Titre original : « Los amantes pasajeros »
A la suite d’une erreur malencontreuse, l’avion Madrid-Mexico est contraint de tourner en rond en attendant qu’une piste se libère pour un atterrissage d’urgence. A son bord, un équipage très gay tente de distraire les passagers de la classe affaires (la classe économique ayant été mise sous sédatif par sécurité)… Cela faisait longtemps que Pedro Almodovar n’avait réalisé une comédie pure. Les Amants passagers est un film totalement farfelu mais parfaitement maitrisé. Les personnages sont typés à l’extrême, on ne peut pas dire qu’Almodovar fasse preuve de mesure… mais pourtant il ne tombe jamais dans la facilité et reste toujours à un excellent niveau d’humour. Cette comédie déjantée est, il est vrai, parfaitement écrite. Il se passe beaucoup de choses dans cet avion où stewards et pilotes sont obsédés par les hommes, l’alcool et la drogue. Pas vraiment de message ici : même si Almodovar évoque quelques problèmes modernes comme la corruption et que l’on pourra toujours dire que cet avion qui tourne en rond est une allégorie de nos pays en crise, Les Amants passagers est surtout une comédie pure devant laquelle il faut se laisser aller. Ce type d’humour totalement loufoque ne fera pas l’unanimité toutefois…
Elle:
Lui :
Acteurs: Javier Cámara, Carlos Areces, Raúl Arévalo, Antonio de la Torre, Lola Dueñas, Cecilia Roth
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Bonjour « Elle », bonjour « Lui »,
Après avoir adoré « Etreintes brisées » et fait l’impasse sur les films intermédiaires, j’ai pris une douche froide devant ces « Amants passagers ». J’ai trouvé le film grossier et caricatural. Je me suis demandé si c’est à ça que ressemblaient les premières comédies d’Almodovar, n’en ayant encore découvert aucune. Et je n’ai pas encore eu l’occasion de m’y frotter de nouveau…
Oui, grosse déception pour moi que cet opus. La métaphore sur la situation européenne me paraît bien trop énorme pour être réelle. M’est avis qu’Almodovar a voulu taper sous la ceinture et entend continuer à se donner des allures d’esthète.
Je suis sévère quand je dis ça, j’en ai conscience, et je pense que je ne resterai pas sur ce jugement. Je continuerai donc de regarder des films d’Almodovar, en me disant que d’autres que moi ont bien le droit de l’apprécier dans ce registre pour moi « pseudo-comique ». Comme vous l’avez suggéré, la loufoquerie dont il est question ici ne passe pas du tout pour moi – j’en étais même en colère à la sortie de la salle, c’est dire. Meilleure chance la prochaine fois.
Bonne journée à vous deux.
« En colère » dites-vous… diantre, je ne pensais pas que cela pouvait générer un tel rejet. Pour tout vous dire, « elle » a beaucoup moins apprécié que moi (elle a quand même bien ri pendant le film… mais le jugement final était plutôt négatif).
Que ce soit « caricatural », oui. C’est même une caricature outrée. Mais « grossier », je ne suis pas d’accord. Je dirais même que c’est là tout l’art d’Almodovar : c’est outré, oui cela se passe souvent en dessous de la ceinture (ils ne pensent qu’à ça!) mais ce n’est jamais vulgaire. Almodovar l’a souvent démontré : il peut caricaturer les homosexuels au delà des limites sans que ce soit vulgaire ni même méchant (car au fond, on sent qu’ils les aiment). Alors qu’aujourd’hui la vulgarité est partout, elle est même souvent plébiscitée de par le fonctionnement des nos moyens de communication.
Mais si Almodovar arrive à cela, c’est aussi parce que l’ensemble repose sur une écriture parfaite. Si on le compare par exemple avec un de ses premiers films « Femmes au bord de la crise de nerfs » qui était aussi une comédie, on mesure mieux la différence. Il a maintenant une maitrise de l’écriture bien plus grande qui frise la perfection (et les comédies sont souvent les plus difficiles à écrire).
Je ne suis pas non plus d’accord pour dire qu’Almodovar cède à la facilité : à la fin du film, j’étais curieux de voir les critiques car j’ai pensé « cela m’étonnerait que ça passe ». On ne pourra pas dire en tous cas qu’il s’enferme dans un schéma, qu’il est conforme à un modèle. 😉
Entendons-nous bien, « Lui », j’étais en colère à la sortie de la salle, mais ça n’a pas duré longtemps – la violence de ce rejet est peut-être dû au fait que j’avais essayé de défendre Almodovar pour d’autres films, devant certains de mes proches qui ne voyaient en lui qu’un auteur ordinaire de films ennuyeux.
Il est clair en outre que ma culture Almodovar reste beaucoup trop ténue pour porter un jugement un tant soit peu définitif. J’ai tout de même du respect pour lui, soyez-en sûr. Non, franchement, c’est juste que la loufoquerie dont vous parlez ne m’a pas convaincu, cette fois-ci (sauf peut-être quand les stewards dansent sur la musique des Pointer Sisters). Il est possible que ce soit juste parce que je ne suis pas sensible à cet humour outré.
Comme je l’ai dit, je ne tournerai pas le dos à Almodovar pour autant et je verrai avec curiosité – et très certainement avec plaisir, parfois – ses autres films, passés et à venir.
Une des plus magnifiques réussites de la mise en oeuvre de la « règle » des trois unités (Temps, Lieu, Action) dans le cinématographe (et pas le théâtre filmé ou la série TV) avec en prime tout, enfin presque, ce qui aujourd’hui, fait notre quotidien dans la crise du monde capitaliste. C’est n’est ni vulgaire, ni grossier,ni même caricatural, c’est outrancier, comme Chaplin était outrancier en 1936 avec les Temps Modernes. Ainsi, a-t-on déjà critiqué aussi drôlement et justement cette « pseudo « guerre des genres » (sexuels) que l’on veut nous faire subir ?
« Elle » a bien raison. C’est à mourir de rire