28 mai 2009

L’assassin habite au 21 (1942) de Henri-Georges Clouzot

L'assassin habite... au 21Elle :
(pas vu)

Lui :
L’assassin habite au 21 est la première vraie réalisation du jusqu’à présent scénariste Henri-Georges Clouzot. C’est un coup de maître car le film est incontestablement l’un des meilleurs films policiers français des années 40. Le scénario est tiré d’un livre de Stanislas-André Steeman. Un commissaire s’introduit anonymement dans une pension de famille pour tenter de démasquer un tueur en série. L’intrigue est très ficelée et il est bien difficile de deviner par avance le coupable. Mais, au-delà du remarquable suspense, si L’assassin habite au 21 est un film qui se revoit avec autant de plaisir même quand on en connaît l’issue, c’est grâce à sa galerie de portraits. Les personnages sont hauts en couleur et l’interprétation les rend inoubliables : Noël Roquevert, Jean Tissier, Pierre Larquey, c’est un délice de les voir faire leur numéro. Mais tous les personnages sont parfaitement campés. Comme le remarque l’historien Jacques Lourcelles : « la caractérisation pittoresque et variée des différents personnages fait le lien avec le cinéma d’avant-guerre où les acteurs de second plan supplantaient souvent, en talent et en relief, les vedettes. » La vision que donne Henri-Georges Clouzot de ses personnages est assez sombre. Le rythme est soutenu, l’humour apporte un contrepoint salvateur. Ces portraits sans complaisance rendent le film impérissable.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Fresnay, Suzy Delair, Jean Tissier, Pierre Larquey, Noël Roquevert
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri-Georges Clouzot sur le site IMDB.
Voir les autres films de Henri-Georges Clouzot chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Le personnage du commissaire Wenceslas Wens,  déjà interprété par Pierre Fresnay, était présent dans Le Dernier des Six de Georges Lacombe (1941), basé sur un roman de Steeman dont Henri-Georges Clouzot avait signé l’adaptation.

9 réflexions sur « L’assassin habite au 21 (1942) de Henri-Georges Clouzot »

  1. Après l’Agent 13, Correspondant 17 et L’assassin habite au 21, je m’attendais à voir la critique de La 25è heure !!!!

  2. :-))))
    C’est dommage, il y a un film qui s’appelle Mata Hari agent H21 (avec Jeanne Moreau) mais, hélas, je ne l’ai pas sous la main. Cela m’aurait fait une belle suite logique à Agent 13 et Correspondant 17.
    Donc, je me suis rabattu sur l’Assassin habite au 21 que (ça tombe bien) je voulais revoir.
    Mais, pour 25, j’étais coincé de toutes façons : je n’ai rien en « … 25 ».

  3. Il ya aussi 8 1/2 , les 39 marches ou Cléo de 5 à 7 commme classiques du genre.

    Pas mal pour jouer au loto.

    C’est bien l’assassin mais cela fait daté. Les dialogues sont très avant guerre. J’ai le souvenir d’une réalisation figée. Le Corbeau a conservé l’acuité de son mordant. Le cynisme est intemporel. Il ya un regard de cinéaste et l’esprit d’un moraliste dans le bon sens du terme.

  4. Il faut souligner que Clouzot a fortement adapté le roman « anglais » de Steeman en déplaçant l’intrigue de Londres à Paris et en introduisant le détective Wenceslas Vorobeïtchik (M. Wens), lequel n’apparaît pas dans le livre. Ce dernier, joué par Pierre Fresnay, a été imposé par le producteur qui souhaitait profiter du succès du film précédent tiré de l’oeuvre de Steeman, « Le Dernier des six », sorti un an plus tôt.

  5. Excellent et drôle – ce film ne vieillit pas ! Pas grand chose à jeter dans la film de Clouzot par ailleurs (les Espions peut-être ? Un peu lent je trouve… le reste est génial).

  6. je désire hacheter le films de cluzot « l’assassin habite au 21 ».
    puis-je le trouver à Paris?
    cordialement anne

  7. Pourquoi le numéro 21 ? Tout bonnement parce que Stanislas-André Steeman a trouvé amusant d’utiliser le numéro de son domicile de Bruxelles situé au numéro 21 impasse de la Cambre!

  8. LES ASSASSINS HABITENT-ILS AU 21 habitent-ils au 21 ?

    “Quand les spectateurs apprennent que le dit assassin se compose de trois bonhommes, Jean Tissier, Pierre Larquey, Noël Roquevert et qu’ils constatent que ce terrible et très redoutable trio se laisse docilement, après tant de méfaits et de détours, embarquer par la police, ils pensent un peu qu’on les a carottés, et que le véritable assassin n’est pas là”
    Jacques Audiberti (Comoedia. 15 août 1942)

