11 mai 2010

Missouri Breaks (1976) de Arthur Penn

Titre original : « The Missouri Breaks »

Missouri BreaksLui :
Près de la frontière canadienne, l’un des membres d’une petite bande de voleurs de chevaux s’installe près d’un grand propriétaire, sans savoir que celui-ci a fait venir un « régulateur » aux méthodes peu orthodoxes… Avec Missouri Breaks, Arthur Penn casse l’image et les codes du western et y ajoute une bonne dose de dérision. La situation est ici loin d’être simple et certainement pas binaire : le voleur redécouvre une certaine humanité et le justicier est plutôt bestial et cynique. Le scénario a été écrit par Thomas McGuane (1) et le film fut tourné assez rapidement du fait de la disponibilité limitée dans le temps de ses deux énormes stars, Marlon Brando et Jack Nicholson, qui apportent au film une certaine dimension. Nicholson donne beaucoup de présence à son personnage de voleur qui aspire à une autre vie et Marlon Brando campe un tueur accrédité totalement baroque, excentrique, sardonique, exubérant dans ses accoutrements, sadique… et plus encore. En outre, il adopte un phrasé très maniéré et, chose un peu difficile à percevoir pour nous français, un accent irlandais (2). Missouri Breaks est ainsi un western hautement original, qui sous ses atours excentriques apporte une vision claire et réaliste du rôle joué par la violence et par certains propriétaires terriens dans les zones sauvages du nord des Etats-Unis. Le film fut éreinté assez sévèrement par la critique américaine de l’époque. Avec le recul, nous pouvons mesurer combien ces dépréciations furent injustes car Missouri Breaks apparaît comme l’un des westerns majeurs des années soixante-dix.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Marlon Brando, Jack Nicholson, Randy Quaid, Kathleen Lloyd, Harry Dean Stanton
Voir la fiche du film et la filmographie de Arthur Penn sur le site IMDB.

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Remarques :
(1) Thomas McGuane venait de finir de tourner 92 in the shade (qui sera son unique réalisation) et ne participa qu’assez peu à la préparation du film.
(2) C’est Brando qui aurait l’idée de prendre un accent irlandais. Certaines scènes, comme son dialogue un peu ambigu avec sa jument, ont été improvisées par lui. Arthur Penn affirme avoir trouvé toutes ses idées très bonnes et a su bien gérer les deux grandes stars. Sur Missouri Breaks, Penn regrette surtout n’avoir eu que six semaines de préparation pour le film. (Interview dans Cinéma n°221 de mai 1977)

7 mai 2010

Drame de la jalousie (1970) de Ettore Scola

Titre original : « Dramma della gelosia (tutti i particolari in cronaca) »

Drame de la jalousieElle :
Dans l’Italie des années 70 en pleine mutation avec ses no man’s land, ses chantiers de construction, ses exclus face aux grands patrons de l’industrie, Ettore Scola réalise une comédie sociale populaire truculente. Cette histoire d’amour intense qui tourne mal entre deux hommes et une femme oscille en permanence entre la drôlerie, l’humour et le drame des amants trompés et de l’indécise amante. Le film est pétulant et plein de vie tout en révélant à la fois la réalité de la misère de ces années là. Le trio d’acteurs, dont font partie Marcello Mastroianni et Monica Vitti, est brillant.
Note : 5 étoiles

Lui :
Drame de la Jalousie débute comme un film grave, en apparence assez cru et sans embellissement mais, peu à peu, les quelques notes d’humour se font de plus en plus nombreuses et l’on se rend compte que cette histoire dramatique est en réalité une comédie. Et quelle comédie ! C’est l’une des plus réussies du cinéma italien des années soixante-dix, dans le sens où elle nous apparaît multi- facettes : c’est un film social avec des gens ordinaires qui vivent difficilement dans des conditions proches de l’insalubre, c’est un film politique qui dénonce le laxisme et la corruption en montrant, de façon insistante et non sans humour, des tas d’ordures envahissants (où l’on se conte fleurette) et des plages envahies de détritus, et c’est (surtout) une comédie qui transforme le drame issu d’un périlleux triangle amoureux en un spectacle haut en couleur, plein de cris, de gesticulations et de situations cocasses… la tragi-comédie dans toute sa splendeur. C’est du grand art. Drame de la Jalousie est le premier « grand film » d’Ettore Scola, il débute ainsi brillamment une décennie qui verra le meilleur de la comédie sociale italienne. S’il n’est pas toujours considéré à sa juste valeur, Drame de la Jalousie fait toutefois partie des plus grandes d’entre elles.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Monica Vitti, Giancarlo Giannini
Voir la fiche du film et la filmographie de Ettore Scola sur le site IMDB.

