1 septembre 2010

Le coeur nous trompe (1921) de Cecil B. DeMille

Titre original : « The affairs of Anatol »

Le coeur nous trompeLui :
(Film muet) Un homme de la haute société qui trouve sa vie conjugale un peu ennuyeuse ne peut s’empêcher de venir en aide à quelques jeunes femmes prétendument en détresse… Le cœur nous trompe est la libre adaptation d’une pièce du dramaturge autrichien Arthur Schnitzler qui faisait scandale depuis de nombreuses années. Le personnage de la femme légitime est ajouté et confié à une grande vedette. Cela permit certainement d’adoucir le propos mais les aspects licencieux de la situation restent bien présents ; ils sont contrebalancés, de façon assez amusante, par des intertitres moralisateurs qui vont jusqu’à citer la Bible. Le coeur nous trompe Les robes et les mises en scène (notamment l’antre satanique de Babe Daniels) ont frappé les esprits. S’il manque un peu de rythme et souffre de longueurs, le film de Cecil B. DeMille n’en est pas moins plaisant. Il préfigure la légèreté des comédies du début des années trente. C’est l’un des derniers films de Wallace Reid, dont la célébrité était alors immense (1).
Note : 3 étoiles

Acteurs: Wallace Reid, Gloria Swanson, Wanda Hawley, Bebe Daniels, Theodore Roberts
Voir la fiche du film et la filmographie de Cecil B. DeMille sur le site IMDB.

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Wallace Reid(1) La vie de Wallace Reid fait partie des grands destins tragiques d’Hollywood. Alors qu’il est une très grande star, adulé par toutes les femmes, Wallace Reid est grièvement blessé à la tête lors du tournage de la Vallée des Géants (1919). Pour qu’il puisse continuer à jouer, le studio fait venir un docteur avec de la morphine. En quelques mois, il devient totalement dépendant de la drogue. Par ailleurs, il abuse de l’alcool et mène une vie tapageuse (quand Will Hays dresse en 1922 une liste des 117 personnalités les plus scandaleuses d’Hollywood, le premier de la liste est… Wallace Reid). Placé dans un sanatorium où il est brutalement sevré, il entre en dépression et sa santé décline rapidement. Il meurt en janvier 1923, à l’âge de 31 ans.

Remarque : 
Les chutes de The Affairs of Anatol (scènes non utilisées entre Wallace Reid, Gloria Swanson et Elliott Dexter) auraient servi pour monter le film Don’t Tell everything de Sam Wood (1922), film mineur qui semble aujourd’hui perdu. Cette pratique n’était pas inhabituelle à cette époque.

6 août 2010

Le cuirassé Potemkine (1925) de Sergueï Eisenstein

Titre original : « Bronenosetz Potyomkin »

Le cuirassé PotemkineLui :
Le Cuirassé Potemkine est souvent cité pour être le plus grand film de tous les temps. La seule scène de l’escalier d’Odessa est certainement la plus célèbre de toute l’histoire du cinéma. Le film fut conçu comme un film de propagande, une commande du gouvernement soviétique pour commémorer le vingtième anniversaire de la Révolution de 1905. A la suite d’un simple incident de viande avariée, l’équipage du Potemkine se mutine. Il est soutenu par la population d’Odessa. Ce soulèvement, qui sera réprimé de façon sanglante, annonce la Révolution de 1917.

Le cuirassé Potemkine Pour le jeune Eisenstein (il n’a alors que 26 ans et n’a réalisé qu’un seul film), la gageure est de trouver une façon de montrer la foule,  d’exprimer le caractère collectif de la colère. Il le fait, non pas en reculant la caméra comme le faisait par exemple Griffith, mais au contraire en se rapprochant pour mieux filmer les visages. Et aux plans de foule, il mêle des très gros plans de plusieurs personnages qu’il enchaîne en série rapide. Il n’y a pas de héros de premier plan, très peu de personnages sont individualisés. Eisenstein a aussi le génie pour créer des images fortes : dans la célébrissime scène de l’escalier, il n’y a pratiquement que des images fortes, souvent sur des détails ou des gros plans. Le cuirassé Potemkine Quelle force et quel impact! Et tout cela, uniquement avec des images car le scénario, de son côté, reste très simple, découpé à la serpe en cinq tableaux qui s’enchaînent implacablement. On comprend aisément que ce film ait tant fasciné toutes les générations de réalisateurs qui ont suivi. Il faut aussi noter la tension, toujours très forte ; seule la troisième partie offre une petite respiration.