    Revenue de son voyage en Allemagne où elle se montra la «plus à l’aise» de la délégation, Suzy Delair soigne sa réputation de «petite-parigote-délurée-à-qui-on-ne-l’a-fait-pas». Elle confie à «Ciné-Mondial», être entrée dans la vie active, à 14 ans, comme «arpète» modiste, chez «Marthe», où «elle ramassait les épingles et allait chercher le goûter des autres ouvrières», avant de débuter dans la carrière, à 16 ans, en simple figurante-« la girl dont on ne voit que les deux jambes »- puis, enfin, de saisir «la grande chance offerte par Monsieur Greven » avec «Le dernier des six», «un rôle fait pour moi ». Elle croit «être une fantaisiste»
    La Continental et son responsable du service des scénarios, sont bien de cet avis. Aussi, le 4 mai 1942, elle reprend le chemin de Billancourt pour se revêtir en Mila Malou, avec robes, chapeaux et manteaux créés par Maggy Rouff. Pierre Fresnay revient également en commissaire Wens. Mais, cette fois, Henri-Georges Clouzot, se met à la mise en scène. Un désir encouragé par sa compagne Suzy, son ami Fresnay, et, bénit par son patron. Bien sûr, il a concocté l’adaptation et le dialogue, aidé de Stanislas-André Steeman, l’auteur du bouquin. Le roman se passait à Londres. Le film se déroule à Montmartre. Essentiellement, au 21 de l’avenue Junot. Pension Mimosas. Allons-y.
    Nous sommes comme au théâtre. Un théâtre de marionnettes qu’agite Clouzot depuis deux films («Le dernier des six», «Les Inconnus dans la maison»). Pour y pénétrer, le spectateur doit d’abord emprunter le regard de l’assassin, grâce à une caméra subjective allant en travelling avant, jusqu’aux meurtres d’un clochard millionnaire, puis d’un comptable d’un jour de paye. C’est effrayant. Cela fonce à travers le Clair et l’Obscur. De 1932 à 1934, à Berlin, Clouzot a côtoyé l’Expressionisme et s’est mis à la règle des trois unités (lieu, temps, action) du Kammerspiele. Une fois à la Pension, il nous enferme et redevient le dramaturge qu’il rêve toujours de devenir. Répliquant au sympathique drôle de faux couple Wens/Malou, le Docteur Linz vitupère et menace, le magicien Lalah-Poor escamote et séduit, le fabricant de poupées sans visage Collin, intrigue et raisonne. Ces «Trois Durant» du 21, évidemment, ne font qu’Un. Un tueur pour huit victimes. Alors qu’au dehors du petit théâtre de Clouzot, c’est l’hécatombe.
    Quand paraît au “Biarritz” “L’assassin….”, le 7 août 1942, la police française, commandée par son secrétaire général René Bousquet, vient (le 16 juillet) de rafler 13.152 hommes, femmes, enfants, vieillards, dont 8.260 sont parqués dans l’enceinte du vélodrome d’hiver, communément appelé «Vel’ d’Hiv» et surnommé «Nélaton Palace» (du nom de la rue du 15e arrondissement qui le borde).
    “Monsieur Durand est un grand homme” clame, un moment, le Docteur Linz, avant d’en demander plus et mieux à ce “bienfaiteur de l’humanité”: “Passer aux gaz asphyxiants”par exemple!
    Trois mois plus tard, en novembre, les américains et les anglais débarquent en Afrique du Nord, et l’Armée Rouge encercle les troupes vert-de-gris à Stalingrad. Un somptueux carnage de 546 000 morts, dont 60 000 civils et 600 000 blessés. A ce moment-là, «L’assassin habite au 21», après avoir attiré 61 620 spectateurs en 5 semaines au «Biarritz» qui contenait 504 places, prolongeait son succès au «Français», sur les Grands Boulevards (juste en face du sinistre Palais Berlitz), pour y fêter, une semaine avant Noël, sa 20e semaine d’exclusivité ! Le 1er janvier 1943, il faisait encore le plein au Moulin Rouge de la place Blanche. Au pied de la Butte.
    Alfred Greven est heureux. Il n’a pas engendré qu’un énorme succès. Voilà qu’on reconnaît à sa Continental, un style bien à elle. Et donc bien à lui. Où la noirceur de la nuit et des âmes laissent rarement place à la clarté du jour et de l’espérance. Une «Continental Touch» !
    «L’apparition brutale et soudaine de Clouzot pendant l’Occupation leur est apparue comme un danger. Un écrivain qui se met soudain avec la même aisance à conjuguer le dialogue des images et le dialogue des mots, qui pour un vrai coup d’essai découvre toutes les subtilités du langage cinématographique, l’édifice du cinéma français conventionnel tremblait ses bases » le journaliste François Chalais en 1950.
    En mars 1942, au Théâtre de l’Athénée, est créée «Comédie en trois actes» d’Henri-Georges Clouzot, avec, sur scène, ses amis Yvonne Printemps et Pierre Fresnay qui assure la mise en scène. A la différence de «L’assassin habite au 21», la pièce n’a aucun succès et ne fut plus représentée depuis.
    Grâce au Journal de Jean Cocteau (Journal 1941-1945. 1989. Gallimard), j’apprends que Pablo Picasso adorait «L’assassin habite au 21» de Clouzot au point de le visionner à plusieurs reprises. M’est avis que ces deux-là se trouveront un jour…

    Extrait de « Continental Films, l’incroyable Hollywood nazie, Lemieux éditeur. Paris. Mai 2017

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