Titre original : « Fanny och Alexander »
Suède, début du XXe siècle. Comme chaque année, Helena Ekdahl, propriétaire du théâtre d’Uppsala, a invité sa famille pour les festivités de Noël. Il y a là ses trois fils : le sérieux Oscar qui dirige le théâtre, le bon vivant Gustav Adolf et Carl, le professeur alcoolique. Les enfants Fanny et Alexandre prennent part à la fête qui hélas tourne court lorsque leur père, Oscar, est victime d’une hémorragie cérébrale lors d’une répétition… Cet avant-dernier film de Bergman est l’un des plus ambitieux de sa carrière, en tous cas celui pour lequel il a profité du plus important budget. Cette somptueuse chronique familiale est conçue comme une ode à la vie où les joies d’une truculente famille bourgeoise sont opposées à l’enfer du puritanisme religieux. On y retrouve les thèmes chers au réalisateur suédois, la représentation de la mort, la figure du père, le mystère du couple. Il tire son inspiration de quelques géants de la littérature (Hoffman, Dickens, Strindberg, Ibsen), des souvenirs de sa propre enfance et de ses précédents films. La réalisation montre une indéniable perfection que ce soit dans l’image ou dans ses fameux plans-séquences.
Elle:
Lui :
Acteurs: Bertil Guve, Gunn Wållgren, Ewa Fröling, Börje Ahlstedt, Jan Malmsjö
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Remarque :
* Bergman a renié la version « courte » de 3 heures exploitée au cinéma. La version diffusée à la télévision suédoise dure plus de 5 heures. Hors de Suède, bien peu de gens ne l’avaient vue avant qu’elle ne sorte en DVD (coffret avec les deux versions).
Bertil Guve et Pernilla Allwin sont Fanny et Alexandre, héros éponymes du film d’Ingmar Bergman.
LANTERNE MAGIQUE (ou De la vie des marionnettes)
La grande salle de la cinémathèque était pleine comme un oeuf ce dimanche pour découvrir les 311 minutes de ce film majestueux, ample, romanesque, magique contant une sorte de conte de Noêl, vaste saga familiale qui démarre à Stockholm au Noel 1907 dans les vastes appartements de la grand mère matriarche, cocon pour Fanny et Alexandre, les enfants d’un des couples de la lignée possédant un vrai théâtre, atmosphère dans laquelle baignent les enfants. Le théâtre comme on le sait jouant un rôle révélateur essentiel chez Bergman.
On peut dire de ce film joyau qu’il est l’acmé « bergmanienne » puisque cet adjectif qualificatif est passé dans le langage courant de la cinéphilie. Il ne rentre pas dans ses films modernistes novateurs, il suit plutôt la ligne et la construction d’un théâtre classique avec sa division en un prologue, cinq actes et un épilogue heureux – oui, c’est un Bergman heureux – avec nombre de ses lieux et scènes d’intérieurs conçus comme des plateaux de théâtre ou opère la magie des lumières, costumes, décors, monologues et dialogues, mais aussi longs moments sans texte à travers les dédales des portes, tableaux, lustres et tentures.
Un « dernier » film comme somme de tous les autres que Bergman entreprend a 64 ans en 1982 et qui, forcément, rebat et recoupe bon nombre des cartes obsessionnelles du cinéaste. La lanterne magique – projecteur qu’on lui offrit pour ses dix ans – et avec laquelle joue Alexandre dès le prologue fut le titre initial du film mais non retenu par Bergman qui préféra le garder pour le titre de son autobiographie. il lui préféra celui de « Fanny et Alexandre » les deux enfants par lesquels le film serait vu comme par le bout de la lorgnette (de la lanterne magique). Contrairement à ce que l’on peut penser Alexandre ne représente par Bergman à dix ans mais son frère ainé (absent du film) et il se dit que Bergman est lui plutôt projeté en Fanny la petite soeur de 7/8 ans dans le rôle du témoin muet plus effacé. Comme souvent dans les autobiographies filmées ou écrites le mélange du réel et de l’imaginaire est transformé et mixé par leurs auteurs pour devenir une fiction. Ce qui est certain est que le petit théâtre de marionnettes présent de façon primordiale dans le film l’était aussi dans la vie du jeune Ingmar qui les manipulait sur des scénarios écrits par lui dans le cadre familial et que dès l’âge de 20 ans il mettait en scène ses premières pièces dans des spectacles d’amateurs.
Fanny et Alexandre, résumé fictionnel d’une période cruciale d’enfance, est un magnifique film bâti autour des démons personnels qui naissent et s’agitent dans la comédie de la vie, de la vie des marionnettes. une fiction souveraine de beautés de 5h et 11 minutes