Titre original : « Psycho »
Marion Crane est insatisfaite de son sort : elle a un amant avec lequel elle ne peut vivre faute d’argent. Elle agit impulsivement lorsqu’elle a l’occasion de voler une très grosse somme d’argent à son patron : elle s’en empare et s’enfuit en voiture… Psychose est le film le plus connu d’Alfred Hitchcock et pourtant il a été conçu comme un film presque expérimental, avec un budget proche d’un téléfilm. L’histoire en elle-même, tirée d’un roman de Robert Bloch inspiré d’un fait divers, n’est pas des plus passionnantes qui soient ; si elle a attiré Hitchcock, c’est parce qu’il y voyait un beau support pour jouer avec le spectateur qu’il entraîne constamment sur de fausses pistes. La mise en place laisse prévoir un certain type de film et au moment où l’on croit deviner la suite, Hitchcock surprend tout le monde par une scène aussi inattendue que contraire aux règles narratives classiques. Devenue la plus célèbre du cinéma, elle n’a plus évidemment l’effet de surprise qu’elle produisait à sa sortie sur les spectateurs et c’est un peu dommage, mais même lorsque que l’on connait le film, on peut admirer le talent d’Hitchcock pour nous induire en erreur, nous dérouter jusqu’à nous terrifier. Tout est calculé dans ce but, il détourne notre attention avec un détail pour mieux nous tromper sur l’essentiel. Sur ce point, il est bien le maitre absolu. Et comme il le dit lui-même, ce n’est pas grâce à son contenu ou à son interprétation que Psychose est un film si remarquable, c’est la façon de construire cette histoire et de la raconter qui a amené le public à réagir de façon émotionnelle.
Elle:
Lui :
Acteurs: Anthony Perkins, Janet Leigh, Vera Miles, John Gavin, Martin Balsam
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Alfred Hitchcock…
Remarques :
* Le budget de Psychose a été de 800 000 dollars soit l’équivalent de trois épisodes moyens de télévision, financé en grande partie par Hitchcock lui-même car personne n’y croyait. La Paramount refusa même de prêter ses studios et Hitchcock le tournera dans les studios Revue chez Universal.
* La scène de la douche compte 70 plans en 45 secondes, ce qui est totalement inhabituel chez Hitchcock qui excelle dans les plans longs. Il semble que Saul Bass ait (fortement ?) contribué à sa conception.
* Dans ses entretiens avec Truffaut, Hitchcock détaille comment, dans la scène où Bates descend sa mère à la cave, il parvient à placer la caméra très haut, ayant attiré notre attention sur le dialogue. Aussi efficace qu’étonnant.
* Hitchcock cameo : À la 6e minute, lorsque Marion Crane arrive à son bureau, on le voit de trois-quarts se tenir dehors sur le trottoir, coiffé d’un chapeau de cow-boy.
Janet Leigh en route vers le Bates Motel dans Psychose de Alfred Hitchcock
L’auteur du livre est Robert Bloch, et non Floch…
Décidément… heureusement que vous êtes là. J’ai corrigé. Un grand merci.
Si on en croit les documents de production, Saul Bass a storyboardé la scène et l’aurait dirigée sous la supervision d’Hitchcock (qui dirigeait le film sous sa double casquette habituelle de producteur et de réalisateur).
http://www.slate.com/blogs/browbeat/2014/02/20/psycho_shower_scene_directed_by_saul_bass_watch_storyboards_side_by_side.html
Un mélange de réussite artistique et d’admiration pour des egos démesurés a fabriqué une belle querelle de chapelle autour d’une pratique tout à fait normale: un spécialiste est engagé pour diriger une scène spécifique.
On peut suivre un récit serein de ce tournage dans l’ouvrage monumental consacré à Saul Bass
http://www.amazon.fr/dp/1856697525/ref=cm_sw_r_tw_dp_HU9Kwb1KTP9EB
Cette querelle a effectivement fait couler beaucoup d’encre…
Saul Bass (qui est un très grand créateur graphique) a quelque peu calmé le jeu après la mort d’Hitchcock en déclarant que « chaque élément du film relevait de la décision d’Hitchcock ».
Cette querelle est un peu inutile à mon avis car, ce qui relève du génie cinématographique, n’est pas la scène en elle-même, c’est le fait d’avoir fait une telle rupture de ton, amené une scène d’une telle violence alors que le film commençait à être plon-plon, alors qu’il venait de faire dire à son héroïne qu’elle allait retourner rendre l’argent… La scène toute seule ne serait jamais devenue la plus célèbre du cinéma, c’est la façon dont elle arrive qui a marqué durablement les esprits.
Et ça, c’est bien du Hitchcock, lui seul et pas un autre. Si personne ne voulait le financer, c’est bien à cause de telles audaces. Quand on pense que même Joan Harrisson, l’une de ses plus proches collaboratrices depuis 25 ans, a préféré avoir une augmentation de salaire plutôt que des parts sur le film ! (Elle a dû le regretter ensuite…)
A noter également que Stephen Rebello s’est livré à une enquête assez minutieuse sur le sujet et son livre est paru en 1981, soit un an après la mort d’Hitchcock.