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9 mars 2010

Ne vous retournez pas (1973) de Nicolas Roeg

Titre original : « Don’t Look Now »

Ne vous retournez pasLui :
Un couple, fortement perturbé par la mort récente de leur toute jeune fille, se rend à Venise pour oublier. Là, ils sont approché par une femme médium et aveugle qui se dit porteuse d’une message d’avertissement de la part de leur fille. Cette histoire baignée de supernaturel est adaptée d’une nouvelle de Daphné du Maurier. Après avoir été un chef opérateur réputé, Nicolas Roeg est passé à la réalisation avec Performance. Dans Ne vous retournez pas, il utilise comme décor Venise en plein hiver, exploitant son aspect vide et inquiétant. Nicolas Roeg a une certaine tendance à utiliser certains effets à outrance, que ce soit dans le montage ou dans le déroulement narratif : de nombreuses fausses pistes ou attitudes inquiétantes accentuent notre sensation de confusion. L’ensemble m’a paru assez décevant personnellement. Ne vous retournez pas est pourtant généralement plutôt bien estimé par les amateurs de surnaturel. Bonne prestation de Donald Sutherland (affublé d’une perruque frisée!)
Note : 2 étoiles

Acteurs: Julie Christie, Donald Sutherland, Hilary Mason, Clelia Matania
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26 février 2010

Darling Lili (1970) de Blake Edwards

Darling LiliLui :
Pendant la guerre de 1914, une chanteuse anglaise célèbre est en réalité une espionne allemande. Elle doit rencontrer un pilote anglais en France pour lui soutirer des informations. Le thème de Darling Lili est donc proche de Mata Hari mais le traitement par Blake Edwards est assez particulier. En fait, il semble vouloir mêler tous les genres en un seul film : espionnage, comédie, aventure, mélodrame sentimental et même comédie musicale, tout cela devant formant une super production dont le budget a quelque peu explosé en cours de route. Darling Lili paraît au final un film trop hétéroclite et aux influences nombreuses. Il y a pourtant de bons passages mais le côté sentimental semble un peu trop appuyé et les chansons un peu longues. A la décharge de Blake Edwards, il faut savoir que le montage du réalisateur ne faisait que 107 minutes et mettait beaucoup plus l’accent sur le comique et la voltige aérienne. Hélas Paramount rallongea l’ensemble de plus de vingt minutes. Il est évident qu’il ne se passe rien entre Julie Andrews et Rock Hudson. L’alchimie n’a pas fonctionné. Laminé par la Critique à sa sortie, le film connut un échec retentissant. Il a aujourd’hui des défenseurs.
(Film vu ici dans sa version commerciale de 136 minutes. Si cela est possible, il faut certainement mieux visionner la version de 107 minutes qui est disponible sur le DVD américain).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Julie Andrews, Rock Hudson, Jeremy Kemp, Jacques Marin, André Maranne, Vernon Dobtcheff
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Remarques :
a) La production ayant prévu de tourner entre autres à Paris en juin 1968 dut se déplacer à Bruxelles à cause des évènements de Mai 68. La « gare parisienne » est ainsi le hall du Palais de Justice de la capitale belge.
b) Les scènes de combats aériens, assez réussies et spectaculaires, furent tournées par une autre équipe en Irlande.
c) Blake Edwards a épousé Julie Andrews peu avant la sortie du film. On comprend donc pourquoi Darling Lili la met si bien en valeur.
d) Ses déboires avec les Studios sur Darling Lili ont inspiré Blake Edwards quand il tournera S.O.B. plus de dix ans plus tard.

