Titre original : « Some Like It Hot »
1929. Pour avoir assisté par hasard au Massacre de la Saint-Valentin, deux musiciens fauchés sont recherchés par une bande de gangsters appartenant à la Mafia. Pour leur échapper, ils se déguisent en femmes et rejoignent un groupe musical féminin en partance pour la Floride… Dans Certains l’aiment chaud, Billy Wilder est incontestablement au sommet de son art. En alliant un propos subversif à un équilibre parfait, il approche l’état de grâce et signe le mètre-étalon de la comédie réussie. L’entreprise était pourtant périlleuse. Sur le thème délicat du travestissement et les multiples connotations sexuelles qui en découlent, il eut été facile de déraper vers la vulgarité. Ce n’est à aucun moment le cas et Billy Wilder sait même lui donner une indéniable profondeur. Plutôt de faire des plaisanteries grivoises, il utilise le travestissement sexuel comme un révélateur de la vraie personnalité de chacun des deux protagonistes : ils nous apparaissent au final fort différents l’un de l’autre. De l’autre côté, le caractère de « ravissante idiote » de Marilyn est, plutôt que d’être induit, pleinement revendiqué par le personnage lui-même, ce qui nous la fait apparaître encore plus vulnérable. Tout cela est nimbé d’un humour permanent, jamais gênant, d’une élégance folle. Jack Lemmon est absolument fabuleux, exubérant mais sans excès, toujours au plus juste pour servir le burlesque. Et, cerise sur le gâteau, nous avons cette réplique finale, devenue rapidement ultra-célèbre et qui est bien plus profonde qu’elle ne paraît (elle résume même, en un sens, tout le propos du film). Oui, Certains l’aiment chaud est bien extrêmement proche de la perfection. Du grand art.
Elle:
Lui :
Acteurs: Marilyn Monroe, Tony Curtis, Jack Lemmon, George Raft, Pat O’Brien, Joe E. Brown
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Tony Curtis au saxophone, Jack Lemmon à la contrebasse et Marilyn Monroe à l’ukulele dans Certains l’aiment chaud de Billy Wilder.
Remarques :
* Le film a été tourné en noir et blanc parce que Billy Wilder craignait que ses deux personnages masculins ne pâtissent de la couleur. Il avait certainement raison. Ils auraient certainement paru, au moins par moment, ridicules en couleurs.
* Le scénario est écrit par Billy Wilder et I.A.L. Diamond. C’est à la base le remake d’un film allemand Fanfaren der Liebe de Kurt Hoffmann (1951), lui-même remake d’un film français encore plus méconnu (film perdu), Fanfare d’amour de Richard Pottier (1935).
* Billy Wilder a déclaré peu après que son banquier et son médecin lui avaient interdit de refaire un film avec Marilyn Monroe. Le tournage fut en effet rendu éprouvant par les retards, absences et caprices de l’actrice et ses « difficultés » à apprendre son texte. En revanche, le réalisateur était enchanté d’avoir travaillé avec Jack Lemmon avec lequel il tournera plusieurs films (La Garçonnière, Irma la Douce, Avanti, Special Première, …)
– (Jerry) Je vais être franc avec vous. Nous ne pouvons pas nous marier.
– (Osgood) Et pourquoi donc ?
– Eh bien, pour commencer, je suis une fausse blonde.
– Aucune importance.
– Je fume, je fume comme un sapeur!
– Ça m’est égal.
– Et j’ai un lourd passé. Je vis avec un joueur de saxophone depuis trois ans.
– Je vous pardonne.
– Je ne pourrai jamais avoir d’enfants.
– Nous pourrons en adopter.
– Mais vous ne comprenez donc pas… Je suis un homme !
– Bof… personne n’est parfait!
(Joe E. Brown et Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud de Billy Wilder).
Billy Wilder est enterré au cimetière de Pierce Brothers Westwood Memorial Park de Los Angeles. Sur sa pierre tombale on peut lire : « I’M A WRITER BUT THEN NOBODY’S PERFECT »…
Bonjour « Elle », bonjour « Lui »,
Pour moi, ce film est in-dé-mo-dable ! Je suis d’accord avec vous: il est extraordinaire et Billy Wilder y fait preuve de génie.
Outre l’argument que vous avancez à raison, Billy Wilder a aussi choisi le noir et blanc pour rendre hommage aux films de gangsters qui ont précédé « Certains l’aiment chaud ». Il paraît que la question a fait l’objet d’un débat avec Marilyn, dont le contrat spécifiait qu’elle devait tourner en couleurs. La belle y aurait gagné le droit de chanter trois chansons plutôt que deux. Poupoupidou ! Pas de quoi le regretter, n’est-ce pas ?
Merci pour ces précisions.
Au passage, je note que Billy Wilder se considérait donc avant tout comme un écrivain…
Je rejoins les dithyrambes. Certains l’aiment chaud est l’un des quelques films que je revois régulièrement, et toujours avec un même plaisir (aux côtés de Chantons sous la pluie ou, dans un genre différent, Le château dans le ciel).
Il y a quelque chose de miraculeux à réussir un tel amalgame entre numéros d’acteurs, charme, humour, satire sociale discrète, rythme parfait, scènes d’anthologies.
Outre la scène finale, celle où Jack Lemmon se retrouve à jouer sur l’envers de sa contrebasse (passage furtif mais qui me fait toujours éclater de rire — mais peut-être est-ce un cas particulier dû au fait que j’ai joué moi-même de la contrebasse), celle où Tony Curtis se dissimule sous la mousse de sa baignoire, celle de la looooongue nuit de tango entre Jack Lemmon et son soupirant… et bien d’autres !, sont inoubliables.
Quant au « couple » formé par Tony Curtis et Jack Lemmon, il est presque un archétype dans la perfection de leurs râleries réciproques, de leur solidarité malgré tout et de leur faculté à créer des situations complémentaires. On finit par se demander qui est le faire-valoir de l’autre.
Et puis Marylin était peut-être insupportable sur le tournage, mais tellement irrésistible à l’écran…
J’ajoute que le noir et blanc sert à la perfection le jeu « clownesque » de Jack Lemmon — j’entends par là sa façon de marquer ses désapprobations, frustrations (scène dans le train où il est tenté de draguer et où Tony Curtis le réfrène), colères, inquiétudes, etc., par des expressions faciales exacerbées et presque cartoonesques. Il me semble y retrouver un héritage des films muets des grands maîtres du burlesque.
Un film dont je ne me lasserai jamais… quoique Wilder fît jouer à Marilyn, à nouveau, un rôle de blonde idiote (Sugar Kane est encore plus idiote que Lorelei Lee, c’est dire). J’ai une préférence toute particulière pour George Raft, le plus grand interprète de gangster d’Hollywood, et pour Joe E. Brown, amoureux d’un travesti. Tout est bon dans Certains l’aiment chaud, il n’y a rien à jeter!
un très beau film de Billy Wilder avec du grand succès , je suis d’accord que c’est un film très bien réussite avec des personnages excitant