16 janvier 2019

Le Procès (1962) de Orson Welles

Le ProcèsUn matin, Joseph K., jeune cadre travaillant dans une banque, est arrêté de façon inattendue par deux mystérieux agents pour un crime non précisé. Les agents refusent de nommer l’autorité qui les envoie. Joseph K. n’est pas emprisonné, il est libre de se rendre à son travail avec l’obligation d’attendre les instructions de la commission d’enquête…
Orson Welles adapte Le Procès de Kafka, reprenant le thème de l’angoisse et des phobies pour en faire un cauchemar surréaliste. Le film met le spectateur mal à l’aise ; c’est une réaction normale et traduit la force du film puisque cette fable est volontairement angoissante. En dehors de l’évidente charge contre la bureaucratie et le questionnement de la condition humaine, le thème n’est pas tant celui de la culpabilité réelle ou supposée de Joseph K. mais plutôt l’attitude de celui-ci envers la culpabilité, la façon dont il la ressent. Bien entendu, il est tentant de chercher à détecter ici et là des symboles mais Welles souligne que Kafka n’est pas versé dans le symbolisme. Il semble toutefois impossible de ne pas penser aux ghettos juifs ou aux camps de la mort dans certains plans, symbolisme rajouté par Welles puisque le roman de Kafka est antérieur à la Seconde Guerre mondiale. A noter que, dans le roman, Joseph K. (comme Kafka d’ailleurs) est juif et se définit comme tel. La distribution des seconds rôles est prestigieuse et Anthony Perkins fait une superbe prestation, ambigu, équivoque, mal à l’aise. Cette nouvelle vision m’a permis de beaucoup plus apprécier Le Procès qui est une œuvre certes angoissante mais extrêmement forte.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anthony Perkins, Madeleine Robinson, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Romy Schneider, Billy Kearns, Fernand Ledoux, Akim Tamiroff, Elsa Martinelli, Orson Welles
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site IMDB.

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Remarques :
* Dans le roman, La parabole de la Loi, que Welles à placée en prologue, est racontée par le prêtre, bien plus tard donc. Hormis ce changement, Welles suit l’ordre des évènements du livre.
* L’explosion finale a souvent été interprétée comme une explosion atomique. Welles se défend d’avoir voulu cela : il s’agit d’une simple explosion.
* Orson Welles dit avoir interprété l’avocat car il ne trouvait aucun acteur pour le faire. Initialement, il avait prévu d’interpréter le prêtre et commencé à tourner en ce sens.
* Le film a été tourné en grande partie à Paris, notamment dans la gare d’Orsay qui était alors désaffectée.

Le procès
Anthony Perkins et Billy Kearns dans Le Procès de Orson Welles.

Lire nos précédents commentaires sur le même film…

Une réflexion sur « Le Procès (1962) de Orson Welles »

  1. LA VIE EN CAUCHEMAR NOIR ET BLANC : PSYCHO

    « Il fallait qu’on eût calomnié Joseph K; un matin, jour de son 30ème anniversaire, sans avoir rien fait de mal ni de spécial, il fut arrêté chez lui par deux hommes ».

    Voilà que tout à coup en 1962, en France, le producteur Michael Salkind offre à Welles, qui se morfond dans ses pérégrinations et dont les projets n’aboutissent pas, la possibilité de tourner un film de son choix d’après une liste d’oeuvres proposées et dont il aura l’entière maîtrise, montage final compris (ce qui ne lui était plus arrivé depuis vingt ans, depuis son premier film). Ce sera LE PROCES dont on eut dit qu’il était fait pour lui, qui l’attendait.
    Le géant errant connait quelques stupeurs et tremblements lors du tournage avec la production composée d’une équipe française des deux cotés de la caméra mais s’adapte à son habitude très bien de quelques avanies les retournant même à son avantage lors des tournages dans l’antre et le dédale de la gare d’Orsay libre dans un court créneau entre son passage de gare en musée et où Orson passe ses jours et ses nuits. L’ambiance du film est nocturne et la ville de Prague du roman devient entre tous les raccords de Zagreb à Paris une sorte de ville monde intemporelle où tous les lieux communiquent étrangement, ce qui est assez soufflant dans le film.
    Welles est un cinéaste dont le fond et la forme de ses films s’épousent dans un labyrinthe formel et intellectuel indissociables et où ici dès le départ tout est composé pour écraser le protagoniste – Joseph K – encore un K de l’univers wellesien – magnifiquement endossé par Anthony Perkins qui sortait célèbre de PSYCHO et retrouve un personnage en marge dans un autre cauchemar.
    K, simple pion anonyme sans nom, petit rouage dans le système, face à la machine inhumaine devient l’homme qui conduit seul le procès qui lui est intenté et qui s’avère un simulacre, une répétition de procès, et le mène à sa propre condamnation à laquelle il contribue lui même. Au bord de l’asphyxie, le personnage essaie de comprendre – en vain bien sur – ce qui lui arrive et comment s’en sortir
    Welles s’empare brillamment de toutes les possibilités du cinéma qu’il connait sur le bout des doigts pour livrer un nouveau chef-d’oeuvre conduisant son film avec une logique parfaite vers un implacable illogisme.
    On perd toute notion d’espaces (souvent déformés) et de temps.
    A la phrase du début s’applique celle de fin :  » A la veille de son 31ème anniversaire, deux hommes le tuèrent d’un coup de couteau, sans autre espèce de formalité, comme un chien, hors de la ville ». A quoi Welles rajoute cette fameuse détonation et son panache de crachat noir sur la ville au son de l’adagio dit d’Albinoni
    LE PROCES qui divisa le public à sa sortie, par sa noirceur et son pessimisme autant que par sa forme étonnante, gagne avec les ans un rattrapage incontestable mais reste aussi implacable qu’inexpliquable

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