Le Cuirassé Potemkine apporta instantanément une grande notoriété à Eisenstein. Le film eut aussi beaucoup de succès en dehors de l’URSS, notamment en Allemagne et même aux Etats-Unis. En France, l’interdiction dont il fut frappé ne fut levée qu’en… 1952 et il fallut attendre 1984 pour que le film soit diffusé sur une chaîne de télévision.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Aleksandr Antonov, Vladimir Barsky, Grigori Aleksandrov
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Remarques :
L'escalier d'Odessa en 19001) Ce serait le chef opérateur d’Eisenstein, Edouard Tissé, qui aurait eu l’idée de placer la caméra sur un chariot mobile le long de l’escalier monumental d’Odessa, créant ainsi l’ancêtre de la dolly (caméra sur roue).
2) La première projection eut lieu au Bolchoï devant tout un parterre de personnalités politiques. Les délais furent si courts qu’Eisenstein n’avait toujours pas fini de monter la fin que la projection avait déjà commencé. L’entracte avant la dernière bobine dura donc un peu plus longtemps que prévu… Il l’apporta en courant dans la nuit glaciale.
3) L’historien du cinéma Jacques Lourcelles souligne que l’interdiction dont Le Cuirassé Potemkine fut frappé si longuement (en France et dans quelques autres pays européens) a certainement encore augmenté son aura auprès des cinéphiles et professionnels du cinéma.

2 juillet 2010

Le talisman de grand-mère (1922) de Fred C. Newmeyer

Titre original : « Grandma’s Boy »
Autre titre français : « Le petit à grand maman »

le talisman de grand-mèreLui :
S’il est le premier film d’Harold Lloyd dont la durée atteint 1 heure, Grandma’s Boy n’était pas prévu ainsi au départ. L’histoire de ce jeune garçon timide et froussard qui devient intrépide grâce à un faux talisman donné par sa grand-mère avait été conçu pour être un two-reeler (deux bobines, soit environ 20 minutes). Ayant mis l’accent sur les côtés dramatiques de cette histoire, Harold Lloyd s’aperçut lors de projections-tests que le public était assez décontenancé et il rajouta de nombreuses scènes comiques le talisman de grand-mère dont le flash-back du grand père pendant la Guerre de Sécession ; le film finit par durer cinq bobines. En faisant cela, Harold Lloyd a atteint un subtil mélange entre drame et comédie qui n’est pas sans rappeler ce que faisaient Chaplin et Keaton au même moment (1) : on découvrait alors que la comédie pouvait s’enrichir et dépasser le format court auquel il était jusque là cantonné. Grandma’s Boy est ainsi très amusant tout en en offrant une certaine profondeur. Il se regarde toujours avec grand plaisir.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Mildred Davis, Anna Townsend, Charles Stevenson, Dick Sutherland, Noah Young
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(1) Charles Chaplin a d’ailleurs dit à propos de Grandma’s Boy et d’Harold Lloyd : « C’est l’un des meilleurs scénarios que j’ai jamais vu… Ce garçon a une belle maitrise de la lumière et des formes. Ce film m’a procuré un vrai frisson artistique et m’a stimulé. » (Interview par Rob Wagner, 23 mai 1922).

Homonyme :
Grandma’s Boy de Nicholaus Goossen (2006), comédie sans aucun lien avec ce film d’Harold Lloyd. 

