27 mai 2016

Huit et demi (1963) de Federico Fellini

Titre original : « 8 1/2 »

Huit et demiRéalisateur connu dont on attend le prochain film, Guido est en proie à une crise de la quarantaine particulièrement aigüe. Tout s’embrouille pour lui. Ecartelé entre plusieurs femmes, ne sachant plus faire la part du rêve et de la réalité, il est harcelé par les acteurs et les intervenants de son prochain film qui devait être en grande partie autobiographique mais auquel il ne sait plus quelle direction donner… Huit et demi (le titre original était La Bella Confusione, Le Beau Désordre) est le film le plus autobiographique de Federico Fellini : le cinéaste a connu une crise similaire pendant le tournage de La Strada. Ce qui, en d’autres mains aurait été d’une déprimante tristesse, devient avec Fellini une grande fresque tourbillonnante et foisonnante sur les affres de la création et, surtout, sur la recherche de l’équilibre intérieur. Souvenirs, rêves et fantasmes sont l’occasion de superbes scènes, fééries qui sont les seules à apaiser l’esprit tourmenté de Guido. La fin peut s’interpréter de plusieurs façons (1). Claudia Cardinale, en idéal fantasmé d’une fraîcheur perdue, est d’une beauté virginale. L’image de Mastroianni avec chapeau et lunettes est devenue iconique. Le thème final de Nino Rota est aujourd’hui l’une des musiques des plus célèbres de toute l’histoire du cinéma. Huit et demi fait partie de ces films que l’on peut voir et revoir avec toujours le même plaisir.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale, Anouk Aimée, Sandra Milo
Voir la fiche du film et la filmographie de Federico Fellini sur le site IMDB.

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Remarque :
* Plusieurs explications ont été avancées pour le titre du film. La plus couramment acceptée est que Fellini avait auparavant réalisé 6 films et 3 « demi-films » (coréalisations, films à sketches). Huit et demi est donc son « huitième et demi » film… Mais 8 1/2 pourrait aussi être l’âge du jeune Guido lors de ses premiers émois sexuels, le nombre de bobines du film ou encore la focale d’ouverture utilisée sur la plage d’Ostie. Une dernière explication : le chiffre 9 représenterait la maitresse de Guido (cf. Bus 99 dans la scène d’ouverture juste avant de la voir dans une voiture), le chiffre 8 représenterait la femme de Guido (cf. 8 8 ostensiblement présent sur plusieurs affiches lors de sa première apparition), or Guido est écartelé entre ces deux femmes, d’où le 8 1/2. Même si cette dernière explication peut sembler alambiquée, ces chiffres ne sont pas là par hasard…

(1) Tullio Pinelli, coscénariste, a raconté qu’initialement Fellini avait prévu de terminer son film par un suicide sous la table.

huit et demi
Marcello Mastroianni dans Huit et demi de Federico Fellini.

Huit et demi
Claudia Cardinale dans Huit et demi de Federico Fellini.

Huit et demi
Anouk Aimée (avec le fameux chiffre 8 en arrière plan) dans Huit et demi de Federico Fellini.

4 réflexions sur « Huit et demi (1963) de Federico Fellini »

  1. La scene d’ouverture du film est ma preferee de tous les films que j’ai vus et est d’une force enorme. Guido coince dans un embouteillage dans un tunnel romain, il tente de sortir de sa voiture desesperement alors que de la fumee envahit l’habitacle du vehicule et tous les gens autours le regardent et ne font rien et puis il s’evade on ne sait trop comment pour se retrouver en cerf-volant avant de chuter dans la mer et de se reveiller. C’est bien simple, j’adore et je ne me lasse jamais de voir cette scene quand je revois le film ou de la revisualiser dans ma tete comme je le fais actuellement alors que j’ecris ces lignes. Il y a ce plan magnifique ou on voit la silhouette de Mastroianni, tout de noir vetu, avec son chapeau et son echarpe flottant au vent, qui glisse litteralement sur les voitures embouteillees et sort du tunnel pour s’envoler. C’est tellement beau visuellement! Et puis, on entend le vent qui est le seul son accompagnant cette scene. A ce sujet, je n’ai jamais lu quelque part que l’on retrouve tres souvent dans les films de Fellini le son du vent qui souffle, ce qui est curieux car c’est une constante dans son oeuvre.

    Cette scene d’ouverture est grandiose et est une superbe entree en matiere pour un film qui est un des plus beaux du cinema et une tres magnifique reflexion sur les affres de la creation. Comme dans la chanson de Brigitte Bardot, je manque d’adjectifs pour qualifier ce film.

