15 septembre 2012

Le lauréat (1967) de Mike Nichols

Titre original : « The graduate »

Le lauréatDiplômé de fraîche date, le jeune Benjamin revient pour les vacances chez ses parents qui ont organisé une réception qui le met mal à l’aise. Il accepte de raccompagner chez elle Mrs Robinson qui lui fait alors des avances… Il est des films qui arrivent juste au bon moment. Sorti cinq ans plus tôt, Le lauréat serait peut-être passé inaperçu, catalogué comme une gentille bleuette. Mais fin 1967, c’est une bonne fraction de toute une génération qui se reconnaît dans cet étudiant bien sage qui hésite à se fondre dans le moule social de ses parents. Le fossé des générations est creusé. Les adultes cherchent soit à imposer leur propre schéma, soit à profiter de leur désarroi comme le fait Mrs Robinson ; ils n’apportent pas de réponses. Le lauréat démystifie le modèle de réussite sociale de la classe moyenne américaine et, quand on gratte, l’envers du décor n’est pas reluisant (cf. la discussion dans le lit sur la rencontre des parents Robinson). Mike Nichols réussit à mêler beaucoup d’humour à son film, distillé par petites touches pratiquement dans toutes les scènes, ce qui le rend le film très abordable. L’épilogue, très gentillet, reste ainsi jubilatoire et donc efficace. C’est le premier grand rôle au cinéma pour Dustin Hoffman qui, à 29 ans, n’a aucun problème pour paraître en avoir 21. Sa légère gaucherie colle parfaitement au personnage auquel il donne une certaine profondeur. Et il y a la musique de Simon & Garfunkel, superbe, qui enrobe et apporte douceur et candeur. Le film connut un très grand succès qui dépasse largement, il faut bien le reconnaître, ses qualités intrinsèques. Il a marqué une génération.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Dustin Hoffman, Katharine Ross, William Daniels
Voir la fiche du film et la filmographie de Mike Nichols sur le site IMDB.
Voir les autres films de Mike Nichols chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Le film Le lauréat est basé sur un roman de Charles Webb, paru en 1963. Il était alors lui aussi un jeune diplômé de 23 ans. Les droits furent achetés pour une bouchée de pain. Charles Webb n’a pas profité du succès du film, ce succès l’a même gêné dans sa carrière d’écrivain « sérieux ».
* « Plastics ! », le conseil que donne l’ami de la famille au jeune Benjamin, est devenu une réplique très célèbre aux Etats-Unis. L’industrie du plastique a connu un boom peu après la sortie du film et, d’après certains, la popularité du film (et de cette réplique) n’y serait pas étranger (ce qui paraît peu probable tout de même!)
* Mike Nichols voulait confier le rôle de Mrs Robinson à Jeanne Moreau, pensant que l’image de la permissivité française sur l’amour allait rendre l’ensemble plus crédible. Les producteurs étaient fermement opposés à ce choix. Ils étaient aussi opposés à l’idée de confier la musique à Simon & Garfunkel. Mike Nichols conclut un marché avec eux : Jeanne Moreau est écartée si on garde Simon & Garfunkel.
* 20 ans après Le lauréat, Mike Nichols tournera un film totalement contraire, Working Girl avec Melanie Griffith et Sigourney Weaver (1988), une histoire où les personnages principaux recherchent par dessus tout la réussite matérielle. Une génération chasse l’autre…

The GraduateDustin Hoffman et Anne Bancroft, photo publicitaire pour Le Lauréat de Mike Nichols

5 réflexions sur « Le lauréat (1967) de Mike Nichols »

  1. Bonjour. Suis-je seul à trouver qu’à la toute fin du film, le regard de Benjamin semble un peu perdu ? Comme si, enfin, il prenait conscience qu’il avait pris une grosse décision d’avenir…

    Je n’en dis pas plus pour ménager le plaisir de vos lecteurs qui n’auraient pas vu le film.

  2. Il semble que Mike Nichols ait laissé beaucoup de réactions spontanées des acteurs dans son film. Par exemple, dans la scène où Benjamin met la main sur le sein de Mrs Robinson (ce qui n’était d’ailleurs prévu au scénario), devant l’absence de réaction d’Anne Bancroft, Dustin Hoffman sent naître un fou rire et c’est pour cela qu’il se dirige à toute vitesse vers le fond de la pièce et qu’il enchaîne en se tapant la tête contre le mur. Mike Nichols a choisi de garder la scène.

    La scène finale a effectivement fait causer : pourquoi nos deux tourtereaux ont ils tout à coup l’air triste ? Retour à la réalité ? Vont-ils finalement s’intégrer dans cette société qui ne les attire guère ? Ou s’agit-il plus simplement d’un accident de tournage ? Mike Nichols raconte qu’il a crié « Riez! » de façon si forte et brutale que les deux acteurs, un peu effrayés, ont effectivement ri mais se sont arrêté brutalement… Même si cette version est exacte, je pense que si Mike Nichols a choisi de laisser la scène, c’est probablement pour introduire une pointe d’ambiguïté, pour montrer que cette remise en question est finalement limitée ou que la société a un pouvoir d’absorption plus fort que leur désir d’émancipation.

  3. Je m’étonne que vous trouviez que le film manque de fond. Sans doute en ai-je trouvé dans la vacuité de ces vies adultes et les réactions des jeunes. Et puis le regard sur cette époque ne me parait pas futile..j’ai revu le film il y a peu et ne l’ai pas trouvé démodé

  4. Je n’ai pas voulu dire que le film manque de fond. Je voulais seulement dire que son contenu n’est peut-être pas aussi fort que l’impact du film le laisserait supposer…

  5. Je suis plutôt d’accord avec Lui. D’un point de vue cinématographique le film n’a rien d’exceptionnel, c’est un bon film, bien réalisé, mais sans plus. S’il est resté célèbre c’est effectivement parce qu’il est arrivé au bon moment au bon endroit. Film choquant ou iconoclaste à l’époque, on a l’impression de voir un documentaire aujourd’hui. Si j’osais je comparerais avec par exemple ‘Trois hommes et un couffin’ en France ou ‘Le déclin de l’empire américain’ au Québec.

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