29 juin 2010

Coeurs en lutte (1921) de Fritz Lang

Titre original : « (Die) Vier um die Frau » ou « Kämpfende Herzen »
Autre titre français : « Quatre hommes pour une femme »

Quatre hommes pour une femmeLui :
(film muet) Cœurs en Lutte a longtemps été considéré comme définitivement perdu. Ce n’est qu’assez récemment qu’une copie a été retrouvée au Brésil ; cette copie a été restaurée et les intertitres recréés à partir des intertitres espagnols (les intertitres originaux en allemand restent à ce jour perdus). S’il s’agit d’un drame de la jalousie, Cœurs en Lutte est très intéressant car il est doublé d’une peinture sociale de la haute bourgeoisie assez mordante où de riches courtiers en Bourse fréquentent la pègre pour écouler fausse monnaie et bijoux volés. En ce sens, il préfigure Dr Mabuse, le Joueur que Fritz Lang tournera un an plus tard. Lang cosigne le scénario avec Thea von Harbou, c’est déjà leur troisième collaboration. L’interprétation est assez puissante tout en évitant les excès. On remarquera la belle prestation de Carola Toelle. Cœurs en Lutte (ou Quatre hommes pour une femme) est bien plus qu’une curiosité, il montre un Fritz Lang qui affirme de plus en plus sa maitrise du récit et de la réalisation.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Ludwig Hartau, Carola Toelle, Anton Edthofer, Rudolf Klein-Rogge, Lisa von Marton
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Remarque :
1) Le film a été diffusé pour la première fois à la télévison française au Ciné-Club de Patrick Brion, le 27 juin 2010.
2) Marmorhaus est un grand cinéma berlinois, situé sur l’avenue Kurfürstendamm. Ce cinéma avait pour habitude d’avoir des affiches spécialement créées à son seul usage. Il était dirigé à cette époque par un certain Siegrert Goldschmidt, dont le nom figure sur ces affiches.

16 juin 2010

Arènes sanglantes (1922) de Fred Niblo

Titre original : « Blood and Sand »

Arènes sanglantesLui :
Vu aujourd’hui, Arènes Sanglantes semble surtout être un vecteur pour son acteur vedette, Rudolph Valentino. Après Le Cheik, l’acteur d’origine italiano-française était alors au sommet de sa popularité et ce film au fort parfum espagnol a encore renforcé son image de « latin lover ». Cette histoire de toréador à la popularité météoritique n’est d’ailleurs pas sans point commun avec celle de l’acteur qui aura, lui aussi, une vie sentimentale mouvementée et qui mourra, lui aussi, prématurément quatre ans plus tard. Fred Niblo ne semble pas avoir été vraiment inspiré par l’atmosphère espagnole et le film manque globalement de force. Rudoplh Valentino et Nita Naldi Rudolph Valentino montre cependant beaucoup de présence à l’écran. Le plus remarquable du film reste ces scènes de passion entre Valentino et sa voluptueuse tentatrice, joliment interprétée par Nita Naldi avec laquelle il tournera quatre films. Arènes Sanglantes connut un énorme succès populaire.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Rudolph Valentino, Nita Naldi, Lila Lee, Walter Long
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Remarques :
Arènes sanglantes1) (Attention cette remarque va dévoiler la fin du film… si tant est que vous ne l’aviez pas deviné à l’énoncé du titre ou encore avec l’affiche française ci-contre) Le scénario original, initialement tourné, se termine avec la mort du toréador. Fred Niblo a toutefois tourné une seconde fin qui fut bien plus populaire où Valentino se remet de ses blessures grâce à sa femme qui lui a tout pardonné.
2) Le scénario est adapté d’un roman de l’espagnol Vicente Blasco Ibáñez

Remakes :
Arènes Sanglantes (Blood and Sand) de Rouben Mamoulian (1941) avec Tyrone Power et Rita Hayworth
Arènes Sanglantes (Sangre y arena) de l’espagnol Javier Elorrieta avec Sharon Stone.

15 avril 2010

Folies de femmes (1922) de Erich von Stroheim

Titre original : « Foolish Wives »

Folies de femmes Lui :
Folies de femmes est le troisième film d’Erich von Stroheim (1), c’est l’un de ses films majeurs. C’est aussi l’un des plus personnels : il est à la fois auteur du scénario, metteur en scène et acteur principal. Folies de femmes montre les agissements d’un faux comte russe qui séduit la femme d’un diplomate américain en visite à Monte Carlo. Le tableau qu’Erich von Stroheim brosse de cette haute société est assez noir, plein de faux-semblants mais aussi de passions… parfois incontrôlées. Il installe un climat très particulier qui mêle grand luxe, décadence et luxure, avec des relations complexes et équivoques, de type maître-esclave, entre certains personnages. Ne serait-ce que pour cette seule raison, les films d’Erich von Stroheim sont très différents des autres films de l’époque. Il va toujours plus loin que tous les autres.

