Dans une petite bourgade du Texas appelée Rio Bravo, le shérif John T. Chance arrête pour meurtre le frère de Nathan Burdette, le plus gros propriétaire de la région. Ce dernier est bien décidé à le tirer de là. Pour protéger la prison, le shérif a pour aide son adjoint Dude, alcoolique qui tente d’arrêter de boire, et Stumpy, âgé et boiteux… Western mythique, Rio Bravo montre un équilibre remarquable entre une histoire assez simple mais qui se déroule solidement et une belle étude de caractères ; plus exactement, ce sont les relations entre les personnages et le groupe qui semblent l’objet principal : la rédemption de Dude, le refus d’être mis à l’écart pour Stumpy, la socialisation du shérif Chance. Chacun refuse de se laisser enfermer dans un schéma. Howard Hawks parvient à créer une relation très particulière, pleine d’attentes et de sous-entendus, entre le shérif et la jeune Feathers, sans doute aidé par le fait que John Wayne était assez mal à l’aise face au charme et à l’extrême sensualité d’Angie Dickinson, beaucoup plus jeune que lui. Ce jeu de séduction, tout comme les nombreuses touches d’humour, contribue à cet équilibre quasi parfait. Rio Bravo connut un grand succès, très étalé dans le temps et la présence du jeune rocker Ricky Nelson lui permit de toucher un public encore plus large. C’est un film que l’on peut revoir régulièrement avec toujours le même intérêt.
Elle:
Lui :
Acteurs: John Wayne, Dean Martin, Ricky Nelson, Angie Dickinson, Walter Brennan, Ward Bond
Voir la fiche du film et la filmographie de Howard Hawks sur le site IMDB.
Voir les autres films de Howard Hawks chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* Rio Bravo est souvent présenté comme l’inverse de High noon (Le train sifflera dans trois fois) qu’Howard Hawks et John Wayne n’appréciaient guère (pour diverses raisons dont, on peut le penser, le contenu trop libéral). Dans High Noon, le shérif cherche partout de l’aide sans la trouver, dans Rio Bravo le shérif refuse l’aide qu’on lui propose pensant qu’il peut tenir seul la situation.
* Bien que son nom figure au générique en bonne place, Harry Carey Jr. n’apparaît pas dans le film. Après une mésentente dans les tous premiers jours de tournage, Howard Hawks a en effet décidé de se passer de lui tout en honorant son contrat (salaire et mention au générique).
* On peut être étonné par l’importance réduite du personnage de Colorado. Cela s’explique par le fait qu’Howard Hawks ne croyait guère en Ricky Nelson qu’il jugeait bien trop frêle et trop jeune (il avait 18 ans). Il a donc réduit son rôle.
* Howard Hawks tournera quelques années plus tard une variation de la même histoire : El Dorado avec John Wayne, Robert Mitchum et James Caan.
Lire une présentation/analyse plus complète sur DVDclassik…
Rio Bravo est le film que je vois et revois avec plaisir. La scène de l’orchestre mexicain jouant Deguello ( pas de quartier) devant la prison au coucher du soleil est unique par la nostalgie qu’elle évoque et aussi par la beauté du théme musical lui-même. Quant à Angie Dickinson elle est tout simplement magnifique et d’une sensualité à faire rêver.
Bon cinéma.
Un bon film, mais je trouve au’à 5 étoiles vous y allez fort, ne serait-ce qu’à cause de Ricky « mais qu’est-ce qu’il fout là ? » Nelson. « High Noon », auquel il est souvent comparé, est à mon goût bien meilleur, réussissant à établir une tension dramatique supérieure avec des moyens beaucoup plus minimalistes, sans parler du « social commentary » grinçant et réjouissant complètement absent de « Rio Bravo », qui reste très « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».
5 étoiles pour un western caricatural et sans nuance !! vous y allez fort ! La passion ancienne pour ce film me rappelle celle qui aujourd’hui occupe les ados avec « Le seigneur des anneaux » le film de Peter Jackson, ça fait partie des choses que je ne comprends pas trop. Bon ceci dit « Rio bravo » se voit.
A propos de Ricky Nelson, pour comprendre la démarche de Hawks, il faut se rappeler que son film précédent « La terre des pharaons » avait le défaut de ne proposer aucun personnage auquel le public pouvait s’identifier.
Pour Rio Bravo, il savait que l’identification sur John Wayne n’allait pas fonctionner pour la partie jeune de son public. Son premier choix se porta sur Elvis Presley mais celui-ci était bien trop gourmand. Ricky Nelson est certainement un peu jeune pour le rôle mais fait une bonne composition.
Je ne pense pas qu’il faille pousser trop loin la comparaison avec High Noon qui est finalement très différent. High Noon est un film de tensions, doté d’une portée qui déborde l’histoire seule, c’est vrai. Rio Bravo n’est bien entendu pas dénué de tension, elle est plus diffuse, mais c’est presque une comédie!
@alexandre.clement : Ah, je vois qu’Howard Hawks ne trouve toujours pas grâce à vos yeux… Ramener Rio Bravo à un film d’ados est assez sévère. 🙂 « Caricatural », je ne pense pas non plus ; prenez John Wayne, par exemple, s’il est un acteur qui a tenu des rôles caricaturaux dans sa carrière, c’est bien lui. Son interprétation dans Rio Bravo est incontestablement l’une de ses plus belles interprétations, avec une richesse et une retenue qu’il n’a pas toujours. Son embarras face à Angie Dickinson semble sortir de tous les pores de sa peau.
Personnellement l’un des rares films qui me viennent presque systématiquement à l’esprit lorsque l’on me pose la question « Quel est ton film préféré ? » (avant que je ne réponde « il y en a trop… »). La lenteur affichée de l’histoire, qui justement n’est plus qu’un prétexte à établir une atmosphère, le jeu des acteurs (Nelson est un peu terne mais il ne détonne pas trop cependant), la rédemption du personnage de Dean Martin (dont la composition est au moins aussi bonne que celle de John Wayne), le thème de Dimitri Tiomkin d’ailleurs réutilisé par Wayne dans Alamo… Je pourrais continuer la liste un moment !
On cite souvent la rapport avec High Noon, que j’aime particulièrement aussi, mais si je devais absolument donner la palme à l’un des deux je choisirais le film de Hawks. Je trouve justement que la tension dans High Noon est créée certes très efficacement, mais moins subtilement : à grand coups de plans sur les horloges, soulignés par les effets de la musique (de Tiomkin aussi !), et le côté « action en temps réel » est vraiment très souligné.
Dans Rio Bravo la tension s’installe justement du fait de la lenteur de l’action, et des motifs répétés, notamment celui des déplacements des personnages à travers la petite ville. On les suit en train de remonter la rue, on les voit monter l’escalier, ouvrir et fermer les portes, sans qu’aucun de ces gestes presque gratuits ne semble extérieur à l’action qui nous est montrée. Au point, je trouve, de nous donner là aussi l’impression que l’on suit l’action en temps réel (alors qu’elle s’étend sur deux ou trois jours).
L’expression si usitée d’une « leçon de cinéma » me paraît pour une fois tout à fait justifiée – j’en veux pour preuve deux scènes : toute l’exposition, entièrement muette, qui donne le point de départ de toute l’histoire ; et la ronde de Chance et Dude dans la grand-rue où finalement il ne se passe rien du tout…
On pourrait aussi parler des remakes, mais bon je vais m’arrêter…
Merci pour cet article !
J’adore les lapsus…les méchants s’appellent Burdette, pas Burnette. Je le revois ce soir pour la peine !
Je ne sais si c’était un lapsus… 🙂
Le seul Burnette que je connaisse est un rocker (de la même époque que Ricky Nelson, ceci dit…)
En tous cas, merci de m’avoir signalé cette erreur.
Merci pour l’anecdote concernant Harry Carey Jr : grand fan des films de Ford, je l’avais cherché en vain dans tout le film après avoir vu, tout comme vous, son nom au générique (en compagnie de Ward Bond, autre comédien fordien s’il en est, et dont Rio Bravo devait être le dernier film avant son décès brutal et inattendu … tout comme dans le film après avoir proposé son aide à Wayne) : le mystère est désormais résolu !
Concernant Harry Carey Jr., justement, on peut préciser qu’il figure à l’affiche de Silver Lode de Dwan, film hautement recommandable et très inspiré par High Noon, lequel, selon des sources concordantes, amorça, en contre-réaction, le projet Rio Bravo. La boucle est bouclée et c’est symboliquement un peu comme si l’acteur s’était vu refuser une manière de rédemption de la part de Hawks, après avoir tourné dans un film « un-american », comme disait Wayne.
Connaissez-vous Silver Lode (4 étranges cavaliers – 1954) ? Certains le trouvent carrément supérieur à High Noon et j’aimerais avoir votre avis sur ce point (j’en ai également un !).
Quoiqu’il en soit, je peux vous assurer que vous passeriez un bon moment en visionnant ce western d’Allan Dwan, qui figure parmi ses meilleurs films.
Je ne pense pas avoir déjà vu « Silver Lode »…
Je tacherai de le voir.
Merci à vous deux pour toutes ces anecdotes.
Quelle était la nature du différend entre Harry Carey Jr. et Hawks ?
La nature du différend n’est pas très nette. Il semble qu’Harry Carey Jr. avait un problème de boisson à cette époque et son jeu devait s’en ressentir.
Harry Carey Jr. a raconté qu’il avait été viré et coupé au montage parce qu’il appelait Hawks par son prénom au lieu de l’appeler comme tout le monde « Mr Hawks »… Mouais… on peut être dubitatif…
A noter qu’un nouveau livre (le 3e en français) va sortir dans quelques jours sur le film : http://www.livres-cinema.info/film/rio-bravo
Ce livre est la traduction du livre paru chez BFI (British Film Institute).