6 octobre 2015

Et vogue le navire… (1983) de Federico Fellini

Titre original : « E la nave va »

Et vogue le navire...A l’aube de la Première Guerre mondiale, un navire est affrété pour accomplir les dernières volontés d’une grande diva : aller disperser ses cendres au large de la petite île lointaine où elle est née. A bord du navire embarque un groupe hétéroclite composé de personnalités du monde de l’art lyrique et quelques personnes qui l’ont connue… Fellini nous décrit la fin d’un monde, avec des personnages excentriques et légèrement décadents qui accomplissent les rituels désuets et vains d’une vie mondaine de luxe. La scène est irréelle, surannée avec (on n’en attend pas moins de Fellini) une bonne dose d’insolite : un rhinocéros étrangement présent dans la cale prend ainsi une valeur symbolique (1). Seul point d’attache avec la réalité : la présence d’un journaliste (alter ego de Fellini, le cinéaste a d’ailleurs choisi un acteur qui lui ressemble), qui nous commente en direct les évènements avec un détachement assez comique. Fellini nous gratifie d’un début amusant qui joue avec la forme (et l’histoire du cinéma) : le film débute silencieusement en noir et blanc pour passer habilement au son et à la couleur. Même s’il a ses détracteurs, Et vogue le navire… est un film très fellinien, porté par le style et la vision d’un grand auteur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Freddie Jones, Barbara Jefford, Victor Poletti, Peter Cellier, Elisa Mainardi, Norma West, Paolo Paoloni
Voir la fiche du film et la filmographie de Federico Fellini sur le site IMDB.

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(1) Fellini précise : Le rhinocéros est « un des animaux les plus fascinants de l’univers, une des premières formes de vie, créature insolite, occulte, mystérieusement antique ». Sa présence est d’autant plus symbolique qu’il sera l’un des très rares survivants.

Et vogue le navire... de Fellini
Et vogue le navire… de Federico Fellini

2 réflexions sur « Et vogue le navire… (1983) de Federico Fellini »

  1. ET VOGUE LE CINEMA
    il se trouve que le commentaire de Lui vint au même moment où je revoyais le film sur grand écran à la cinémathèque
    Partir en croisière avec le maestro ne se refuse pas. C’était au temps du cinéma muet, du noir et blanc sautillant et déjà rayé, et de l’opéra jetant ses derniers feux moribonds à la scène. On prenait des postures de divas devant la caméra, on se postait amusé, intrigué, fasciné devant l’objectif comme Charlot dans son premier film; on regardait face à l’objectif de façon expressive comme souvent chez Fedérico. Et quand on projetait le film ça faisait un doux ronron de fond. Ainsi commence E LA NAVE VA, un des très beaux débuts de films qui soient en effet (avec beaucoup d’autres). Ce charme des débuts du cinéma épouse le début du film. Le majestueux paquebot Gloria largue les amarres et quitte le port de Naples – c’est à dire les sudios de Cinecitta – pour une île mystérieuse devant laquelle doivent être dispersées les cendres d’une illustre cantatrice. Tout le film, unité de lieu et de temps, est en artifices de l’illusion, mystification assumée et acceptée (grazie à Dante Ferretti, architecte décorateur du film) : tournage de studio, mer de plastique, ciels peints, faux couchers de soleil, navires de maquettes et de carton pâte … Ca nous rappelle l’hallucinante apparition déjà toute d’artifice du paquebot Rex dans la nuit d’Amarcord. Il y a bien une centaine de personnages dans Et vogue le navire, film riche, somptueux, luxueux, film opéra à la grande mélancolie mais aussi à la gaité d’un temps révolu et insouciant que l’histoire allait bientôt se charger de balayer, la croisière se dirigeant vers une fin des choses. La musique tient une grande part dans le film et ceux qui connaissent les petites histoires reconstitueront sans peine les évocations rivales et perfides de Callas, Tébaldi, du chef Sérafino, des ténors Pavarotti, Domingo, Caruso, des directeurs de la Scala et de la Fenice, des producteurs, etc. Du reste la séquence où tout ce beau monde vient assister en spectateurs du haut d’une coursive au travail des soutiers en bas de l’immense, étouffante et bruyante salle des machines – comme au théâtre – tourne à la rivalité des voix ou chaque soliste se rend malade cherchant à se distinguer, montrer sa supériorité dans l’exercice de son art face à l’autre et devant le public gratuit et infortuné qui applaudit à ce cadeau offert. Parmi les passagers VIP on trouve Pina Bausch étonnante dans le rôle de la soeur aveugle d’un personnage officiel qui évoque les couleurs
    Au cours de la traversée, des émigrants, réfugiés Serbes sont pris en charge sur le paquebot, logés sur le pont inférieur et plutôt mal considérés par les passagers d’excellence logés au pont supérieur – cette incursion avec notre réalité actuelle prend une résonance immédiate – pourtant l’espace d’une nuit un rapprochement par la musique aura lieu, mais en vain car un acte terroriste annonciateur d’une guerre à venir vient dans une confusion finale arrêter la course – La force du destin de Verdi se mélange aux danses serbes et aux explosions – une torpille éventre le Gloria, canots de sauvetage comme dans le Titanic, morts et rescapés – dont le fameux rhinocéros – dernier tour avant l’Apocalypse de 14
    Entreprise baroque et folle – le cirque fellinien est bien toujours présent – le film s’achève en nous montrant ses coulisses, la machinerie apparente de l’immense plancher du décor actionné par des vérins et toute l’équipe (impressionnante) dessous et à coté en train de filmer, pour mieux nous dévoiler la magie de l’artifice poétique de Fedérico seul maître à bord

  2. Merci de cette présentation qui est bien plus complète que la mienne.
    Oui, l’épisode avec les réfugiés entre en étonnante résonance avec la réalité de 2015…

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