Folies de femmes Il va aussi plus loin dans la démesure de la production. Folies de femmes est le premier film dont le budget a dépassé un million de dollars, un bon tiers de cette somme ayant été affectée à la reconstitution de la place centrale de Monte Carlo dans le parc des Studios Universal. Dans ce décor, il fait évoluer jusqu’à quatorze mille figurants! Erich von Stroheim a aussi un souci maniaque du détail, chaque objet doit être réel (2). La démesure se retrouve dans les longueurs de films tournées : 320 bobines soit près de 80 heures, chiffre incroyable, et Stroheim aurait certainement continué s’il n’avait été arrêté (3). Folies de femmes Il passe ensuite six mois en salle de montage pour faire une copie de huit heures. Le jeune Irving Thalberg réduit cette longueur à 3 heures puis à 2 heures. Le film fut un succès (4) mais, malgré qu’il ait fait gagner de l’argent aux producteurs, Universal ne voulut plus faire travailler Erich von Stroheim, jugé incontrôlable. Il ira alors vers la MGM. Quoiqu’il en soit, Folies de Femmes est un film sans équivalent, marqué par la démesure et la mégalomanie de son auteur, certes, mais aussi par sa personnalité ce qui en fait un film au contenu fort. Une petite merveille du cinéma muet.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Erich von Stroheim, Rudolph Christians, Miss DuPont, Maude George, Mae Busch, Dale Fuller, Al Edmundsen
Voir la fiche du film et la filmographie de Erich von Stroheim sur le site IMDB.

Voir les autres films de Erich von Stroheim chroniqués sur ce blog…

Folies de femmes(1) A noter que le deuxième film d’Erich von Stroheim, The Devil’s Passkey, est aujourd’hui totalement perdu. En 1941, l’original a été retrouvé entièrement décomposé dans les coffres des Studios Universal. Son premier film Maris Aveugles est heureusement toujours visible.
(2) Quelques exemples : le caviar sur la table du petit déjeuner est du vrai caviar, la fausse monnaie fut imprimée par un vrai contrefacteur, le résultat était si parfait que Stroheim fut arrêté et jugé pour fabrication de fausse monnaie ! Une grande partie du film a été tourné de nuit, avec d’énormes et coûteux éclairages pour simuler le plein jour. Stroheim avait ainsi un meilleur contrôle sur la lumière.
(3) Après onze mois de tournage, lassé des rallonges de budget sans cesse réclamées de façon impérative, le producteur Carl Laemmle envoie son assistant, Folies de femmesle jeune Irving Thalberg (22 ans!) à Hollywood pour arrêter de force le tournage (il faut garder à l’esprit qu’à l’époque les producteurs résidaient à New York, ils avaient donc bien du mal à contrôler les évènements…)
(4) Comme on l’imagine aisément, le film déclencha des vives réactions et protestations. On lui reprochait d’avilir la femme et d’encourager la dépravation. Le fait que la « victime » du comte soit une femme américaine occasionna des réactions épidermiques des exploitants de salles aux Etats-Unis qui parfois taillèrent dans le film ou changèrent certains intertitres : la jeune femme n’était ainsi plus présentée comme la femme d’un représentant du peuple américain…! Folies de femmes

Remarque :
Rudolph Christians, l’acteur qui interprète le diplomate américain, est mort d’une pneumonie pendant le tournage. Il est habilement remplacé par Robert Edeson dans certaines scènes. Il est assez difficile de dire exactement lesquelles.

Versions :
Folies de femmes La première de Foolish Wives à New York en janvier 1922 montrait une version de 210 minutes mais l’exploitation aux Etats-Unis a ensuite utilisé une copie de 70 minutes. Les versions étrangères étaient plus longues. La version remise à jour dans les années soixante-dix était basée sur une copie italienne de 107 minutes. Aujourd’hui, c’est le plus souvent la version de 140 minutes, un condensé de la version de 210 minutes, que l’on peut trouver (c’est la version visionnée ici) (le site IMDB signale l’existence d’une version suédoise de 384 minutes, information à vérifier car celle-ci n’est mentionnée nulle part ailleurs. Avec ses 6h20, elle serait extrêmement proche de celle montée par Stroheim).

