23 juillet 2015

Contact (1997) de Robert Zemeckis

ContactAprès des années de recherches, l’astrophysicienne Eleanor Arroway capte un signal venant de l’étoile Vega. Aucun doute n’est permis : il s’agit bien d’un message qui nous est adressé… Pour tout amateur de hard science-fiction (1) qui se respecte, l’adaptation de Contact de Carl Sagan était très attendue car le roman de ce scientifique est l’un des meilleurs du genre. L’histoire se situe tout naturellement dans le cadre du vaste et enthousiasmant programme SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence, recherche d’une intelligence extraterrestre) dont Carl Sagan était l’un des promoteurs. L’adaptation par Robert Zemeckis s’est révélée être excellente, avec le même degré d’assise scientifique. Carl Sagan en a, il est vrai, suivi de près la préparation mais n’a pu hélas le voir terminé du fait de son décès en cours de tournage. Le niveau de réalisme est excellent, les problèmes soulevés sont effectivement ceux qui ne manqueraient pas de se poser dans une telle situation et les images créées (scène d’ouverture et voyage) sont superbes. Le film sera toutefois diversement apprécié selon sa sensibilité au sujet. A mes yeux, Contact est l’un des meilleurs films de science-fiction jamais réalisés.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jodie Foster, Matthew McConaughey, Tom Skerritt, William Fichtner, John Hurt
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Zemeckis sur le site IMDB.

Voir les autres films de Robert Zemeckis chroniqués sur ce blog…

Contact
Jodie Foster est à l’écoute du ciel profond dans Contact de Robert Zemeckis

Remarques :
* Au départ, Contact a été un projet de film que Carl Sagan a écrit en 1980 avec sa femme Ann Druyan. Le projet n’a pas abouti et Carl Sagan en a fait un roman (paru en 1985).

* Peu après la sortie de Contact, Warner Bros a reçu un avertissement de la Maison Blanche pour avoir utilisé des images du président Bill Clinton sans autorisation. Il faut dire que ces insertions sont fort bien faites, on pourrait croire qu’il a joué dans le film. En la matière, Zemeckis a l’expérience de Forrest Gump.

* Le radiotélescope du début du film est celui d’Arecibo sur l’île de Porto-Rico. Il a été et est toujours utilisé dans le cadre de SETI. C’est le plus grand au monde en taille physique (mais pas en taille effective où il est largement dépassé par de plus petits mis en batterie). Les radiotélescopes vus ensuite sont ceux du Very Large Array (VLA) situé aux Etats-Unis dans l’état du Nouveau Mexique.

* La scène d’ouverture, un travelling arrière depuis la Terre jusqu’aux amas de galaxies, est absolument superbe. On peut la voir sur Youtube (mais, même en HD, les algorithmes de compression montrent nettement leurs limites : ils en font de la bouillie).

(1) La « hard science-fiction » (= science-fiction dure) est un genre de science-fiction qui s’appuie sur des bases scientifiques solides. Pour donner les auteurs les plus représentatifs, on peut citer Arthur C. Clark (2001, odyssée de l’espace), Poul Anderson, Stanislaw Lem (Solaris), Carl Sagan, Kim Stanley Robinson, … Et Jules Vernes est un peu le père spirituel de la « hard SF ».

13 réflexions sur « Contact (1997) de Robert Zemeckis »

  1. Oui, vous avez raison de dire que le film peut être diversement apprécié car moi je n’ai vu qu’une histoire assez poussive qui s’emmêle sur le thème des religions.

  2. Je ne trouve pas qu’il insiste beaucoup sur le thème des religions. Carl Sagan, en bon scientifique, nous fait remarquer que la question de la religion viendrait s’immiscer en pareil cas, ce qui est indéniable.
    En fait, Sagan étudie comment l’humanité aborderait une telle situation. C’est pour cette raison d’ailleurs que Contact n’a rien d’un film spectaculaire. C’est plus un film de mise en situation, d’analyse. « L’un des plus intelligents films de science-fiction » a dit, je crois, une critique américain à l’époque. Je suis assez d’accord avec cette formule si elle veut signifier que ce sont des extrapolations très « réalistes ».

