19 juin 2009

Sylvie et le fantôme (1946) de Claude Autant-Lara

Sylvie et le fantômeElle :
(pas vu)

Lui :
Sylvie est une jeune fille de 16 ans dont l’imaginaire est très marqué par une histoire familiale : sa grand-mère avait un jeune amant, le « chasseur blanc », qui se tua pour elle. La jeune fille est persuadée que l’esprit de ce jeune homme est toujours présent dans la vieille et vaste demeure familiale. De cette histoire, tirée d’une pièce de théâtre, Claude Autant-Lara en fait un film très poétique, plein de tendresse et aussi d’humour. C’est l’univers imaginaire de l’adolescence, peuplé de princes charmants et de grand Amour, qui se heurte avec douceur au monde réel. Sylvie et le fantôme bénéficie d’une fort belle distribution. C’est Jacques Tati, avec sa sihouette si particulière, qui interprète le fantôme. Les effets de transparence sur ce fantôme (et son chien) sont particulièrement réussis. L’humour est très présent, notamment au travers du domestique superstitieux incarné par Julien Carette. Tourné au lendemain de la Libération, le film d’Autant-Lara apportait une bouffée d’air pur et de fraîcheur.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Odette Joyeux, François Périer, Julien Carette, Jean Desailly, Jacques Tati, Pierre Larquey
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2 juin 2009

La Dame du vendredi (1940) de Howard Hawks

Titre original : « His Girl Friday »

La dame du vendrediLui :
La Dame du Vendredi est la seconde adaptation au grand écran d’une pièce de Ben Hecht, The Front Page, à ceci près qu’Howard Hawks a pris le parti de féminiser le personnage principal (la suite de sa filmographie prouve d’ailleurs que le réalisateur affectionne les inversions de sexes pour relancer une intrigue). Ce changement lui permet de déplacer en partie le point central vers les relations homme-femme tout en conservant son aspect critique de la presse à sensation : dans les deux cas, c’est l’art de la manipulation qui attire Howard Hawks. Une journaliste (Rosalind Russell), jadis brillante, vient annoncer son remariage imminent à son ex-patron et ex-mari (Cary Grant). Ce dernier est bien décidé à la récupérer par n’importe quel moyen. Comme beaucoup des comédies de cette époque, La Dame du Vendredi repose beaucoup ses dialogues qui atteignent une densité peu courante. Presque tout le film se déroule dans deux lieux, en réalité deux pièces : le bureau du rédacteur en chef et la salle de presse d’un établissement pénitentiaire (avec un bref passage dans un restaurant pour une scène mémorable). Donc, aucun effet de décors, théâtre oblige, mais en revanche les dialogues fusent, brillants, riches et très enlevés. Ils ne sont nullement datés et paraissent aujourd’hui aussi actuels qu’il y a 70 ans. Le déroulement du scénario est aussi vif que les dialogues. Tout concourre à faire de La Dame du Vendredi un film extrêmement plaisant, à l’équilibre parfait. Une belle réussite.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Cary Grant, Rosalind Russell, Ralph Bellamy, Gene Lockhart, Porter Hall
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Remarque :
La traduction en français du titre est plus digne d’un cancre que d’un distributeur : elle ne veut rien dire. En fait, Man Friday, en anglais, désigne un homme à tout faire, l’homme de toutes les situations (l’expression vient de Robinson Crusoë). His Girl Friday joue la carte de l’inversion de sexe et souligne une certaine ambiguité : Cary Grant cherche à recupérer à la fois sa femme et son meilleur journaliste, « sa femme à tout faire » en quelque sorte.

Autres adaptations de la pièce de Ben Hecht :
The Front Page de Lewis Milestone (1931) avec Pat O’Brien dans le rôle du journaliste et Adolphe Menjou dans le rôle du patron de journal.
The Front Page (Spéciale première) de Billy Wilder (1974) avec Jack Lemmon (le journaliste) et Walter Matthau (le patron).
Switching Channels (Scoop) de Ted Kotcheff (1988) avec Kathleen Turner (la journaliste) et Burt Reynolds (le patron)

28 mai 2009

L’assassin habite au 21 (1942) de Henri-Georges Clouzot

L'assassin habite... au 21Elle :
(pas vu)

Lui :
L’assassin habite au 21 est la première vraie réalisation du jusqu’à présent scénariste Henri-Georges Clouzot. C’est un coup de maître car le film est incontestablement l’un des meilleurs films policiers français des années 40. Le scénario est tiré d’un livre de Stanislas-André Steeman. Un commissaire s’introduit anonymement dans une pension de famille pour tenter de démasquer un tueur en série. L’intrigue est très ficelée et il est bien difficile de deviner par avance le coupable. Mais, au-delà du remarquable suspense, si L’assassin habite au 21 est un film qui se revoit avec autant de plaisir même quand on en connaît l’issue, c’est grâce à sa galerie de portraits. Les personnages sont hauts en couleur et l’interprétation les rend inoubliables : Noël Roquevert, Jean Tissier, Pierre Larquey, c’est un délice de les voir faire leur numéro. Mais tous les personnages sont parfaitement campés. Comme le remarque l’historien Jacques Lourcelles : « la caractérisation pittoresque et variée des différents personnages fait le lien avec le cinéma d’avant-guerre où les acteurs de second plan supplantaient souvent, en talent et en relief, les vedettes. » La vision que donne Henri-Georges Clouzot de ses personnages est assez sombre. Le rythme est soutenu, l’humour apporte un contrepoint salvateur. Ces portraits sans complaisance rendent le film impérissable.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Fresnay, Suzy Delair, Jean Tissier, Pierre Larquey, Noël Roquevert
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Remarque :
Le personnage du commissaire Wenceslas Wens,  déjà interprété par Pierre Fresnay, était présent dans Le Dernier des Six de Georges Lacombe (1941), basé sur un roman de Steeman dont Henri-Georges Clouzot avait signé l’adaptation.

27 mai 2009

Correspondant 17 (1940) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Foreign correspondent »

Correspondant 17Elle :
(pas revu)

Lui :
Si Correspondant 17 est le deuxième film américain d’Alfred Hitchcock, c’est en réalité sa première production entièrement hollywoodienne dans l’esprit et dans les moyens. Après Rebecca, le réalisateur eut en effet un budget conséquent à sa disposition qui permit la construction de décors importants : que ce soit les scènes situées à Londres, Amsterdam ou en pleine mer, tout est fait en studio. En revanche, Hitchcock n’a pu avoir les acteurs qu’il désirait : le film policier était à l’époque un genre mineur à Hollywood, juste bon pour les films de série B, et donc Gary Cooper refusa le rôle principal. Le sujet était pourtant assez riche : un jeune reporter, spécialiste des chats écrasés, est envoyé en Europe par son patron qui espère ainsi avoir de vrais nouvelles basées sur des faits et non sur des communiqués d’ambassade. Sans le vouloir, il va se retrouver aux premières loges pour débusquer une sombre conspiration d’espionnage nazi. Correspondant 17 est donc basé sur le thème de l’innocent qui se trouve mêlé à des aventures qui le dépassent, un thème cher à Hitchcock et que l’on retrouve dans plusieurs de ses films. Foreign correspondent Ici, malgré une certaine mollesse de Joel McCrea dans le rôle principal, il parvient à livrer un film qui comporte des scènes absolument remarquables : la scène des parapluies (un assassin qui s’enfuit au milieu d’une foule filmée de haut sous la pluie), les scènes à l’extérieur et à l’intérieur du moulin à vent, le crash de l’avion en pleine mer sont des scènes inoubliables. La photographie est superbe, les éclairages sont très travaillés, l’intérieur du moulin par exemple montre une véritable perfection dans l’utilisation de la lumière. Le déroulement du scénario est ponctué de moments assez trépidants espacés par des scènes un peu plus traînantes, surtout celles avec Laraine Day où l’absence d’acteurs de premier plan se fait quelque peu sentir. Malgré l’intensité des enjeux, l’humour n’est pas absent, loin de là, notamment avec le personnage du journaliste anglais, dans lequel George Sanders excelle. Au délà de l’histoire d’espionnage, Correspondant 17 comporte un message fort, militant pour une implication des Etats-Unis dans la guerre qui venait d’éclater. La scène finale en est la preuve.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Joel McCrea, Laraine Day, Herbert Marshall, George Sanders, Albert Bassermann
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20 mai 2009

Les tuniques écarlates (1940) de Cecil B. DeMille

Titre original : « North West Mounted Police »

Les tuniques écarlatesElle :
(pas vu)

Lui :
Basé sur un épisode réel et important de l’histoire du Canada, la Rébellion du Nord-Ouest menée par Louis Riel en 1885, Les Tuniques Ecarlates est le premier film en Technicolor de Cecil B. DeMille. Le rouge vif de l’uniforme de la Police Montée se détache particulièrement bien sur le vert des forêts canadiennes, une occasion rêvée d’utiliser ce nouveau procédé de couleurs qui est un spectacle à lui tout seul. L’image est effectivement superbe. Les tuniques écarlates Hormis deux beaux personnages féminins à l’opposé l’un de l’autre, Madeleine Carroll dévouée et la sauvageonne Paulette Godard, les scénaristes ont créé un personnage de héros modeste au grand cœur qui convient parfaitement à Gary Cooper, lui offrant là un joli rôle même si l’on peut trouver qu’il survient inopinément (un officier américain arrivé là pour poursuivre un criminel). Sur le fond, DeMille se montre étonnamment neutre dans sa représentation Louis Riel à la tête du peuple métis en rébellion, le méchant étant non pas lui-même mais l’un de ses acolytes, mû uniquement par l’appart du gain. Si sur le plan historique, Les Tuniques Ecarlates est intéressant en re-créant cette partie de l’histoire canadienne et son univers, le film apparaît plus faible dans les scènes plus sentimentales, notamment entre Gary Cooper et Madeleine Carroll, des scènes assez convenues où les personnages paraissent quelque peu empruntés.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Madeleine Carroll, Paulette Goddard, Preston Foster, Robert Preston, George Bancroft, Akim Tamiroff
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29 avril 2009

Assurance sur la mort (1944) de Billy Wilder

Titre original : « Double Indemnity »

Assurance sur la mortLui :
Histoire de crime presque parfait, Assurance sur la mort est le premier « grand film » de Billy Wilder en tant que réalisateur. Pour adapter ce roman policier de James M. Cain, il s’est adjoint les services de Raymond Chandler dont c’est ici le premier apport en tant que scénariste. La construction est originale puisque le film débute par la confession d’un agent d’assurances : une balle dans le corps, il avoue son crime à un magnétophone. Donc, le suspense n’est pas de savoir qui a tué, ni pourquoi (il dit avoir tué pour l’argent et pour une femme), mais de savoir comment cet homme a pu en arriver là. L’originalité d’Assurance sur la mort est aussi là : le meurtrier est un homme tout à fait ordinaire, ni médiocre ni brillant, un cadre moyen sans histoire. Habitué à des rôles plus légers, Double IndemnityFred McMurray a été réticent à accepter le rôle mais Billy Wilder a insisté, attiré justement par son côté affable. Face à lui, Barbara Stanwyck, avec sa perruque blonde et souvent vêtue de blanc, est étonnante en mante religieuse qui berne les hommes avec un petit sourire légèrement démoniaque. Edward G. Robinson complète le trio ; suspicieux, malin et méthodique, il oppose l’intelligence et la déduction aux pulsions incontrôlées. Original sur bien des points et remarquablement bien construit, Assurance sur la Mort est bien l’un des plus grands classiques du film noir.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Fred MacMurray, Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson
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Remarques :
– Le Code Hays avait longtemps interdit d’adaptation les deux livres de James M. Cain, Assurance sur la mort et Le Facteur sonne toujours deux fois. Tous deux reposent il est vrai sur le même thème, le désir sexuel qui pousse au crime un homme ordinaire. Ces deux livres ont donné deux très grands films noirs, à classer sans aucun doute parmi les 10 plus grands des années 40.
– L’histoire est basée sur un fait divers réel qui s’est déroulé à New York en 1927.

21 avril 2009

Les Dames du Bois de Boulogne (1945) de Robert Bresson

Les Dames du Bois de BoulogneLui :
Les Dames du Bois de Boulogne, le deuxième long métrage de Robert Bresson, est d’un style plus classique et même sous certains aspects en opposition avec ses films suivants. Librement adaptée d’un conte de Diderot contenu dans Jacques le fataliste et son maître, l’histoire est une variation machiavélique du triangle amoureux : délaissée par son amant, une dame du monde décide de se venger en faisant en sorte qu’il tombe amoureux d’une ex-danseuse sans connaître son passé. L’histoire est transposée en 1943, ce qui crée parfois un léger décalage mais les très beaux dialogues de Jean Cocteau assurent la liaison par leur grand classicisme. Le producteur imposa Paul Bernard pour le rôle de l’homme-victime, acteur plutôt connu pour ses rôles de personnages cyniques, ce qui enlève une partie de la force du film. La présence d’Alain Cuny, initialement pressenti pour le rôle, aurait certainement élargi la dimension dramatique des Dames du Bois de Boulogne en nous rendant son personnage sympathique et aurait ainsi intensifié les tensions. Robert Bresson se concentre avant tout sur ses personnages, décors, costumes et lieux sont très simples sans que cette sobriété n’entrave une certaine élégance de ton. Si elle fut partiellement imposée par l’époque (Les Dames du Bois de Boulogne a été tourné sous l’Occupation), cette sobriété préfigure le style que développera Robert Bresson.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Paul Bernard, María Casares, Elina Labourdette, Lucienne Bogaert
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Autre adaptation du même conte de Diderot :
Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret (2018) avec Cecile de France et Edouard Baer.

13 avril 2009

Les conquérants d’un nouveau monde (1946) de Cecil B. DeMille

Titre original : « Unconquered »

Les conquérants d'un nouveau mondeLui :
Si Cecil B. DeMille est connu pour ses films historiques, il n’a pas abordé si souvent l’histoire des Etats-Unis. Les Conquérants d’un Nouveau Monde en évoque une page assez ancienne puisqu’elle prend place avant la Déclaration d’Indépendance, un évènement appelé La Révolte de Pontiac (1763), du nom d’un chef indien qui organisa une attaque coordonnée de plusieurs tribus indiennes contre les colons anglais près de Pittsburgh (Pennsylvanie).
A la réalité historique est ajoutée l’aventure d’une belle anglaise exilée comme esclave (Paulette Godard) que se disputent un noble et beau capitaine (Gary Cooper) et un trafiquant d’armes (Howard Da Silva) pactisant avec l’ennemi. L’image est d’un très beau technicolor avec de très belles scènes de forêt et une fameuse scène de kayak sur d’imposantes chutes d’eau. La reconstitution du siège de Fort Pitt est assez impressionnante de réalisme. On remarquera aussi la présence de Boris Karloff, vraiment convaincant en chef indien. Précisons toutefois que Les Conquérants d’un Nouveau Monde n’est pas à recommander aux amateurs de « contenu politiquement correct » puisque les indiens y sont présentés assez fourbes. Le film est néanmoins très prenant, épique à souhait, mêlant Histoire, aventure et romanesque de façon quasiment parfaite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Paulette Goddard, Howard Da Silva, Boris Karloff, Cecil Kellaway, Katherine DeMille
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The Unconquered

5 avril 2009

Crime passionnel (1945) de Otto Preminger

Titre original : « Fallen Angel »

Crime passionnelElle :
(pas vu)

