic parisien, afin de d’obtenir une atmosphère. C’est réussi. D’autant que ce palace servit, plus tôt, de siège au département de la propagande et, donc, du service de cinéma (« Referat film ») dépendant du Ministère de l’Information et de la Propagande du Dc Goebbels !
Ce qui sans doute explique que ces joyeuses et cosmopolites (clients suédois, néerlandais, brésiliens, etc) « Caves » constituèrent l’ultime production de la Continental-Films d’Alfred Greven.
De grands seconds rôles du cinéma français sous l’Occupation, Baumer, Delbo, Marchat, Chamarat, Génin, Charpin défilent comme libérés. Chacun croit à son personnage, Jacques Baumer surtout, émouvant en ce malheureux Arthur Donge. Suzy Prim trouve le temps de se montrer désagréable et xénophobe – «Je ne suis pas de votre race (sic), moi, je ne m’amuse pas/Nous ne sommes pas de la même race»- avant de mourir illico. Denise Grey prouve qu’elle méritait une carrière autre que celle d’une mamie/Maxwell.
Le blog de Jl Ivani: Le polar français.45/62