  2. Oui, il est vrai que c’est une scène très forte, surtout qu’elle arrive presque brutalement après un générique très court. La sensation de rêve est particulièrement prégnante avec ce comportement étrange des autres personnes, si particulière aux rêves.
    Amusant ce que vous dites sur le vent. Il faudra que j’y fasse attention…

  3. TEMPETE SOUS UN CRANE
    ou L’angoisse du cinéaste au moment du nouveau film

    A la suite du succès planétaire de La dolce vita, Fellini démarre une analyse et se demande bien ce qu’il va pouvoir faire pour continuer sur ces hauteurs. il se creuse le cigare, entrevoit bien quelque chose, mais c’est compliqué à définir, à écrire, à tourner, à monter. il va prendre comme acteur porte parole un alter égo, ce Marcello qui fut le chroniqueur mondain romain lui servant de fil rouge dans les déambulations de La dolce vita, et cette fois ci c »est dans la tête de ce nouveau personnage – Guido – que nous déambulerons, dans les affres de sa douloureuse création avec les personnes/personnages de son présent, de son passé, de son enfance, de sa fiction en panne qui s’abreuve à sa vie personnelle, car il est cinéaste célèbre, et comme tel, on l’attend au tournant
    Tout le monde attend, monopolisé par ce film à venir mais qui ne se fait pas et dont nous voyons un nombre impressionnant de bouts d’essais déjà tournés et imaginés. Notre homme fragilisé, dans le doute, en cure dans une station thermale balnéaire, lunettes noires et yeux cernés,file un mauvais coton dépressionnaire. Ca ne tourne plus rond
    De l’intro au final, on est sous le coup d’un film qui donne le vertige
    Donc Guido/Marcello s »est substitué au maestro, comme aujourd’hui Banderas à Almodovar. Guido répète plusieurs fois qu’il a 43 ans, l’âge de Federico
    Ce qui stupéfie encore aujourd’hui – c’était déjà en 1963 d’une déconcertante nouveauté – est l’essence virtuose de la conduite de ce récit d’un arrêt
    Que faire? Quoi faire? Comment faire? La réalité se dérobe sous ses pieds, seul le monde intérieur de Guido le guide « Je n’ai rien à dire, mais je veux le dire » finit- il par avouer, le traître, et s’il disait vrai, pour pallier d’avance toute critique? Ce serait assez dans l’esprit du maestro
    Coincé dans sa voiture dans un grand embouteillage sous un tunnel, Guido/Marcello/Federico s’étouffe, s’échappe, cauchemarde…
    La photo de Gianni di Venanzo qui tire sur les contrastes en en faisant un film plus blanc et noir que noir et blanc, les costumes, chapeaux et décors de Pietro Gherardi (oscarisés), et la célèbre musique de Nino Rota ajoutent à ce cauchemar éveillé ponctué de plages poético baroques, d’humour noir et de férocité
    Le nombre impressionnant de personnages fait la part belle aux femmes « de sa vie », l’épouse, la maîtresse, la belle-soeur, la mère, la jeune fille pure, l’actrice angoissée, la sorcière de la plage, la meneuse de revue sur le retour, déjà toute une cité des femmes, ici un harem dans une séquence d’anthologie onirique avec Marcello fouet à la main, enveloppé d’un drap
    Après une fausse fin qui aurait pu tourner au tragique, une apothéose nouvelle sonne comme une parade de cirque toute blanche annonçant un nouveau départ, transformant l’échec en un essai réussi : Fellini est prêt à tourner un 9ème film. Les américains qui en raffolent (plusieurs oscars) en feront un remake musical à leur manière : Nine (joli clin d’oeil)

  4. J’ai l’age de ce film et je me souviens encore de la première fois ou je l’ai vu.
    Entre 15 et 20 ans très tard le soir
    Amusé par l’autodérision de Guido
    Étonné par les personnages qui l’entourent et qui peuplent ses rêves et phantasmes ; les flashes backs (Boris et d’autres)
    Séduit par la subtilité des dialogues , des jeux , des lumières ; le noir et blanc !
    Émerveillé par l’issue des 8 derniers minutes qui sont prodigieusement réalisées
    Bercé par cette fabuleuse musique de Nino Rota , presque drôle , presque lancinante , un peu clownesque , magique , inégalée
    il m’arrive encore de le regarder plus de 35 ans après et de le re-regarder comme un tableau de la Renaissance Italienne dont on ne peu se lasser
    De la poésie en image , de l’humour jusqu » a dans la musique (les Walkyries au début de la cure )
    Une œuvre inspirée , très attachante

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