Lui :
La présence de Dana Andrews fait inévitablement penser au magnifique film noir Laura que Preminger a tourné un an plus tôt. Les points communs s’arrêtent là toutefois car Crime Passionnel paraît bien plus mineur dans la filmographie du cinéaste. Un homme échoue avec un dollar en poche dans une petite ville de Californie. Il s’entiche rapidement d’une serveuse de bar qui a déjà plusieurs hommes qui tournent autour d’elle. Ce film noir est hélas un peu inégal : il a des moments très intenses mais aussi beaucoup de scènes trop conventionnelles qui s’étirent un peu en longueur. Dana Andrews et Linda Darnell y sont toutefois assez remarquables, l’un exprimant le dilemme et le cheminement tortueux de son personnage, l’autre une certain détachement qui cache une volonté inébranlable. Il faut aussi noter que Crime Passionnel se situe dans une veine plus réaliste que Laura, Preminger y dresse un portrait qui paraît très authentique d’une petite ville américaine. Le film se regarde sans déplaisir.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Dana Andrews, Linda Darnell, Alice Faye, Charles Bickford, Anne Revere, John Carradine
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26 mars 2009

Occupe-toi d’Amélie..! (1949) de Claude Autant-Lara

Occupe-toi d'Amélie..!Elle :
(pas vu)

Lui :
Voir pour la première fois un film de 1949 quasiment inédit de Claude Autant-Lara est une expérience rare et en l’occurrence particulièrement réjouissante. Occupe-toi d’Amélie est l’adaptation d’une pièce de Feydeau et les héritiers de ce dernier s’opposèrent à toute nouvelle sortie du film, estimant qu’il trahissait l’œuvre originale. Pourtant les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost ont fait des merveilles en réécrivant cette histoire autour d’un faux mariage pour toucher l’héritage du grand oncle. C’est du Feydeau, donc du vaudeville léger et joyeux, mais le film va beaucoup plus loin dans la satire sociale et semble repousser les limites de l’humour et du réalisme. Les personnages sont hauts en couleur et quiproquos, rebondissements et coups d’éclats se succèdent à un rythme effréné dès le début du film, pour aller en s’intensifiant. La scène du mariage à la Mairie est absolument délirante (dans le vrai sens du terme), un véritable foutoir que n’auraient certainement pas renié les Marx Brothers. Cette scène est incroyable! Et ce qui est tout aussi étonnant dans Occupe-toi d’Amélie, c’est la façon dont Autant-Lara fait éclater la séparation acteurs/spectateurs. A certains moments, un rideau s’ouvre ou se ferme et l’on découvre que nous étions sur une scène face à des spectateurs (Buñuel le fera de façon presque identique plus tard dans Le charme discret de la bourgeoisie), des ouvriers finissent d’arranger les décors juste avant que n’arrive un personnage, des spectateurs entrent dans l’histoire pour influer sur les évènements… On est loin du théâtre filmé, Autant-Lara fait exploser le cadre du spectacle, de la représentation : il n’y plus de frontière, tout est faux ou tout est vrai, on ne sait plus très bien… Les acteurs sont tous parfaitement dans le ton et Danielle Darrieux est vraiment charmante en Amélie. Les décors, quant à eux, sont somptueux dans le style fin XIXe (il ne faut pas oublier que Claude Autant-Lara a débuté dans le cinéma comme décorateur). On se demande comment un tel film a pu moisir dans des cartons pendant toutes ces années. Occupe-toi d’Amélie est un petit bijou.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Acteurs: Danielle Darrieux, Jean Desailly, Louise Conte, Victor Guyau, Grégoire Aslan, Julien Carette, André Bervil
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La pièce de Feydeau avait déjà été adaptée 2 fois en France :
Occupe-toi d’Amélie d’Emile Chautard (1912), version muette donc… (!)
Occupe-toi d’Amélie de Marguerite Viel et Richard Weisbach (1932) avec Renée Bartout
A noter aussi une adaptation italienne muette (1925) et une autre plus récente de Flavio Mogherini en 1982 avec Barbara Bouchet.