Folies de femmes
Voir aussi : une belle collection de photos des décors de Foolish Wives sur Flickr.

4 avril 2010

Pour l’amour du ciel (1926) de Sam Taylor

Titre original : « For Heaven’s Sake »

For Heaven's SakeLui :
(Film muet) Un millionnaire, insouciant et légèrement égoïste, tombe amoureux d’une jeune fille qui tient un refuge pour les pauvres. Il va ainsi s’immerger dans un quartier plutôt mal famé… Film comique, Pour l’amour du ciel est remarquable par deux longues courses poursuites qui sont extrêmement riches en situations différentes. Dans la première, Harold Lloyd cherche à avoir le plus possible de malfrats à ses trousses pour les attirer quelque part ; c’est du pur « slapstick » avec moult coups de pied au derrière, tout en restant tout de même très original. Dans la seconde, il tente de conduire cinq compères complètement saouls à travers la ville notamment en utilisant un autobus à étages ; cette longue scène est hilarante de bout en bout, l’action étant constamment relancée. Ajoutez à cela deux catastrophes automobiles en début de film, la seconde étant assez… décoiffante. Pour l’amour du ciel avait au départ une longueur de sept bobines mais fut réduit à six après des projections-test : certains gags allaient trop loin et le public ne suivait pas… Le film n’est pas sans rappeler les films de Buster Keaton, surtout quand Harold Lloyd reste totalement impassible dans les pires situations. Le film évoque également Easy Street de Chaplin, court métrage qui explorait aussi le thème des bas-fonds et cette façon très chanceuse d’éviter les pires mauvais coups. Bizarrement, Pour l’amour du ciel est (aujourd’hui) l’un des longs métrages les moins connus d’Harold Lloyd. C’est étonnant car c’est un film sans temps mort et où l’inventivité des gags et la richesse des situations sont assez enthousiasmantes.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Jobyna Ralston, Noah Young, Jim Mason, Paul Weigel
Voir la fiche du film et la filmographie de Sam Taylor sur le site IMDB.

Voir les autres films de Sam Taylor chroniqués sur ce blog…

Homonymes :
For Heaven’s sake (On va se faire sonner les cloches) de George Seaton (1950) avec Cliton Webb et Joan Bennett
For Heaven’s sake de Nat Christian (2008) avec Florence Henderson

21 mars 2010

Le pirate noir (1926) de Albert Parker

Titre original : « The Black Pirate »

Le pirate noirLui :
(film muet) Le pirate noir reste dans l’histoire du cinéma comme le premier long métrage tourné entièrement en Technicolor (1). Alors au sommet de sa gloire, Douglas Fairbanks a mis d’énormes moyens pour produire ce projet dont il écrivit lui-même le scénario (sous le pseudonyme d’Elton Thomas). L’histoire est celle d’un duc qui, pour venger son père tué par les pirates, prend la tête de la bande pour mieux les livrer à la justice. Cette histoire permet d’utiliser les formidables qualités acrobatiques de Douglas Fairbanks, l’acteur le plus athlétique avec Buster Keaton du cinéma muet (et même de toute l’histoire du cinéma). Certaines cascades sont époustouflantes, notamment quand il prend un navire d’assaut à lui tout seul (2). Le pirate noirLe Pirate Noir est « Le » film du Douglas Fairbanks légendaire, bondissant, plein d’ardeur, de charme et d’optimisme, qui accomplit des prouesses qui nous soulèvent le coeur. Ce qu’il fait ici est unique dans l’histoire du cinéma. Les couleurs sont assez belles, à part dans quelques passages qui ont moins bien vieilli où les teintes brun-rouges dominent. Le Pirate Noir est surtout un grand spectacle, le scénario en lui-même est assez simple et se déroule dans peu de lieux (3). Le côté animal du comportement des pirates est bien rendu, que ce soit dans leurs actes ou dans leur multitude grouillante. Grâce à ses qualités spectaculaires, le film rencontra un grand succès. United Artists sortit également une copie en noir et blanc qui fut longtemps la seule visible. Ce n’est qu’en 1975 que la version couleur, restaurée,  fut à nouveau visible. Le Pirate Noir est un film qu’il faut voir en couleurs (4).
Note : 4 étoiles

Acteurs: Douglas Fairbanks, Billie Dove, Anders Randolf, Donald Crisp, Sam De Grasse
Voir la fiche du film et la filmographie de Albert Parker sur le site IMDB.

(1) D’autres films comportaient des séquences en Technicolor avant lui toutefois et Toll of the Sea (1922) est le premier film moyen-métrage entièrement en Technicolor. Il s’agit d’un Technicolor à 2 composantes (ici vert et brun) obligeant à utiliser deux pellicules qui étaient ensuite fusionnées. La pellicule finale étant plus épaisse, les difficultés de projection firent que le procédé fut provisoirement abandonné malgré le succès populaire. La possibilité de ne travailler qu’avec une seule pellicule vint plus tard. Le premier film en Technicolor à 3 composantes (rouge, vert, bleu) fut Becky Sharp de Robert Mamoulian en 1935.
Pour en savoir plus, voir le (passionnant) site WidescreenMuseum
(2) 80 ans plus tard, on se perd encore en conjectures pour deviner comment a été réalisée l’une des cascades les plus célèbres de Douglas Fairbanks : tout en haut du mât, il plante son épée dans la toile de la voile et se laisse glisser jusqu’au bas, éventrant ainsi la voile sur toute sa hauteur.
(3) A noter que tout le film a été tourné en studio pour avoir une meilleure stabilité des couleurs.
(4) Certaines scènes perdent d’ailleurs leur impact en noir et blanc : par exemple, au début du film, une des victimes des pirates avale une bague plutôt que d’avoir à la livrer. Le chef des pirates l’ayant réperé ordonne à l’un de ses hommes d’aller la récupérer. L’homme revient quelques secondes plus tard avec la bague. En noir et blanc, la scène n’est pas très frappante. En couleurs, l’homme revient avec le sabre, le bras et même le torse couverts de sang rouge… C’est épouvantable!

Anecdote (ou légende…) :
Mary Pickford refusa de laisser Billie Dove tourner la scène du baiser avec Douglas Fairbanks. Ce serait donc elle qui aurait joué la scène après avoir endossé le costume de Billie Dove… (Cette anecdote peut toutefois avoir été inventée de toutes pièces pour la promotion du film car rien n’est visible à l’écran.)

15 mars 2010

Number, please? (1920) de Hal Roach et Fred C. Newmeyer

Titre français parfois utilisé : « Quel numéro demandez-vous? »

Number, Please?Lui :
L’essentiel de l’action de Number, Please? se déroule dans un parc d’attractions au bord de l’Océan Pacifique. Les scènes principales sont une course pour rattraper le chien de Mildred Davis, les multiples tentatives pour passer un coup de téléphone et une poursuite avec des policiers où Harold Lloyd s’efforce de se débarrasser d’un objet qu’un voleur a placé dans sa poche. Number, Please? Durant tout le film, les obstacles se multiplient face à lui, il doit faire face à une forte adversité. A noter que Number Please? est l’un des rares films d’Harold Lloyd avec une fin malheureuse (1). Si l’histoire n’a pas la qualité des meilleurs courts métrages d’Harold Lloyd, il y a de bons moments et bonnes trouvailles de gag dans Number Please.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Mildred Davis, Roy Brooks
Voir la fiche du film et la filmographie de Hal Roach & Fred C. Newmeyer sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Hal Roach chroniqués sur ce blog…

(1) Le seul autre film d’Harold Lloyd avec une fin malheureuse est le court-métrage Ring up the curtain (1919).

8 mars 2010

Loulou (1929) de Georg Wilhelm Pabst

Autre titre  : « La boîte de Pandore »
Titre original : « Die Büchse der Pandora »