    Maintenant, je comprends très bien que l’on puisse trouver le film ennuyeux. J’avoue avoir lu beaucoup de science-fiction à une époque et j’avais adoré le roman de Carl Sagan.

  3. Votre enthousiasme m’a poussé à regarder le film et me paraît bien excessif. Contact est plombé par (au moins) une grosse ficelle scénaristique destinée à relancer le film dans le plus lourd style hollywoodien (épisode pas crédible une seconde du « fou de dieu » pour ne pas trop spoiler).
    Le problème vient de votre cote: si vous donnez le maximum d’étoiles à Contact, vous mettez Zemeckis au niveau de Kubrick, or on en est loin.
    Par là, vous suscitez une attente que la production commerciale du film ne peut pas satisfaire.
    Vous avez l’étoile trop généreuse.
    Sans rancune, bien sûr.
    Amitiés

  4. Désolé de vous avoir induit un peu « en erreur ». Bon, mais je répète que je comprends très bien que l’on puisse trouver le film inintéressant, hollywoodien, etc. Je remarque que c’est l’épisode du fou de Dieu qui, le plus souvent, braque les spectateurs. Ce n’est pas l’aspect le plus important du film à mes yeux mais force est de constater (surtout aujourd’hui hélas) que ce problème ne manquerait pas de survenir en pareil cas. Moi, ce que je trouve le moins crédible dans toute cette histoire, c’est plutôt le milliardaire, mais bon…

    Evidemment, dire que Contact est de la trempe de 2001 peut faire sourire à première vue. Ceci dit, je mets largement le livre de Carl Sagan au niveau des écrits d’Arthur C. Clarke (dont je suis un trèèes grand fan… je les ai tous lus je crois). Il est dommage que Sagan n’ait écrit qu’un seul roman de « hard SF ». Ensuite, je dirais que sur le plan de l’assise scientifique, du « réalisme » de la prospective, Contact est bien de la trempe de 2001.
    Le film de Kubrick avait toutefois une magie que Contact n’a pas.
    C’est certain.
    Et Zemeckis est bien loin de Kubrick en tant que créateur.
    C’est encore plus certain… 😉

  5. Si vous aimez la SF et ce thème, je vous recommande chaudement le livre (désolé, ce n’est pas un film et je ne l’imagine pas adaptable au cinéma) Le moineau de Dieu (en anglais, plus sobrement : The Sparow), de Mary Doria Russell.

    Il est très légèrement antérieur à ce film, puisqu’il date de 1996 si je ne m’abuse.

    Comme le suggère son titre français, la question religieuse y est abordée, elle y est d’une certaine manière centrale… mais traitée de façon distanciée, sous l’angle psychologique et dans un contexte de hard SF !

    Oui, car sur le plan de la prise de contact avec une civilisation extraterrestre, ce livre est très précis et solide. Il aborde en particulier la prise de contact sous un angle linguistique et anthropologique (si j’ose dire… puisqu’il ne s’agit pas de deux sociétés humaines mais d’un groupe d’humains rencontrant une société extraterrestre ; mais c’est vraiment traité avec la rigueur et l’intelligence d’une solide approche anthropologique), ce qui est rare et remarquable.

    Le substrat est de la hard SF, l’un des ressorts est une tentative de compréhension psychologique d’un prêtre Jésuite (avec une vraie profondeur et énigme psychologique et humaine), le livre aborde la question de la foi sous un angle étonnamment scientifique et rationnel (ce qui permet de mieux circonscrire et approcher les dimensions philosophiques et spirituelles), et c’est l’un des récits les plus « réalistes » que j’ai pu lire sur le thème de la prise de contact avec une société non-humaine.

    Je dois prévenir toutefois : ce roman est parfois assez dur. On sait dès le début que ça ne va pas bien se terminer (c’est un entrelacement de flash-back et de débriefing sur la mission), et certains chapitres sont assez éprouvants. Mais en parallèle, il faut savoir (notamment pour dépasser le début) que de nombreux chapitres sont très drôles, très enlevés ! Car M. D. Russell réussit le tour de force de contrebalancer la noirceur possible par une réelle truculence. En réalité, l’essentiel du livre est dynamique, et les personnages principaux rivalisent de vivacité, de réparties et, vraiment, d’humour. Ne surtout pas croire que c’est un livre noir ! Il alterne le sombre et le lumineux, et il a une vraie dimension truculente.

