Envoyés à Paris pour négocier des bijoux confisqués à une aristocrate, trois commissaires soviétiques succombent au luxe et à la facilité de la vie parisienne. Arrive alors un émissaire spécial chargé de tout remettre en ordre… C’est à un grand maître de la comédie que revint la tâche délicate de faire tourner Greta Garbo dans sa première comédie. Ninotchka de Lubitsch atteint une certaine perfection : tout y est brillant à commencer par le scénario et les dialogues, savoureux d’un bout à l’autre. L’écriture fut assurée par le fameux tandem Billy Wilder et Charles Brackett avec l’aide de Walter Reisch. La mise en scène est vive et enlevée, sans aucun temps mort. Même si ce n’est pas l’un des ses plus grands rôles, Greta Garbo montre comme toujours une grande présence. Ninotchka fut parfois un peu boudé du fait de son anticommunisme caricatural (on pourra aussi remarquer que les trois commissaires si sensibles aux charmes de la vie occidentale montrent une certaine ressemblance avec les pères fondateurs du communisme, Lénine, Trotski et Staline…) Avec le recul, nous pouvons laisser cela de côté et profiter pleinement de l’humour et de la vivacité de cette comédie.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Greta Garbo, Melvyn Douglas, Ina Claire, Bela Lugosi, Sig Ruman, Felix Bressart, Alexander Granach
Voir la fiche du film et la filmographie de Ernst Lubitsch sur le site IMDB.
Voir les autres films de Ernst Lubitsch chroniqués sur ce blog…
Remarques :
« Mon prochain film sera une comédie. Serai-je autorisé par le scénariste à garder mon amant jusqu’à la fin ? Je l’espère sincèrement. Ne croyez-vous pas qu’il est grand temps de me laisser finir un film par un heureux baiser ? J’ai trop souvent perdu mes séduisants partenaires dans la séquence finale ! » Ainsi parlait Gerta Garbo à la fin 1937. Elle s’était alors retirée dans son pays natal, en Suède. Elle ne signera un nouveau contrat avec la MGM qu’un an plus tard, en décembre 1938.
* Vouloir tourner une comédie a-t-il été une erreur pour sa carrière ? On peut le voir ainsi. Ninotchka a sans aucun doute cassé l’image de la star distante, intouchable et lointaine. Le fameux slogan publicitaire de la MGM, « Garbo Laughs » (Garbo rit) a, dans un sens, détruit un mythe. Son film suivant (son dernier), La femme aux deux Visages, sera aussi une comédie et ira encore plus loin dans la normalisation de l’actrice, la montrant totalement américanisée.
Remake :
La Belle de Moscou (Silk Stocking) de Rouben Mamoulian (1957), comédie musicale bien fade.
Magnifique film, du grand Lubitsch.
A propos de « l’anticommunisme caricatural », on peut prendre cela au second degré et se demander si Lubitsch ne caricature pas également la société occidentale.
Oui, pourquoi pas,… on peut voir les choses ainsi.
Mais quand on est vu par des millions de spectateurs, le second degré est une arme tout de même assez délicate à manier…
Quant à la caricature de la société occidentale, elle me paraît être surtout dans les yeux du spectateur… 🙂
Bon, mais comme je le disais, je trouve que l’avantage aujourd’hui, c’est que nous pouvons mettre tout cela de côté pour profiter du film pour ce qu’il est avant tout : une brillante comédie.
Mettre de côté quand chaque scène, chaque blague, rebondissement ou autre ne fait pas allusion mais revient toujours directement au sujet central et jamais démenti tout du long de « l’anticommunisme caricatural », c’est difficile, je trouve. Pour l’avoir découvert récemment et essayé (par confiance et loyauté envers Lubitsch), c’est difficile.
Non?
Si vous avez du mal avec cet aspect, vous pouvez vous dire que Lubitsch caricature la façon dont les anticommunistes voient les communistes… 🙂
Ninotchka n’est pas un film de propagande même si le film est sorti à une époque où montait fortement un sentiment anticommuniste aux Etats Unis. On n’y retrouve pas les aspects dichotomiques usuels des films de propagande : il n’y a pas le Bien et le Mal (et il ne faut pas oublier que l’un des coscénaristes est Billy Wilder). Les ressorts de l’humour sont plutôt sur le décalage. Et l’intention de la MGM était essentiellement de faire jouer Garbo qui était particulièrement difficile à manier… des intentions plus mercantiles que politiques donc.
Je ne l’ai pas vu comme un film de propagande anticommuniste, comme je n’ai pas vu le merveilleux « la huitième femme de barbe-bleue » comme un film féministe.
Là où Lubitsch m’enchante, c’est dans cette façon de ne pas avoir l’air d’y toucher, de n’être militant de rien et de réussir si brillamment et délicatement à remettre les codes en question.
Dans « Ninotchka », j’ai eu une impression de facilité, d’attaque sur des idéaux (qu’ils soient communistes ou non, peu importe) et d’assurance de savoir quelle genre de société était la bonne quoi qu’on en pense. Tout ce qui vole en éclats dans « la huitième femme de barbe-bleue », « sérénade à 3 » ou « haute pègre » est ici plus ou moins valorisé.
Ça créé une drôle d’ambiance, je trouve.
Mais peut-être la réponse se trouve-t-elle dans les intentions initiales du projet que vous soulignez? Voir à tout prix Greta Garbo sortir de son austérité prétendue pour enfin incarner la radieuse star qu’elle se devait d’être?
Pas sûr qu’elle ait été très convaincue non plus.