7 janvier 2013

The Shanghai Gesture (1941) de Josef von Sternberg

Titre français parfois utilisé : « Shanghai »

The Shanghai GestureA Shanghai, une jeune femme échappe à la police grâce à l’intervention d’un étrange Dr Omar. Il l’emmène dans une salle de jeux tenue par Mother Gin Sling où il travaille… The Shanghai Gesture est le premier film vraiment réalisé par Josef von Sternberg depuis 1935. Le film est adapté d’une pièce de John Colton qui avait connu un grand succès à Broadway dans les années vingt. C’est un sujet parfait pour Sternberg qui peut revenir ainsi à cet exotisme sensuel qu’il sait si bien mettre en scène. L’atmosphère est très forte, énigmatique, ambigüe, avec de constantes allusions à une certaine dépravation et une corruption que l’affairisme des occidentaux ne fait qu’amplifier. Cette atmosphère est rendu encore plus forte par la mise en scène de Sternberg toujours très inventif dans le placement de sa caméra ou dans ses angles de prises de vue (quel plan que celui où l’on découvre la salle de casino au début du film !) Et ses gros plans sont fabuleux. Car l’autre atout de The Shanghai Gesture, c’est le casting. The Shanghai Gesture Agée de 20 ans, Gene Tierney est d’une beauté à couper le souffle qui contribue à distiller un érotisme, subtil certes mais puissant. Autour d’elle, les personnages sont énigmatiques à souhait. Bien qu’elle ne soit pas présente, le film semble marqué par Marlene Dietrich : le personnage d’Omar, joué par Victor Mature, est le pendant masculin des femmes fatales que Marlene personnifiait avec tant de classe et le personnage de Mother Gin Sling, avec son extravagante coiffure et sa présence altière, semble être taillé sur mesure pour Marlene Dietrich. The Shanghai Gesture Les décors style art-déco sont merveilleux. Sur le fond du propos, le film s’attaque plus au pouvoir de l’argent qu’à la société chinoise (1). Probablement trop subtil et ambigu pour le public américain de l’époque, The Shanghai Gesture n’eut aucun succès à sa sortie et les critiques furent très mauvaises (2). La carrière de Josef von Sternberg fut hélas à nouveau stoppée, il ne tournera son film suivant que dix ans plus tard. Dans les années cinquante, le film sera mieux considéré, essentiellement en France et en Europe. A juste titre… car The Shanghai Gesture est une merveille.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gene Tierney, Walter Huston, Victor Mature, Ona Munson, Phyllis Brooks, Albert Bassermann
Voir la fiche du film et la filmographie de Josef von Sternberg sur le site IMDB.
Voir les autres films de Josef von Sternberg chroniqués sur ce blog…

Remarques :
The Shanghai Gesture* On peut se demander comment un film comme The Shanghai Gesture a pu passer le cap de censure. Avec toute cette dépravation exotique, l’érotisme sous-jacent, la drogue (certes non montrée), les femmes en cages vendues aux marins, le film aurait dû être refusé mille fois. D’ailleurs, avant le film de Sternberg, Will Hays et le Production Code auraient refusé pas moins de 30 projets d’adaptation de la pièce de John Colton !

* Les costumes de Gene Tierney ont été dessinés par Oleg Cassini, son mari depuis seulement quelques semaines, que l’actrice avait réussi à faire engager.

(1) La Chine a émis une protestation à l’époque. Un avertissement en début de film a été placé pour préciser que le film n’avait rien à voir avec la réalité… Mais en fait, c’est plutôt la société américaine qui est visée, la société de l’argent ; cela pourrait d’ailleurs expliquer le mauvais accueil du film aux Etats-Unis.
(2) Il faut toutefois tenir compte du fait que le film est sorti 15 jours après Pearl Harbour ; l’exotisme oriental ne faisait plus beaucoup rêver alors. Mais, encore aujourd’hui, le film semble moins plaire aux cinéphiles américains qu’européens.

The Shanghai GestureThe Shanghai GestureThe Shanghai Gesture


The Shanghai Gesture
The Shanghai Gesture
The Shanghai Gesture

15 février 2012

Les Aventures de Hadji (1954) de Don Weis

Titre original : « The adventures of Hajji Baba »

Les aventures de HadjiLe jeune barbier quitte l’échoppe de son père et part à l’aventure pour chercher merveille fortune. Il rencontre la princesse Fawzia en fuite pour aller épouser un prince belliqueux…
Les aventures de Hadji est un conte qui semble inspiré par contes des Mille et une nuits. L’histoire peut sembler très classique mais la qualité de réalisation tire ce film de la banalité. Que ce soit dans les couleurs, les costumes et les décors, beaucoup de soin a été apporté pour donner au film un film à l’ambiance assez prenante. L’ensemble est bien équilibré, sans dimension fantastique mais avec une pointe d’érotisme discret. Les aventures de Hadji est un film plaisant qui est passé inaperçu aux Etats-Unis. Cela aurait été aussi le cas en France s’il n’avait été porté aux nues par las mac-mahoniens (1). C’est le meilleur film de Don Weis qui a été ensuite réalisateur et producteur de séries TV.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Derek, Elaine Stewart, Thomas Gomez, Amanda Blake, Paul Picerni
Voir la fiche du film et la filmographie de Don Weis sur le site IMDB.

Remarque :
* La chanson Hajji Baba (musique et direction Dimitri Tiomkin, paroles Ned Washington, arrangement Nelson Riddle) est chantée par Nat ‘King’ Cole.

(1) Les « mac-mahoniens » étaient un groupe de cinéphiles fréquentant le cinéma Mac-Mahon dans le 17e à Paris dans les années 50. Grands admirateurs du cinéma américain, ils mettaient en avant la notion de mise en scène. Ils avaient quatre réalisateurs préférés, leur « carré d’as » : Joseph Losey, Raoul Walsh, Fritz Lang et Otto Preminger. En revanche, ils jugeaient des réalisateurs comme Eisenstein, Rossellini, Orson Welles ou même Hawks comme étant largement surcotés, ce qui engendrait de belles joutes verbales avec les gens des Cahiers du Cinéma (dont les bureaux n’étaient d’ailleurs pas très loin). Les mac-mahoniens étaient plutôt proches de Positif et surtout de Présence du Cinéma. Parmi les anciens mac-mahoniens (ou proches des mac-mahoniens) les plus connus, on peut citer Bertrand Tavernier, l’historien et scénariste Jacques Lourcelles et, bien entendu, l’historien-théoricien Michel Mourlet qui a signé l’article « Sur un art ignoré » en 1959, qui devint le manifeste de ce mouvement cinéphile.

The adventures of Hajji BabaJohn Derek et Elaine Stewart dans Les Aventures de Hadji (1954) de Don Weis