    J’oubliais de préciser que le point de départ, très réaliste dans le fond, est quelque peu déroutant… puisque, face aux tergiversations des États, ce sont les Jésuites qui organisent la mission de prise de contact ! Voici donc un livre de SF mettant en scène des explorateurs spatiaux jésuites (et scientifiques en même temps, bien sûr). Il fallait oser ;-).

  6. J’ai le livre… (en VO en plus, j’ai dû l’acheter avant qu’il ne sorte en France). Mais, pour être tout à fait honnête, comme j’ai arrêté de lire de la SF à peu près à cette époque, je ne suis pas certain de l’avoir lu car je n’en ai aucun souvenir. 🙁

    En tous cas, ce que vous dites me donne envie de le (re)lire. Je l’ai ressorti pour le mettre au dessus de ma pile. Merci de ce conseil.

  7. Hey tout le monde? je crois que vous oubliez l’essentiel…
    regarder ce film, regardez le bien.
    non pas comme des experts, juste avec l’esprit et la sensibilité d’un Ado avec toute sa curiosité …
    regarder ce film est un engagement au frontière du réel, ouvrez grand vos yeux et vos oreilles parce que peut être qu’un jour, de cette manière ou d’une autre il en sera possible.
    un très grand Film, dommage qu’il n’y ait pas eu de suite…

  8. en lisant les nombreux commentaires depuis la décennie, personne ne parle des aspects scientifiques de ce film, comme dans la réalité, le pont d’Einstein-Rosen (Trou de ver / Wormhole) ou le rasoir d’Accam (principe de parcimonie) ou de la relativité générale d’Einstein parlant du principe du voyage interstellaire, qui incombe au voyageur une distorsion du temps, c’est à dire, un temps terrestre du au champ magnétique terrestre, et à l’espace-temps, mesure que personne n’évoque ! bref, tout ces attraits démontre que l’histoire de Zemeckis est bien ficeler, certes sur de l’analyse purement astronomique et scientifique, mais surtout sur la cohérence du voyage car Einstein-Rosen le décrit ainsi.
    Il y a des religieux dans les commentaires..
    n’entrons pas dans les détails, sinon je me sentirais obligé de vous parler des créations de courant religieux dans nos ères précédentes.
    Lisez ou ré-informez vous sur vos cours d’histoires !
    Sur les dogmes et doctrines sociales qui ont été octroyer à l’humanité fut un temps, ce qui a permis un conditionnement de grande ampleur à nos jours.
    si on ne peut pas inventer dieu, on peut encore moins inventer la science !
    Bonne journée

  9. Ayant enfin pu voir ce film, j’avoue être étonné de votre enthousiasme à son égard, sur la forme et sur le fond.

    ——————–

    Je vais commencer par le fond, c’est-à-dire l’obsession religieuse de Zemeckis. Car sur ce point, je suis vraiment littéralement « étonné » de votre réponse à Luc Jardin, dans la mesure où Contact est très explicitement et très lourdement un film sur la religion bien plus que sur la rencontre avec une intelligence extraterrestre. Je suppose que c’est une trahison du roman de Carl Sagan, et je suppose que vous avez regardé le film en ayant le roman en arrière-plan ce qui vous a conduit à « corriger » mentalement les outrances du film.