Le livre (non traduit en français) est ressorti récemment au moment de la sortie du film Hitchcock : voir la fiche…
GUET-APENS
Commenter le film d’Alfred est un véritable guet-apens comme le film lui-même. On ne pouvait même pas entrer dans les salles à l’époque – en 60 – une fois le film commencé, coup de génie publicitaire, et surtout ne rien révéler de ce qui est forcément éventé aujourd’hui. Après son énorme succès, on tourna 3 suites, puis un remake unique dans l’histoire du cinéma par Gus van Sant en 98 (quasiment au plan près, à tel point qu’on pourrait/devrait projeter les deux films côte à côte), ensuite un film relatant le tournage du film « Hitchcock » en 2012 ou le cinéaste est interprété par Anthony Hopkins, une série américaine « Bates hôtel » en 2013 qui est un « préquel » de ce premier film, un livre « La fille derrière le rideau de douche » de Robert Graysmith, journaliste, sur le body double de Janet Leigh dans la scène de la douche Marli Renfro, streap-teaseuse de Las Vegas, assassinée en 1988 (!), des hommages dans les films de Tim Burton et Brian de Palma (entre autres), un nombre saisissant de parodies sur le Net…Mais on revient toujours à l’original.
Rarement film suscita un tel déluge de…commentaires de toutes sortes et laissa sur ses interprètes pareille empreinte, à commencer par Anthony Perkins (Norman Bates du motel Bates) qui en fut marqué à vie et trouva là un rôle stupéfiant. Déjà dans l’arrière salle du bureau de son motel se profilent de grands oiseaux empaillés, et derrière le motel, la maison sortie d’une toile de Hopper
« La meilleure amie d’un garçon est sa mère » Norman Bates
Tourné entre La mort aux trousses et Les Oiseaux, dans une période créatrice faste, Psycho s’ouvre avec intelligence d’un générique aux lettres séparées par des lignes qui coupent les noms en deux apportant déjà une note de dédoublement blanc sur noir que la célèbre partition de cordes de Bernard Hermann renforce. La caméra panoramique sur la ville – Phoenix – Arizona – en se rapprochant de la fenêtre d’un building – vendredi 11 décembre – jusqu’à rentrer par la fenêtre dans une des chambres de l’hôtel où un couple adultère vient de faire l’amour – 2H43 de l’après-midi – Marion / Janet Leigh est en sous-tif blanc balèze – elle ne devrait logiquement pas en porter mais on est en 60. On retrouvera la jeune voleuse plus tard en sous-tif noir balèze, espionnée par un voyeur, dans une position nettement moins confortable que dans l’ouverture. Donc du blanc, on virera au noir en passant par des gammes de gris, de longues pauses et des éclairs sauvages soudains
On le sait, dans ce film la caméra joue avec le spectateur lui tendant de fameux guet-apens
Ne mettre que 4 etoiles pour Psychose alors que vous en mettez 5 pour le film tres moyen de Marlon Brando, Vengeance aux Deux Visages est un peu fort de cafe pour un cinephile, ne trouvez-vous pas?
Psychose est un authentique chef d’oeuvre, c’est un film tres perturbant qui derange le spectateur dans son confort, plus de 55 ans apres sa sortie, il conserve toute sa force. Le film est brillant de bout en bout. Pour ajouter aux commentaires precedents, je mettrai en exergue la longue scene de conduite de Janet Leigh ou on entend en voix off les commentaires de ses proches et employeurs sur l’acte qu’elle vient de commettre, la scene est illustree musicalement par la sublime musique de Bernard Hermmann qui s’ajoute en contrepoint sur les etats d’ame du personnage de Marion Crane jouee par Leigh. Telle que je la’i decrite, la scene pourrait paraitre tres statique mais en fait elle ne l’est pas car on voit sur le visage de la comedienne ses reactions exprimees par des expressions faciales (sourires narquois ou/et amuses, visage ferme, anxieux etc.), toute une gamme d’expression qui rende la sequence tres vivace en definitive. Du grand art, absolument.
Le mot est tres galvaude aujourd’hui et est employe a tort et a travers, mais ici, il s’applique parfaitement, Psychose est tout simplement genial, et est l’oeuvre d’un genie.
Merci pour votre commentaire et pour répondre à votre première question : Non, je ne pense pas que ce soit « fort de café »… cela traduit une différence de jugement sur le film de Brando entre nous deux, mais c’est normal que de telles différences de perception existent et c’est tout l’intérêt du cinéma (et des arts en général).
Sinon, je suis d’accord avec vous pour dire que Psychose est l’oeuvre d’un génie (j’ai horreur de ce mot, je dirais plutôt qu’à mes yeux Hitchcock fait partie des 5 ou 10 plus grands auteurs de cinéma). Hitchcock montre là sa très grande expertise en matière de manipulation. J’ajouterais que la faiblesse de l’histoire en elle-même ne fait que mettre encore plus en évidence le grand art d’Hitchcock.
Je ne sais pas si je qualifierais Psychose de chef d’oeuvre, c’est plutôt (toujours à mes yeux de petit amateur de cinéma) un film marquant… (et qui a marqué). Je peux citer facilement de nombreux autres films d’Hitchcock que je préfère à celui-ci. D’ailleurs, ce qui est amusant, c’est que Psychose est resté en attente dans ma liste de films à revoir depuis au moins 3-4 ans… Bon, mais je ne voudrais pas donner l’impression de sous-estimer Psychose mais, ce qu j’admire dans ce film, c’est probablement plus la démarche d’Hitchcock, son art, son expertise que le film en lui-même.