7 décembre 2015

Le Café du Cadran (1947) de Jean Gehret et Henri Decoin

Le Café du cadranJulien et sa jeune femme Louise sont montés de leur Auvergne natale à Paris pour reprendre un café très bien situé près de l’Opéra. Ils font rapidement connaissance avec les habitués du lieu… Officiellement réalisé par Jean Gehret, premier film de cet acteur d’origine suisse passé à la réalisation, Le Café du Cadran aurait été en réalité dirigé par Henri Decoin, seulement crédité comme superviseur au générique : toujours sous le coup d’une mesure d’épuration lui interdisant de mettre en scène lui-même, Decoin devait en effet utiliser un prête-nom. Il s’agit essentiellement d’un film d’atmosphère car, s’il y a bien une intrigue, celle-ci paraît plaquée et le dénouement dramatique fait presque sourire tant on n’y croit guère. En revanche, l’atmosphère est particulièrement bien recréée, nous offrant ainsi une plongée dans la vie parisienne d’alors avec notamment une description du monde journalistique et l’arrivisme de certains de ses membres (notons que l’auteur du scénario est Pierre Bénard, ancien directeur du Canard Enchaîné). Une certaine amertume pointe de ce récit un peu désenchanté mais plein de vie. L’interprétation est de très bonne facture avec Blanchette Brunoy qui fait preuve de beaucoup d’émotions et Bernard Blier d’une belle subtilité dans le rôle du mari falot. De son côté, Félix Oudard s’amuse visiblement beaucoup avec son personnage exubérant qu’il interprète à la Raimu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Blanchette Brunoy, Aimé Clariond, Félix Oudart, Charles Vissières
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Decoin sur le site IMDB.

Voir les autres films de Henri Decoin chroniqués sur ce blog…

 

le Café du cadran
Bernard Blier, Robert Le Fort et Félix Oudard dans Le Café du Cadran d’Henri Decoin

Remarque :
Le Café du Cadran existe réellement. Il est toujours en activité au 1 Rue Daunou, au bord de l’Avenue de l’Opéra.

Une réflexion sur « Le Café du Cadran (1947) de Jean Gehret et Henri Decoin »

  1. UN CADRAN NOIR
    Henri Decoin étant interdit professionnel durant 74 jours en 1946 (depuis fin octobre 45) par le Comité régional interprofessionnel d’épuration, Jean Gehret signera, officiellement la réalisation de ce « Café du Cadran », se contentant, d’après Bernard Blier (Revue du Cinéma. Juillet/août 1988), de demander à l’épuré: « Tu me préviendra quand je pourrai dire Moteur ».
    En fait, il s’agit bien d’un film « à la Decoin », sans temps mort, ni dialogue inutile (bien que très bavard), mais avec cor et violon, où le meurtre final, nous parait très vite inexorable, grâce à la conduite implacable du récit, alors que pourtant, il ne s’y passe pas grand-chose. Si ce n’est le cheminement du «héros» vers le malheur, à savoir sa participation aux paris clandestins, son surendettement et la reconnaissance de son cocufiage, au fur et à mesure qu’il se révèle pas aussi bonhomme qu’il en l’air. Tandis que l’héroïne-celle qui doit mourir- évolue de la petite bougnate au sourire crispé et au chignon sage vers la blonde bovarienne.1947.
    Toute la qualité du film vient de la mise en œuvre de l’Unité de lieu: La grand salle d’un café. Plus, accessoirement, son arrière-salle, voire une chambre à l’entresol. On y entre la porte, après avoir longé en travelling arrière l’avenue de l’Opéra, jusqu’à l’entrée de la rue Louis-le-Grand.
    Decoin fait de cet espace, à la fois l’agora et la mise en abyme de ce microcosme parisien des années 40 et 50 composé de petits commerçants, journalistes, facteurs, encaisseurs, livreurs, taxis, gens de théâtre et la restauration. Cette magnifique kyrielle de professions et de caractères gravite autour et pour les seuls Louise et Julien Couturier.
    On y trouve quelques portraits réussis. Le gros et vieil ivrogne volubile, philosophe, perspicace, « homme libre » mais profondément malheureux interprété par l’extraordinaire Félix Oudart, sorte de Raimu parisien. Le « bel ami » du journal, « qui a du stylo mais pas de coeur », traître et salaud, en amour comme dans son métier. Le vieux beau violoneux, passe-temps des douairières du café chic d’en face, qui se fait un coup jeune avec la timide provinciale qui s’ennuie derrière sa caisse, joué classieux par l’élégant et distingué Aimé Clariond.
    Plus le barman et le vieux garçon de salle, fonctionnant tel un chœur antique.
    Le scénario et les dialogues sont de Pierre Bénard, alors un journaliste au Canard Enchaîné, et qui fréquentait, justement, le vrai Café du Cadran, comme Henri Jeanson, Michel Duran et Bernard Blier lui-même.
    C’est du reste la première fois que Blier « tue au cinéma » au bout de déjà 40 films. C’est aussi la première fois, non pas qu’il est cocu (au cinéma bien sur) mais qu’il joue « dans un film de cocu ». Mais, surtout, il apparaît enfin dans un personnage à la fois autoritaire, timide, enthousiaste, morbide, et inhibé. Bref Blier devient Blier. Une date donc.
    De nombreux critiques et historiens, et parmi les tous meilleurs, François Guérif par exemple, ne reconnaissent pas ce « Café du cadran » comme un polar. Nous si. Surtout tel un Film Noir.

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