17 février 2010

Klute (1971) de Alan J. Pakula

KluteLui :
Un industriel qui disparaît, une enquête policière qui tourne en rond, c’est dans ces circonstances que Klute, un ami de la famille, est chargé d’enquêter. Sa seule piste : une lettre obscène que le disparu aurait envoyé à une call-girl new-yorkaise. Il s’agit donc d’une histoire de maniaque sexuel mais ce n’est pas le scénario qui rend Klute si original. Dans le prolongement de  la décennie des années soixante qui a vu naître un ton nouveau dans les films policiers et d’enquête, Pakula prend certaines libertés avec les codes habituels pour les dépasser ; il rend le climat plus réaliste, dans le sens proche de la réalité, et donne une vraie dimension psychologique à ses personnages principaux. Donald Sutherland interprète un enquêteur mélancolique et obstiné qui est bien plus qu’un simple enquêteur et Jane Fonda insuffle beaucoup d’humanité dans cette call girl, la rendant ainsi très proche de nous. Il faut ajouter un traitement particulier à la photographie, avec une certaine exacerbation des contrastes et des placements de caméra originaux. Malgré son scénario conventionnel, Klute est ainsi un film assez franchement novateur.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jane Fonda, Donald Sutherland, Charles Cioffi, Roy Scheider
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Klute préfigure deux autres grands films d’enquête de Pakula, dans un registre plus politique toutefois : A cause d’un assassinat (The Parallax view) en 1974 et Les hommes du Président (All the President’s Men) en 1976.

3 janvier 2010

Le meilleur des mondes possible (1973) de Lindsay Anderson

Titre original : « O Lucky Man! »

Le meilleur des mondes possibleLui :
Le meilleur des mondes possible peut être vu comme une suite au très remarqué If… : après avoir traité du monde des collèges, Lindsay Anderson aborde cette fois l’étape suivante puisque son personnage principal, toujours interprété par Malcolm McDowell (1), est maintenant un jeune homme plein d’entrain et d’ambition qui se lance dans la vie active. C’est un peu une version moderne du Candide (le titre français reprend d’ailleurs une phrase de ce conte philosophique de Voltaire) car le jeune Mike va se heurter aux dessous du commerce, au nucléaire, au contre-espionnage, à la recherche médicale, à l’armée, au capitalisme international, à la justice, à l’Eglise, à la pauvreté, etc… Le film est ainsi une sorte d’épopée, O Lucky Man! un parcours semé d’obstacles que notre Candide va surmonter avec un optimisme inébranlable qui lui donne un certain détachement ; il est pourtant très malmené et ne s’en sort pas toujours sans dommage, loin de là. Le meilleur des mondes possible met en relief les dessous et travers de notre société, dans lesquels brutalité et corruption reviennent souvent comme une constante. L’humour est aussi très présent. Certaines scènes sont assez surréalistes et peuvent évoquer l’approche d’un Luis Bunuel. Le film est original sous bien d’autres aspects : il est ponctué de morceaux chanté par Alan Price (ex-Animals), certains acteurs jouent plusieurs rôles successifs. Lindsay Anderson termine son film par une pirouette, un peu énigmatique (2). Durant presque trois heures, le film ne montre aucune longueur. Le Meilleur de mondes possible est un film vraiment remarquable, pas vraiment daté car son propos reste, somme toute, assez actuel.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Malcolm McDowell, Ralph Richardson, Rachel Roberts, Arthur Lowe, Helen Mirren
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Remarque :
* L’adjectif possible est bien au singulier dans le titre français, ce qui laisse supposer qu’il s’applique à « meilleur ». La formulation n’est pas très heureuse.