    J’insiste et je n’ai aucune doute à ce sujet : la religion est le propos principal du film de Zemeckis. Tout conduit à la scène du « procès » final (d’ailleurs pas crédible pour deux sous), où Elie décrit son expérience avec très précisément les mêmes termes que Palmer avait précédemment utilisé pour décrire son expérience d’illumination religieuse. Et cette scène n’est pas seulement centrale par cette analogie des termes et sa place conclusive, elle est l’aboutissement d’une omniprésence du sujet tout au long du film. Je ne m’y attendais pas, je n’avais aucun a-priori, et ça m’a frappé et même assommé. La religion est présente du début à la fin. L’épisode du « fou de Dieu » cité par Yves est en fait anecdotique dans tout ça, s’il n’y avait que cette séquence la question religieuse serait en effet un détail dans la mise en scène des péripéties et préoccupations possibles. Tout du long du film, tout le monde se demande si les extraterrestres sont religieux (c’est même grotesque). Pire : lorsque Palmer plombe la candidature d’Elie pour le voyage, il est affirmé, répété et présenté comme un fait établi que 95% des humains croient en Dieu, et que ça doit donc être un critère majeur pour le choix du voyageur. Non seulement ce pourcentage est fantaisiste et manipulateur, mais surtout le film présente comme une évidence (personne ne le conteste, même pas Elie) que cette religiosité doive être un critère prioritaire de légitimité. Pardon ? C’est ahurissant — et vraiment révoltant. Insoutenable. Ces passages du films ressortissent à une logique de propagande. Berk.

    Le propos de Contact, dans cette mise en scène par Zemeckis, est d’instrumentaliser une situation scientifique pour justifier l’illumination religieuse. Tout le film sert explicitement à « illustrer » le mécanisme de la foi. Cela peut d’ailleurs être intéressant, car le mécanisme en question est subtil, et la question de la foi est une question troublante et réellement intéressante. Dans un autre contexte, j’aurais pu applaudir (le livre de Mary Doria Russell dont je parlais autrefois plus haut traite ce sujet frontalement et sans tromperie, et c’est passionnant). Mais c’est malhonnête puisque ce n’est pas censé être le propos du film et puisque c’est amené de façon sournoise (la preuve : vous vous êtes fait manipuler, puisque vous n’avez pas l’impression que la religion ait une place trop importante dans ce film, ça a été asséné insidieusement).

    Après, je pourrais ergoter sur le fait qu’une partie des aspects scientifiquement intéressants du récit soit prétextes à pontifier (par exemple l’insistance sur le rasoir d’Ockham, exemple typique de référence banale pour tout scientifique mais qui « en jette » devant un auditoire béotien et permet à un savant de frimer), mais bon, ce n’est pas pire que bien des films de SF. Je vous accorde que la partie « décodage du message » est intéressante — mais je regrette précisément qu’elle ne soit pas plus détaillée, développée et traitée posément (elle est hélas surtout traitée par des avancées soudaines lors de scènes d’agitation rhétorique et politique impliquant les financeurs et politiciens : Zemeckis aime qu’il y ait du monde, du bruit, du stress).

    —————–

    Sur la forme, décidément je ne comprends pas la mansuétude dont Zemeckis fait l’objet. Même la scène d’ouverture n’est pour moi que frime sommaire et caricaturale (ben voyons : le travelling arrière passe en droite ligne successivement par Mars, Jupiter et Saturne ; c’est marrant comment tous les films de SF se déroulent exactement lors des rarissimes moments où Terre, Mars, Jupiter et Saturne sont en conjonction, pfff).

    Les incrustations de Bill Clinton sont juste grotesques : elles déservent fortement le film, car il est très visible que les discours qu’il tient sont précisément choisis pour que les termes soient génériques et applicables à un autre sujet, et car justement je trouve que les insertions ne sont pas du tout bien faites ! et créent à chaque fois une très forte rupture narratif et stylistique (OK, elles sont « graphiquement » bien faites, mais ce n’est pas le cas d’un point de vue narratif et stylistique). Au lieu de tendre et servir le récit, ces scènes le diluent, ne servent à rien (forcément, puisque par définition le texte dit par Bill Clinton ne verbalise strictement rien en rapport direct et informatif avec le récit). Elles sont là pour… frimer. C’est pathétique quand un cinéaste médiocre se pique de prouver qu’il est brillant : il ne prouve que sa prétention.
    Ce choix est vraiment très problématique car il affaiblit considérablement le film sans aucune justification (autre que la frime de Zemeckis). Tous les autres films sur ce genre de sujet mettent en scène un président de fiction, qui permet d’avoir des scènes fluides et utiles au récit (là où ici chaque scène avec Bill Clinton provoque un malaise, une rupture de rythme, une « sortie de l’histoire »).

