22 septembre 2005

Le maître du logis (1925) de Carl Theodor Dreyer

Titre original : « Du skal aere din hustru »

Le maître du logisLui :
(Film muet) Tourné vers la fin de la période danoise de Carl Dreyer, Le Maître du Logis est à la fois un constat social sur les maris tyranniques et une comédie, une fantaisie sociale, pourrait-on dire. La première partie du film, destinée à bien placer les personnages, est tournée en plans généraux et ces scènes de vie quotidienne ne sont pas sans rappeler le néoréalisme italien. Ensuite, Dreyer se rapproche de ses personnages, des gros plans tellement expressifs que l’on se demande pourquoi on aurait besoin de dialogues. La vieille nounou est particulièrement étonnante. Rien ne semble gratuit, tout concourt à l’expression, tout en restant très sobre. Et quelle force ! La métamorphose du maître de maison est traitée avec un certain humour et film réussit ainsi à la fois grave et léger.
Seule ombre au tableau : le film était vu ici avec une musique techno de 2004, que personnellement je trouve non seulement en décalage total mais aussi parfaitement inécoutable. Heureusement, n’étant pas en salle, j’avais la possibilité de couper le son. J’ai donc regardé le film dans un silence total.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Mathilde Nielsen, Johannes Meyer, Astrid Holm
Voir la fiche du film et la filmographie de Carl Dreyer sur le site imdb.com.

17 septembre 2005

Dina (2002) de Ole Bornedal

Titre original : « I am Dina »

DinaElle :
Adaptation d’un best-seller scandinave écrit par Herbjorg Wassmo. Malgré les mauvaises critiques qui reprochent les clichés et les effets faciles, je n’hésite pas à dire que j’ai bien aimé le film. C’est l’histoire de la jeune Dina qui, enfant, a tué sa mère accidentellement. Son père se détourne d’elle car il ne peut lui pardonner la mort de sa femme. Ces deux traumatismes déterminent à jamais sa vie affective. Son manque d’amour fera de cette jeune fille une femme rebelle et dominatrice qui ne trouve qu’un peu de paix en jouant du violoncelle. Dina malgré son caractère bien trempé est attachante à sa façon. Les paysages sublimes des fjords de Norvège contrastent avec la noirceur des personnages. La mort rôde partout et les fantômes de l’enfance ressurgissent violemment. Le réalisateur de Dina a choisi de faire une mise en scène un peu enfiévrée et fantastique pour mieux mettre en avant les tourments de cette femme.
Note : 5 étoiles

Lui :
Il y a un certain côté artificiel dans ce film qui m’a empêché de bien l’apprécier. Le réalisateur emprunte toute une série de gimmicks et d’effets faciles aux films d’épouvante pour nous distiller un certain mal à l’aise, alors que l’histoire était suffisamment dérangeante sans cela. La musique, assez contemporaine, très XXe siècle, accentue le décalage avec ses notes souvent dissonantes. Très belle prestation de l’actrice principale, autour de laquelle tout le film est bâti.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Maria Bonnevie, Gérard Depardieu
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11 août 2005

Good Bye Lenin! (2003) de Wolfgang Becker

Good bye LeninElle :
Film original de par le thème choisi. Le cinéaste a choisi de montrer par l’humour les bouleversements entraînés par la chute du mur de Berlin au sein de l’Allemagne de l’Est. Des sentiments de joie tout d’abord, mais aussi une certaine nostalgie du passé, animent cette famille de RDA. C’est pour protéger leur mère communiste qui sort d’un long coma qu’un frère et une soeur lui cachent la vérité et s’évertuent à reconstituer l’ancienne RDA dans sa vie de convalescente. Wolfgang Becker emploie un ton enlevé et humoristique pour décrire leurs péripéties, et surtout leur mode de vie à cette période. L’intention y est mais la mise en forme est un peu maladroite et poussive. On se désintéresse un peu du sujet à cause de certaines longueurs et exagérations. La dernière partie est un peu plus intéressante et attachante lorsqu’on cerne d’un peu plus près les personnages au cœur de leur vie éclatée.
Note : 3 étoiles

Lui :
Personnellement, je n’ai pas réussi à accrocher : j’ai trouvé la mise en scène un peu tonitruante et que l’histoire avait franchement du mal à être crédible.
Note : 1 étoiles

Acteurs: Daniel Brühl, Katrin Sass
Voir la fiche du film et la filmographie de Wolfgang Becker sur le site IMDB.

13 juillet 2005

Le principe de l’incertitude (2002) de Manoel de Oliveira

Titre original : « O princípio da incerteza »

Principe_incertitudeElle :
Pas facile à aborder les films de Manuel de Oliveira. Sa façon de filmer devient de plus en plus sombre et morbide. Il a tendance à s’appesantir longuement sur les plans fixes et à théâtraliser le jeu des acteurs. Les personnages sont des ombres errantes sans expression. L’ensemble est assez pesant. Cette histoire de mariage arrangé entre Camilla, la petite fille pauvre avec Antonio, riche propriétaire de vignes dans le Douro finit par tourner dans le vide. La maîtresse d’Antonio s’oppose à l’épouse et toutes les deux débitent à n’en plus finir leurs frustrations.
Note : pas d'étoiles

Lui :
Le jeu est certes très théâtral, avec beaucoup d’emphase, presque caricatural, mais ce n’est pas cela qui gêne le plus. Le problème se situe surtout au niveau du scénario car on a bien du mal à s’intéresser à ces personnages. Le personnage de la femme, personnage autour duquel tout s’articule, ne passe pas bien, censé avoir presque des pouvoirs magnétiques, elle paraît bien fade. Le film semble bien long, avec de longs longs plans intermédiaires et on a fini par craquer…
Note : pas d'étoiles

Acteurs: Leonor Baldaque, Leonor Silveira, Ricardo Trepa
Voir la fiche du film et la filmographie de Manoel de Oliveira sur le site imdb.com.
Lire une analyse plus complète du film sur le site fluctuat.com.

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16 juin 2005

« Va et Vient » (2003) de João César Monteiro

Titre original : « Vai~E~Vem »

Va_vientElle :
Film très très lent un peu à la Chantal Akerman avec des plans fixes interminables, une lumière blafarde… d’où mon abandon.
Note : pas d'étoiles

Lui :
Le réalisateur portugais João César Monteiro a réalisé ce film un an avant sa mort, alors qu’il se savait condamné. En se mettant lui-même en scène, il a certainement voulu se montrer tel qu’il est, jouisseur un tantinet libidineux et d’un esprit non-conformiste. Seul problème : le film est quasiment in-regardable, tant ses scènes paraissent interminables (3 heures), toutes en plan fixe, sans éclairage, comme une suite de longues digressions…
Note : 1 étoiles

Acteurs: João César Monteiro
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15 juin 2005

« Rosenstrasse » (2003) de Margarethe von Trotta

RosenstrasseElle :
Magarethe Von Trotta évoque les problèmes des mariages entre allemands et juifs pendant la deuxième guerre mondiale. Elle évoque ces femmes aryennes qui se sont rebellés dans la « Rosenstrasse » pour récupérer leurs maris juifs emprisonnés par les allemands. Pour rendre cet hommage, on suit Hannah, une jeune new-yorkaise qui veut reconstituer le passé enfoui et douloureux de sa mère Ruth. La réalisatrice passe habilement de l’époque contemporaine à l’enfance de sa mère qui fut recueillie par Lena une femme aryenne mariée à un juif. Certes, on n’échappe pas à certaines scènes larmoyantes mais je trouve que l’ensemble sobre et bien fait. fonctionne plutôt bien. Le film bénéficie d’une belle photographie, les personnages sont attachants, les acteurs sont convaincants. Ce film m’a touché par sa justesse de ton.
Note : 5 étoiles

Lui :
Pour comprendre l’attitude fermée et hostile de sa mère, une jeune new-yorkaise part à Berlin reconstituer un épisode de son passé. Au travers cette quête, Margarethe von Trotta rend hommage à ce mouvement de femmes qui en 1943 firent le siège d’un bâtiment où étaient emprisonnés leurs maris juifs. Le film souffre d’une construction un peu lourde, avec de trop nombreux allers-retours entre l’époque actuelle et 1943 et les personnages de l’époque actuelle sont mal définis : par exemple peu de clés nous sont données pour expliquer le comportement de la mère, si ce n’est en mettant en avant l’importance des « non-dits ». Les scènes de 1943 sont beaucoup plus riches et intéressantes, et sont le cœur même du film. La réalisatrice présente ces femmes non comme des héroines mais comme des « femmes ordinaires » ce qui donne une authenticité certaine au film.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Katja Riemann, Maria Schrader, Jutta Lampe
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14 juin 2005

Nosferatu le vampire (1922) de F.W. Murnau

Titre original : « Nosferatu, eine Symphonie des Grauens »

Nosferatu, eine Symphonie des GrauensNosferatu, eine Symphonie des GrauensElle : (pas vu)

Lui :
(Film muet) Adaptation non déclarée du roman Dracula de Bram Stoker, Nosferatu fait indéniablement partie des plus beaux films du cinéma muet. Rompant avec les habitudes de l’époque, Murnau choisit de le tourner en grande partie en extérieurs et en décors naturel, ce qui n’empêchera pas Nosferatu de devenir le fer de lance et le chef d’oeuvre de l’expressionnisme allemand. Vu 80 ans plus tard, le film conserve toute son intensité et reste fascinant, presque envoutant. Nosferatu le vampire La perfection des images et des éclairages de Murnau est évidente et certaines scènes restent gravées à jamais dans les mémoires, à commencer par la sinistre et effroyable silhouette de Nosferatu.

A l’époque, le film eut un grand succès auprès des surréalistes en Allemagne et en France. En revanche, le public anglais et américain le trouvèrent un peu ridicule, ce qui prête à sourire quand on pense au nombre incalculable de films hollywoodiens qui l’ont copié depuis.

NosferatuLa version récente de Nosferatu (appelée « Kino international edition », disponible actuellement en DVD) est une version restorée par L’immagine Ritrovata de Bologne. L’image a été très légèrement recadrée, la vitesse ajustée, la définition améliorée et le noir et blanc a été sensiblement coloré en bistre ou en bleu, selon les indications de l’époque. La bande son est une musique moderne composée par Gérard Hourbette et Thierry Zaboitzeff, interprétée par Art Zoyd. Cette musique electro-acoustique donne une nouvelle dimension au film en le prolongeant; elle colle parfaitement à l’image et il n’y que peu de hiatus entre son modernisme et l’âge du film.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Max Schreck, Gustav von Wangenheim, Greta Schroeder
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6 juin 2005

La Vie est un Miracle (2004) d’ Emir Kusturica

Titre original : « Zivot je cudo »

La Vie est un Miracle Elle :
Nous sommes en Bosnie en 1992 et la guerre est imminente. Kusturica nous propose un film joyeux et trépidant plein d’espoir. Malgré les épreuves, Il veut croire au miracle de la vie dans tous les sens du terme. Dans ce coin perdu au bord d’une voie ferrée qui devrait favoriser les échanges, il met en scène des personnages truculents et attachants, une ânesse protectrice, un chat, un chien, des volatiles dans des situations toutes plus loufoques les unes que les autres. Ce débordement d’énergie, cette truculence fait penser à Fellini. On passe du rire aux larmes, de la colère à la douceur, de l’amour à la haine. Kusturica impose son talent de metteur en scène dans ce film sincère et optimiste malgré quelques petites longueurs.
Note : 4 étoiles

Lui :
Kusturica nous offre là un film à plusieurs facettes : une vision de la société serbe, entreprenante mais encore minée par la corruption. Il y a aussi une terrible histoire d’amour, un homme déchiré entre le désir de revoir son fils et l’amour qu’il porte à une jeune femme. Enfin, en toile de fond, il y a cette guerre, aveugle et omniprésente. Le talent de Kusturica est de mettre tant de choses dans un même film et ce, non pas par petites touches, mais en imprimant un rythme soutenu, haletant, avec beaucoup d’humour et des scènes quasiment hystériques. La Vie est un Miracle est un film plein de vie, et donc en ce sens on peut le trouver optimiste, mais c’est un optimisme lucide : les difficultés seront nombreuses semble t-il nous dire, mais nous rebâtirons ce pays.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Slavko Stimac, Natasa Solak, Vesna Trivalic
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1 juin 2005

« Uzak » (2002) de Nuri Bilge Ceylan

UzakElle :
Ce film turc n’est pas franchement gai mais il est remarquable pour son étrangeté et originalité. Il met en scène une cohabitation difficile entre un photographe divorcé qui reçoit son cousin de la campagne à la recherche d’un travail. Ces deux hommes sont englués dans leurs destins tout comme la petite souris qui se fait prendre dans une bande adhésive. L’un est divorcé et l’autre ne trouve pas de femme. Le réalisateur filme avec talent ces deux solitudes qui semblent plus subir leur condition que la prendre en main. La télévision omniprésente peuple les soirées de ces hommes qui parlent peu. Les sons de la ville, de la campagne, les bruits étranges comblent ce grand vide. Ceylan soigne également ses compositions et affectionne les premiers plans sur des fonds très flous. Il montre surtout la grande détresse morale et affective de la Turquie occidentalisée en proie aux problèmes sociaux.
Note : 4 étoiles

Lui :
Un photographe, totalement désillusionné sentimentalement et professionnellement, accueille son jeune cousin venu chercher du travail à Istanbul. C’est bien sûr l’occasion pour Nuri Bilge Ceylan de mettre en avant une certaine opposition entre la mentalité urbaine et rurale. Il le fait en soignant ses images, particulièrement au niveau des cadrages, avec de longs plans qui amplifient cette impression de vacuité et de solitude qui se dégage des personnages. On peut juste regretter qu’il semble se contenter de les observer, de ne mettre l’accent que sur les occasions manquées, sans approfondir un peu plus leur personnalité.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Muzaffer Özdemir, Mehmet Emin Toprak
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29 avril 2005

Les Harmonies Werckmeister (2000) de Béla Tarr

Titre original : « Werckmeister harmóniák »

Les Harmonies WerckmeisterElle :
Film hongrois d’une incroyable lenteur. Pas beaucoup de patience ce soir. J’ai décroché très vite fait.
Note : pas d'étoiles

Lui :
Les Harmonies WerckmeisterUn village qui semble hors du monde et du temps, et où débarque par convoi spécial une énorme baleine morte… Il s’ensuit une situation de grande confusion, un grand danger semblant planer sur les habitants… Il est difficile de résumer ce film où la raison ne tient pas face à l’irrationnel et au chaos.
Tourné en noir et blanc, Les Harmonies Werckmeister possède un rythme bien à lui : De longs plans, tellement longs que certains en viennent à ressembler à une ritournelle, un disque rayé, tel ce plan étonnant de marche des deux personnages, un plan qui semble développer sa propre musique dans sa répétition. Ou alors cet extraordinaire long plan d’une foule en marche, silencieuse, froide et déterminée, sans expression, telle une armée de zombies, un plan dont se dégage une force vraiment peu commune.
Les Harmonies WerckmeisterBéla Tarr ne nous donne que peu d’explications sur cette menace qui plane tout au long des Harmonies Werckmeister, ou sur ce prince qui semble lui-même manipulé, mais par contre la symbolique est là et on devine aisément les références à la situation sous l’ex-bloc soviétique.
Mais les interprétations peuvent être multiples. Par exemple, cette foule déterminée (mentionnée plus haut) va en fait saccager un hôpital, tabasser les blessés et les malades. Peut-on imaginer un acte plus illogique, contraire à la raison? Faut-il y voir l’expression du sentiment d’avoir au dessus de soi une force colossale, dont on ne comprend pas la logique mais qui peut vous engloutir ? Ou plus simplement, l’expression du fait que dans une situation de crise, une foule peut accomplir les actes les plus inutiles, barbares et idiots ?
Sur la forme, il faut noter également, le travail sur la photo, avec de très beaux plans de visages. Les Harmonies Werckmeister est un film étonnant, pas facile à aborder, mais assez beau et puissant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Lars Rudolph, Hanna Schygulla, Peter Fitz
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