(1) Entre If… et Le meilleur des mondes possible, Malcolm McDowell a joué dans Orange Mécanique, rôle qui lui a certes donné une notoriété mondiale mais qui le cantonnera, pour de nombreuses années, dans les rôles de psychopathe.
Le meilleur des mondes possible est en partie basé sur une histoire autobiographique écrite par McDowell : avant de devenir acteur, Malcolm McDowell fut effectivement vendeur de café.
(2) (Ne lisez pas cette petite note si vous avez l’intention de voir prochainement le film) C’est une fin que l’on peut interpréter de plusieurs façons : cherchant à se faire accepter lors d’un casting, le jeune Mike refuse de sourire et reçoit un coup de script sur la tête par le metteur en scène (joué par Lindsay Anderson lui-même) : il regarde ensuite la caméra comme s’il venait de s’éveiller à la conscience…

28 novembre 2009

Le crime de l’Orient-Express (1974) de Sidney Lumet

Titre original : « Murder on the Orient Express »

Le Crime de l’Orient ExpressLui :
Le détective belge Hercule Poirot monte à bord de l’Orient Express en partance vers Londres. Pendant le voyage, un meurtre est commis. Le directeur du train lui demande de mener l’enquête… Partant du principe que presque tout le monde connaît le dénouement de ce roman très célèbre d’Agatha Christie, Sydney Lumet délaisse délibérément le côté suspense pour nous offrir un grand spectacle : une reconstitution minutieuse de l’univers d’Istanbul et du train l’Orient Express dans les années trente et, surtout, une impressionnante liste de stars, souvent anciennes que l’on revoit avec grand plaisir. Il s’efforce donc de donner un rôle un tant soit peu consistant à chacun de ses personnages même si cela génère parfois quelques longueurs. C’est Ingrid Bergman qui gagnera l’oscar de rigueur par son interprétation tourmentée que l’on peut trouver un peu appuyée. Même s’il ne passionne pas vraiment, Le Crime de l’Orient Express reste agréable à regarder pour son charme désuet.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Albert Finney, Lauren Bacall, Ingrid Bergman, Anthony Perkins, Richard Widmark, Sean Connery, Vanessa Redgrave, Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Cassel, John Gielgud
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Suite : Mort sur Nil de John Guillermin (1978), produit dans le même esprit et plutôt plus réussi dans son côté enquête.

Remake : Le crime de l’Orient-Express (Murder on the Orient Express) de Kenneth Branagh (2017)

15 novembre 2009

Si tu crois fillette… (1971) de Roger Vadim

Titre original : Pretty maids all in a row

Pretty Maids All in a RowElle :
(pas vu)

Lui :
C’est le scénariste et producteur américain Gene Roddenberry (plus connu comme créateur de la série Star Trek) qui est allé chercher Roger Vadim en France pour adapter ce roman qui mêle la comédie sexy soft avec une trame policière. Nous sommes dans un collège californien au tout début des années soixante-dix, en pleine période de libération sexuelle et de l’amour libre. Professeurs et élèves, tout ce petit monde semble vivre sans aucun tabou ni entrave. Un jour, une élève est retrouvée assassinée. Un enquêteur enquête… Si tu crois fillette était un film provocateur à son époque (aujourd’hui, il serait tout bonnement inconcevable) et Vadim s’y entend pour rendre l’ensemble visuellement charmant mais sans tomber, on peut mettre cela à son crédit, dans le voyeurisme. Le film fit un gros flop. Malgré une bonne interprétation et quelques notes d’humour, l’ensemble paraît tout de même un peu creux et il faut voir Si tu crois fillette plutôt comme un divertissement très léger ou encore comme un vestige…
Note : 2 étoiles

Acteurs: Rock Hudson, Angie Dickinson, Telly Savalas, John David Carson
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12 octobre 2009

Mort sur le Nil (1978) de John Guillermin

Titre original : « Death on the Nile »

Mort sur le NilElle :
(pas vu)

Lui :
Mort sur le Nil de John Guillermin s’inscrit dans la lignée du Crime de l’Orient Express tourné par Sydnet Lumet, quatre ans plus tôt. Ils sont tous deux adaptés d’un roman d’Agatha Christie et émanent des mêmes producteurs anglais. Il est donc assez inévitable de les comparer. La scène se passe en Egypte, sur un bateau effectuant une croisière sur le Nil. Cette fois, c’est Peter Ustinov qui interprète le détective belge Hercule Poirot et il donne un style quelque peu différent : une certaine rondeur (!), une imperturbable placidité et une bonne dose d’autosatisfaction. La mise en scène est plus fastueuse avec une large utilisation des décors extérieurs, majestueux, baignés de soleil. On pourra peut-être reprocher au film une mise en place assez longue, mais celle-ci ne manque pas de charme ; lorsque l’enquête démarre, le rythme devient nettement plus soutenu et le développement de l’histoire réserve bien des surprises. L’interprétation est parfaitement dans le ton. Aux côtés de Peter Ustinov, David Niven contribue à donner à l’ensemble une indéniable élégance qui fait tout de charme de ce Mort sur Nil
Note : 4 étoiles

Acteurs: Peter Ustinov, David Niven, Lois Chiles, Simon MacCorkindale, Bette Davis, Mia Farrow, Jane Birkin, Maggie Smith
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Autre adaptation du même roman :
Agatha Christie: Poirot – Death on the Nile de Andy Wilson (2004) pour la télévision (dans le cadre d’une série). A noter que le même bateau a été utilisé dans cette nouvelle adaptation.

5 septembre 2009

Cet obscur objet du désir (1977) de Luis Buñuel

Cet obscur objet du désirElle :
(pas (re)vu)

Lui :
Cet obscur objet du désir est le dernier film de Luis Buñuel. Il reprend plusieurs des thèmes chers au cinéaste et évoque plusieurs de ses films. Il s’agit de l’adaptation du roman de Pierre Louÿs « La femme et le pantin » qui avait déjà été porté plusieurs fois à l’écran. Comme Buñuel le décrit lui-même, c’est l’histoire d’une possession impossible d’un corps de femme. Un bourgeois d’âge mûr désire une jeune femme qui se dérobe constamment : à chaque fois qu’il pense parvenir à ses fins, il se heurte à un obstacle infranchissable. Le réalisateur installe cette histoire dans un climat d’insécurité, attentats, agressions, qui crée un sentiment d’instabilité. Il y a aussi ce même parfum de léger onirisme, ou d’irréalité, que l’on avait dans Le fantôme de la liberté ou Le charme discret de la bourgeoisie. L’une des originalités les plus visibles de Cet obscur objet du désir est de faire jouer le rôle de la femme désirée par deux actrices différentes, sans aucune ressemblance : la toute jeune et douce Carole Bouquet, au visage de madone, et la sensuelle et insolente Angela Molina (hélas doublée en français). Ce dédoublement symbolise la dualité de la perception et des sentiments du personnage principal et de ses souvenirs (1). En à-côté, Buñuel s’amuse à détourner l’attention par des détails ou des objets incongrus, comme pour éviter que l’on prenne cette fable trop au sérieux. Sans être tout à fait au niveau des très grands films de Buñuel, Cet obscur objet du désir clôture fort joliment sa filmographie.(2)
Note : 4 étoiles (5/9/2009)4 étoiles (15/06/2024)

Acteurs: Fernando Rey, Carole Bouquet, Ángela Molina, Julien Bertheau, André Weber
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(1) Buñuel explique cela plus prosaïquement par une raison technique : Maria Schneider ayant quitté la production, il fallut la remplacer et comme il avait deux postulantes qui étaient parfaites chacune pour l’un des aspects du personnage, il engagea les deux !
(2) Le film s’achève sur une scène énigmatique (la femme qui reprise un manteau de dentelle taché de sang), la dernière scène que Buñuel ait tournée et dont il parle ainsi : « Cette scène me touche sans que je puisse dire pourquoi, car elle reste à jamais mystérieuse ». Et il accole à cette scène une dernière pirouette, ultime facétie du réalisateur.

Autres adaptations du roman de Pierre Louÿs :
La femme et le pantin de Jacques de Baroncelli (1928)
La femme et le pantin (The devil is a woman) de Josef von Sternberg (1935) avec Marlene Dietrich
La femme et le pantin de Julien Duvivier (1959) avec Brigitte Bardot (adaptation bien terne)