    À ma grande tristesse, même Jodie Foster que j’apprécie beaucoup d’habitude me paraît ici très limitée. Du début jusqu’à la fin, elle joue la « ravie de la crèche ». Et je préfère ne rien dire du jeu sans aucune épaisseur de Matthew McConaughey, qui n’est pas crédible une seule seconde en prêtre défroqué ou en conseiller de la Maison Blanche.

    ————

    Il faudra que je lise le livre, car je devine ce que ce récit pouvait avoir de brillant et d’intéressant — et je pense vraiment que c’est parce que vous avez « vu le livre » derrière le film que vous êtes si indulgent.
    Si seulement ce récit était développé dans un autre but que de glorifier la foi religieuse, si seulement le film avait été réalisé par un cinéaste qui se mette au service du récit et qui utilise des techniques adaptées (je n’ai rien contre la frime si elle est au service du récit et si elle est réalisé brillamment, ce qui n’est pas le cas avec Zemeckis)…
    Quel film cela aurait pu être !

  10. Pour parler pur cinéma, je vais tenter d’expliquer pourquoi certaines scènes d’ouverture de Zemeckis me posent problème et ne me paraissent pas dignes d’admiration.

    La scène d’ouverture de Forest Gump, la scène d’ouverture de Contact : dans les deux cas il s’agit d’une fausse prouesse et d’une vraie poudre aux yeux de bêcheur.
    Car dans les deux cas, il n’y a aucune prouesse technique : ce sont des images de synthèse. Par définition, on peut faire tout ce qu’on veut avec les images de synthèse. Par définition, ce n’est plus de la mise en scène, c’est un deus ex machina. Tout le monde peut le faire avec le budget adéquat, tout le monde peut tout faire dans ce registre, et à quoi bon ? Il n’y a aucun talent ni aucune astuce cinématographique, juste un bon programmateur qui fait ce qu’on lui dit.

    Quand Hitchcock bricole un travelling avant au-dessus de la salle de bal à la fin de Jeune et innocent pour aboutir à l’œil du batteur, c’est une prouesse technique pour servir une intention. Quand Welles réalise un travelling arrière depuis l’enfant jouant dans la neige jusqu’à l’intérieur de la maison dans l’introduction de Citizen Kane, c’est une prouesse de placement et de réalisation, pour servir une intention. Quand Lumet augmente progressivement la distance focale et diminue la profondeur de champ au fil de Douze hommes en colère, c’est une utilisation brillante de la technique pour rendre un effet d’écrasement progressif des jurés par la salle et par la chaleur, et de claustrophobie.

    Autrement dit, quand l’artiste se joue d’une contrainte technique pour parvenir à rendre un effet de mise en scène, c’est de l’art.

    Mais quand Zemeckis décide par avance de la vidéo qu’il souhaite puis la fait réaliser par ordinateur (la plume qui zigzague, la traversée arrière de la galaxie), c’est juste un rendu froid et clinique. Et le pire est que dans les deux cas, la scène en question est un cliché : c’est une idée tellement banale et évidente qu’elle ne présente pas d’intérêt en soi.

    Entre les astuces techniques rendant possible l’impossible de façon à rendre une intention artistique (Hitchcock, Welles, Lumet… et tant d’autres) et la facilité technique permettant de faire ce qu’on veut sans effort en abolissant toute contrainte artistique, il y a la même différence qu’entre un dessinateur humain et un dessin par IA.

    [Et pour qu’il n’y ait pas de malentendu : ce n’est pas la technique utilisée qui me pose problème, car quand Zemeckis fondait animation et prises de vue réelles dans Qui veut la peau de Roger Rabbit, c’était intéressant sur le plan artistique. Le problème n’est pas l’image de synthèse, le problème est le deus ex machina qui abolit toute contrainte et supprime tout effort artistique dans la réalisation d’une scène convenue.]

