Titre original : « Suspicion »
Dans un train, une jeune femme plutôt timide fait la connaissance d’un séduisant dandy. Elle le revoit peu après lors d’une partie de chasse et, bien qu’il ait mauvaise réputation, se sent de plus en plus attirée par lui… Suspicion est le quatrième film américain d’Hitchcock, le premier qu’il tourne avec Cary Grant. Il s’agit de l’adaptation d’un roman d’Anthony Berkeley Cox. Il est impossible de parler de ce film sans évoquer la fin. [Attention, ne lisez pas ce qui suit si vous avez l’intention de voir prochainement le film]. La fin de Suspicion a été beaucoup commentée puisqu’elle diffère du livre et parce qu’Hitchcock a raconté qu’il en avait prévu une autre où Cary Grant était bel et bien coupable. Cette fin aurait été refusée par la RKO qui ne voulait pas qu’une de ses vedettes les plus prometteuses soit un assassin. Il y a sans doute un peu de vrai mais on peut s’interroger si le film n’aurait pas été bien plus banal avec cette fin. Avec la fin gentille que nous connaissons, le film prend une toute autre dimension et s’inscrit pleinement dans la « vague psychologique » des années quarante : la montée d’un sentiment de suspicion par l’interprétation d’indices insignifiants qui emmène la jeune femme jusqu’aux portes du délire paranoïaque. Hitchcock, on le sait, adore mettre les spectateurs sur de fausses pistes, toute l’histoire est ainsi vue du côté de la jeune femme pour que nous partagions ses doutes. Cette volonté de nous tromper est très nette dans la scène la plus célèbre du film, celle du verre de lait : pour focaliser notre attention sur le verre, il met Cary Grant en ombre chinoise et éclaire le verre de lait de l’intérieur (il a fait placer une lampe dans le liquide). Il paraît donc peu probable qu’Hitchcock ait réellement envisagé de terminer avec un Cary Grant coupable ; l’histoire n’aurait alors aucun intérêt. En revanche, même si elle est remarquablement bien filmée, il est indéniable que la fin est un peu faible, la révélation finale n’est pas un choc, loin de là.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Cary Grant, Joan Fontaine, Cedric Hardwicke, Nigel Bruce
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Remarque :
Hitchcock cameo : à la 45e minute, lors d’une scène de rue, on le voit poster une lettre.
Joan Fontaine et Cary Grant, la rencontre dans le train de Soupçons d’Alfred Hitchcock. Le contrôleur est Billy Bevan, l’ex-comique des années vingt d’origine australienne, voir par exemple Circus today sur ce blog…
Cary Grant et le célèbre verre le lait de Soupçons d’Alfred Hitchcock.
Il me semble au contraire qu’au vu de la première partie du film, la fin telle que nous la connaissons est bien peu crédible – Hitchcock était conscient de cette faiblesse du film et s’en est expliqué avec Truffaut dans le Hitchbook. Soupçon devait être un film sur un vrai coupable (et non un des Hitchcocks sur un faux coupable), comme L’Ombre d’un doute qu’Hitchcock tourne presque juste après.
Oui, j’ai bien lu ce qu’Hitchcock racontait à Truffaut à propos de la fin mais ses explications me semblent peu convaincantes. Je pense plutôt qu’il a tout bonnement raté la fin mais c’est une interprétation. On ne saura sans doute jamais avec certitude…
J’ai tendance à penser cela parce ce qu’Hitchcock adore emmener les spectateurs sur des fausses pistes. Si Grant était vraiment coupable, quel intérêt y aurait-il à semer autant d’indices qui nous laissent penser qu’il est coupable ? Le film serait très plat : il n’y a plus de suspense, plus de surprises, … bref ce n’est plus du Hitchcock. 😉
J’ai une autre interprétation. La définition du suspense selon Hitchcock, ce n’est pas l’effet de surprise, le twist, où l’on est surpris, c’est de savoir à l’avance. Donc semer des indices tendant à faire penser que Grant est coupable pour en faire ensuite un vrai coupable, n’aurait en rien contredit sa méthode, et aurait simplement placé Soupçons dans la liste des films hitchcockiens aux vrais coupables (L’ombre d’un doute évidemment, l’inconnu du nord express, etc.). En l’état, la contradiction flagrante entre ce que l’on voit dans Soupçons et sa fin, fait de ce film un Hitchcock tout à fait mineur, car on n’y croit pas – en tout cas, moi, je n’y ai pas cru et j’ai trouvé que la fin tombait comme un cheveu sur la soupe. Ce serait réduire l’envergure d’Hitchcock en tant que cinéaste que d’imaginer qu’il n’est que le cinéaste du thème du « faux coupable », alors qu’il y a bien d’autres thèmes et obsessions dans son oeuvre.