La boite de PandoreLui :
(Film muet) Au départ, il y a deux pièces de l’allemand Frank Wedekind, La Boîte de Pandore et L’esprit de la Terre, qui firent grand scandale aux alentours de 1900, étant qualifiées d’immorales et sans valeur artistique. Ces pièces ont créé un personnage qui sera adapté plusieurs fois au grand écran : Loulou, une très jeune femme amorale qui vit dans l’instant, jouit de la vie et détruit les hommes qui la côtoient. C’est bien entendu la version de G.W. Pabst qui est restée dans les esprits de tous les cinéphiles, un véritable mythe s’étant développé autour de Louise Brooks, qui avait alors 22 ans quand elle tourna ce film. Louise Brooks est, il est vrai, une actrice totalement à part : elle ne semble pas jouer son personnage, elle vit son personnage. Elle ne joue pas Loulou, elle est Loulou, impression certainement accentuée par le fait qu’elle ne lisait pas les scénarii (1). Très spontanée, déroutante, sa Loulou dégage une forte sensualité couplée à une innocence presque enfantine. Le résultat est désarmant… Le jeu très simple de Louise Brooks n’était toutefois pas vraiment compris, ni par ses partenaires (2), ni par la critique qui éreinta le film à sa sortie. Les aspects licencieux du film firent le reste : il fut mis à l’index (3). Ce n’est que dans les années cinquante qu’il fut redécouvert et reconsidéré, la brièveté de la carrière de Louise Brooks n’en parut alors que plus incompréhensible. Avec les deux films tournés avec Pabst, Loulou et Le journal d’une fille perdue, Louise Brooks est vue aujourd’hui par beaucoup de cinéphiles comme l’un des plus grands sex-symbols de l’histoire du cinéma.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Louise Brooks, Fritz Kortner, Francis Lederer, Carl Goetz, Alice Roberts, Gustav Diessl
Voir la fiche du film et la filmographie de Georg Wilhelm Pabst sur le site IMDB.

Voir les autres films de Georg Wilhelm Pabst chroniqués sur ce blog…
Lire aussi ce bel article sur Louise Brooks sur le site DVDclassiks
Voir les livres sur Louise Brooks

La boite de Pandore(1) Louise Brooks raconte dans l’un de ses articles (assemblés dans le livre Louise Brooks par Louise Brooks aux éditions Pygmalion, 1983) que Pabst lui expliquait au fur et à mesure ce qu’elle devait faire : « L’onéreuse traduction en anglais du scénario, que j’avais jetée au pied de mon fauteuil sans même l’ouvrir, avait déjà été récupérée par un assistant outré, provoquant un sourire goguenard chez Pabst. » Dans le même ordre d’idée, elle raconte comment Pabst s’est peu à peu ingérée dans sa vie privée, lui interdisant de sortir le soir par exemple. Plusieurs exemples montrent que, pour Pabst, Louise Brooks était Loulou.
(2) Louise Brooks raconte que Fritz Kortner, la considérant comme la pire actrice au monde, la haïssait et refusait de lui adresser la parole en dehors des scènes. Dans la scène où il la secoue et la malmène, il lui serra si fort le bras qu’elle eut des bleus pendant plusieurs jours. D’une manière générale, tout l’entourage de Pabst pensait qu’il avait été comme envoûté par la jeune actrice.
(3) La danse de Loulou avec la Comtesse est très probablement la première scène fortement suggestive d’amour lesbien au cinéma. Ajoutez à cela l’inceste, le libertinage, les dessous d’une bourgeoisie respectable, l’érotisme suggéré, il y avait de quoi choquer les esprits.

Versions :
Le film est maintenant disponible dans sa version originale intégrale de 133 minutes. Auparavant, la version la plus courante était celle de 109/110 minutes.
L’historien Georges Sadoul parle aussi d’une version française qui avait été totalement remaniée par la censure de l’époque : le fils devient un simple secrétaire, l’amie lesbienne devient une amie d’enfance, Loulou est acquittée au procès, Jack L’éventreur est gommé et Loulou s’engage à l’Armée du Salut à la fin du film….!
Le site IMDB parle d’une version de 152 minutes avec intertitres français qui serait au Musée du Cinéma à Bruxelles. Est-ce la version remaniée par la censure? Ce serait étonnant qu’elle soit ainsi beaucoup longue que l’originale.

Autres principales adaptations de la pièce de Frank Wedekind :
Erdgeist (1923) de l’allemand Leopold Jessner avec Asta Nielsen
Les liaisons douteuses (1962) de l’allemand Rolf Thiele avec Nadja Tiller
Lulu (1980) de Walerian Borowczyk avec Anne Bennent

Homonyme:
Loulou (1980) de Maurice Pialat avec Isabelle Huppert et Gérard Depardieu.