    [Et pour qu’il n’y ait pas de malentendu (bis) : il n’y a aucun problème à ce que le cinéma utilise aussi cette facilité. De nombreux films le font sans que ça ne me gêne le moins du monde, pour une raison simple : ils le font en tant qu’outil pour parvenir à un résultat narratif, et pas en tant que « prétendue prouesse destinée à être admirée en tant que scène spécifique et permettant au réalisateur de passer pour un génie ». Toutes les techniques informatiques, tous les effets spéciaux sont légitimes dès lors qu’ils ne sont que des techniques et qu’on ne les voit pas. Le problème de Zemeckis dans ces deux scènes est qu’il en fait un but pseudo-artistique en soi, qu’il utilise ces effets pour frimer abusivement, pour qu’on les remarque !, et non pas pour servir une narration. Il présente comme de la mise en scène ce qui n’est qu’une facilité. C’est cette imposture qui me dérange : on peut éventuellement aimer ces deux scènes d’ouverture (ce n’est pas mon cas car je considère qu’elles sont toutes deux des clichés paresseux), mais pas les admirer sur un plan cinématographique.]

  11. Sur la question des religions, je ne peux que répéter ce que j’avais répondu : Carl Sagan avait tenu à souligner que, dans de telles circonstances, la question viendrait s’inviter (certainement fort mal et de façon intempestive) dans le débat et le déroulement des faits. Cela me paraît indéniable.

    Sur la question de la technique, je ne vois pas bien en quoi diffèrent un traveling aérien fait mécaniquement et le même traveling fait par ordinateur. Dans les deux cas, la conception demande la même vision artistique d’un réalisateur et la réalisation pratique peut être tout aussi compliquée. La « facilité technique » dont vous parlez n’existe pas vraiment quand on cherche à titiller les limites.
    Nous sommes indéniablement plus blasés aujourd’hui du fait de la prolifération d’images créées mais, en 1997, le vertigineux traveling arrière d’ouverture était unique et passablement compliqué à réaliser.

    Moi, je le trouve toujours très beau ce traveling arrière. En plus, il a un sens puisqu’il nous met au coeur du problème (grâce au son) : plus on s’éloigne et plus les sons que l’on perçoit de la Terre sont anciens et donc, rapidement, on n’entend plus rien. C’est une façon élégante d’introduire un des problèmes de SETI : si l’on trouve quelque chose, cela viendrait d’une civilisation formidablement plus avancée que la nôtre. Une fois ce constat posé, on peut tout imaginer et Carl Sagan l’a fait.

  12. Votre interprétation de la scène d’ouverture par l’évolution sonore est intéressante et lui donne un peu plus de corps. Je continue à la trouver attendue et à n’y voir aucune prouesse de mise en scène, mais sous cet angle je peux comprendre qu’elle puisse toucher — et à ce niveau, heureusement, l’appréciation ou la non-appréciation d’une œuvre ou d’une scène ne se décrète ni ne se raisonne, ma subjectivité n’a évidemment pas plus de légitimité qu’une autre.

    Pour le reste, le problème du film n’est pas que « la religion vienne s’inviter » (je ne conteste absolument pas ce fait, et l’épisode du fou de Dieu n’a rien d’invraisemblable), mais que tout le film consiste in fine en une apologie de la religion, omniprésente et qui constitue l’objectif idéologique du film (la scène du procès : l’expérience d’Elie est ramenée très explicitement, mot pour mot, à une expérience de foi ; cette scène utilise un contexte scientifique pour justifier la foi). Et ce n’est pas juste Luc Jardin ou moi qui lisons le film ainsi : en me renseignant a-posteriori j’ai pu voir que c’est le reproche principal qui lui a été fait, et que c’est l’interprétation qui est soutenue y compris par ses afficionados (!) et par Zemeckis lui-même. Je pense vraiment que votre connaissance du livre vous conduit à « lire » ce film différemment de celleux qui ne l’ont pas lu préalablement, de minimiser cette dérive ultra-religieuse du propos.

  13. (Après, l’appréciation d’un film tient parfois à peu de choses. Il aurait peut-être suffi que je sois prévenu de la place centrale occupée par la religion, pour que je l’intègre comme l’un des sujets du récit au lieu de la subir comme une dérive malsaine. Il aurait sans doute suffi également que la mise en scène soit exempte des maniérismes zemeckisien, qui m’amusent dans ses films de série B mais me grattent constamment quand j’essaie de voir un vrai film. Je ne regrette toutefois pas d’avoir découvert Contact et votre enthousiasme me donne envie de lire la version de Carl Sagan.)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *