28 décembre 2007

Jeux dangereux (1942) d’ Ernst Lubitsch

Titre original : To be or not to be

Jeux dangereuxLui :
Comment un maître de la comédie peut-il traiter d’un sujet aussi grave que la guerre, une guerre dans laquelle le monde est plongé ? Ernst Lubitsch donne une réponse magistrale avec Jeux Dangereux, à la fois une comédie très drôle, un film au suspense quasiment insoutenable et un pamphlet contre la tyrannie et pour la liberté. To be or not to be, être ou ne pas être, nul titre ne serait plus approprié à ce film où l’on cherche à passer pour un autre mais c’est un jeu dangereux quand il s’agit de prendre la place d’un membre de la Gestapo dans le Varsovie occupé. Il y a de nombreux moments de pure comédie entremêlés dans une intrigue assez angoissante, où l’on frémit d’appréhension ; l’ensemble est dopé par un rythme qui ne laisse aucun répit, aucun temps mort pour souffler. C’est cet équilibre qui rend Jeux Dangereux vraiment remarquable et absolument unique.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Carole Lombard, Jack Benny, Robert Stack
Voir la fiche du film et la filmographie de Ernst Lubitsch sur le site IMDB.
Voir les autres films de Ernst Lubitsch chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Jeux dangereux* Si Jeux Dangereux est aujourd’hui reconnu comme un film assez marquant et l’un des meilleurs de Lubitsch, il fut plutôt mal compris à sa sortie, Lubitsch se voyant accusé de se moquer du sort terrible de la Pologne et de Varsovie.

* To be or not to be est le dernier film de la belle Carole Lombard. Celle qui fut l’épouse de William Powell puis de Clark Gable périra quelques mois plus tard, avant même la sortie du film, dans un accident d’avion lors d’une tournée pour vendre des War Bonds. La phrase « What can happen on a plane ? » (Que peut-il arriver dans un avion ?) qu’elle prononce au début du film fut supprimée au montage final. Elle figure toutefois dans les versions actuelles.

* Clin d’œil (à l’intention de ceux qui ont suivi avec ferveur une certaine série télévisée dans leur enfance) : To be or not to be est l’un des tous premiers rôles de Robert Stack, alias Eliot Ness.

Remake :
To be or not to be d’Alan Johnson (1983) avec Mel Brooks et sa femme, Anne Bancroft, remake plutôt réussi.

To be or not to be

11 décembre 2007

La Dame de Shanghai (1947) de Orson Welles

Titre original : « The Lady from Shanghai »

La Dame de Shanghai Elle :
(pas (re)vu)

Lui :
Même si l’on sait maintenant que le film fut en grande partie massacré par un montage effectué à la hussarde par la Columbia, La Dame de Shanghai reste un superbe film noir où la patte de Welles reste bien visible. Au-delà de la trame policière, c’est pour une fois d’une histoire d’amour qu’il traite, ou plus exactement une histoire d’attirances… Il y a beaucoup d’ambiguïté dans ce film et le fait que le cinéaste fut alors en pleine procédure de divorce avec Rita Hayworth n’y est certainement pas étranger. Il prend le contre-pied de son image : il lui coupe les cheveux, la teint en blonde et surtout la transforme en meurtrière machiavélique, la rendant même hideuse dans la scène finale (la filmant avec un grand-angle et en contre-plongée… alors qu’elle est à terre!) Orson Welles casse tout. Le mythe de Gilda et la femme qui fit fantasmer des milliers de G.I. sont bien loin. Est-ce pour cette raison que le jeu de Rita Hayworth est rigide et glacial pendant tout le film? Ou est-elle simplement sclérosée devant son génie de mari? Le wonder boy prend aussi le contre-pied de l’image classique du film noir puisque l’essentiel de La Dame de Shanghai se passe en plein soleil, à bord d’un luxueux yacht (pour la petite histoire, il s’agit du yacht personnel d’Errol Flynn qui a tenu à le piloter lui-même pendant le tournage). Son inventivité sur le placement des caméras reste toujours remarquable (étonnants plans sur les hauteurs d’Acapulco au bord du précipice), il utilise assez largement des plans très serrés et certaines de ses scènes ont été maintes et maintes fois copiées au cinéma : la scène de l’aquarium et, bien entendu, la célèbre scène finale dans la galerie des glaces. Le public n’aimant pas que l’on abîme ses icônes, La Dame de Shanghai fut un échec commercial, mettant à mal la carrière de Rita Hayworth et surtout, hélas, celle d’Orson Welles.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Rita Hayworth, Orson Welles, Everett Sloane, Glenn Anders
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Orson Welles chroniqués sur ce blog…

Note: Wong Kar-wai prépare actuellement le tournage d’un remake de The Lady from Shanghai initalement prévu pour sortir en 2009. La rumeur donne Nicole Kidman comme actrice principale. Il est tout de même assez étonnant qu’un cinéaste comme Wong Kar-wai fasse un tel remake, surtout que l’histoire en elle-même, un roman policier de Sherwood King, est somme toute assez banale. Le synopsis semble toutefois un peu différent puisqu’il y est question d’un espion.
[Mise à jour du 16/01/2012] Le projet de remake est constamment repoussé mais ne semble pas abandonné.

25 novembre 2007

La griffe du passé (1947) de Jacques Tourneur

Titre original : « Out of the Past »
Autre titre anglais (U.K.) : « Build my gallows high »
Autre titre français : « Pendez-moi haut et court »
Titre Belgique : « L’étreinte du passé »

La griffe du passéElle :
Beau film noir au scénario touffu et complexe. Mitchum excelle dans son rôle de privé au grand coeur et Kirk Douglas dans celui du salaud manipulateur.
Note : 5 étoiles

Lui :
La Griffe du Passé fait partie des meilleurs films noirs des années 40, très classique du genre. Truand, détective privé, femme fatale, double jeu et trahison… tous les ingrédients sont bien là et l’assemblage fonctionne à merveille. L’atmosphère globale est plutôt fataliste, sur le thème de l’homme rejoint par son passé. La griffe du passé D’ailleurs, Jacques Tourneur évite le happy-end. Mitchum, royal, domine le film et Kirk Douglas (alors jeune débutant) est remarquable. Jane Greer est un peu en deçà, comme écrasée par ces deux monstres. Quelques très beaux plans, notamment les deux scènes à l’intérieur de la voiture. Oui,  La Griffe du Passé (alias Pendez-moi haut et court) est assurément un superbe film noir, parmi les tous meilleurs.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Robert Mitchum, Jane Greer, Kirk Douglas, Rhonda Fleming
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Tourneur sur le site imdb.com.

La griffe du passéVoir les autres films de Jacques Tourneur chroniqués sur ce blog…

Remarque :
La griffe du passé est adapté d’un roman de Geoffrey Homes (pseudonyme de Daniel Mainwaring)  Build My Gallows High. Le film a d’ailleurs été distribué en Angleterre sous ce nom. Le premier titre français Pendez-moi haut et court est une traduction du titre du roman (gallows = potence).

Out of the Past a eu un remake : Contre toute attente (Against all odds) de Taylor Hackford (1984) avec Jeff Bridges et James Woods, globalement peu réussi… Détail amusant : Jane Greer y interprète la mère de son propre personnage dans la version originale.

24 novembre 2007

Angoisse (1944) de Jacques Tourneur

Titre original : Experiment perilous

AngoisseElle :
Très bon film dramatique qui à la fois aiguise la curiosité et éprouve les nerfs. Jacques Tourneur met habilement ses personnages en scène en dévoilant peu à peu les facettes cachées de leur personnalité :  le mari traumatisé par son enfance et jaloux de sa femme révèle progressivement son déséquilibre mental et ses manipulations machiavéliques.
Note : 5 étoiles

Lui :
Angoisse est un film assez méconnu de Jacques Tourneur (le fils de Maurice Tourneur) mais c’est une vraie petite perle. Il parvient à créer une formidable montée progressive de la tension qui n’est pas sans rappeler Hitchcock. Seul le dénouement est un peu plus faible. Globalement, le jeu des acteurs semble retenu tout au long du film mais Angoisse reste toutefois extrêmement prenant.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Hedy Lamarr, George Brent, Paul Lukas
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Tourneur sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Jacques Tourneur chroniqués sur ce blog…

30 octobre 2007

Le destin fabuleux de Désirée Clary (1941) de Sacha Guitry

Le destin fabuleux de Désirée ClaryElle :
Le destin fabuleux de Désirée Clary nous plonge dans les intrigues amoureuses de Napoléon. Celui-ci abandonne son premier amour Désirée Clary pour épouser Joséphine de Beauarnais. Désirée, humiliée et toujours amoureuse, elle rumine et prépare sa vengeance. Sacha Guitry traite l’Histoire à sa façon, n’hésitant pas à inventer des évènements. Cette comédie vaudevillesque a beau manquer de profondeur et de background historique, elle reste néanmoins plaisante à regarder.
Note : 4 étoiles

Lui :
Je n’ai pas bien accroché à cette histoire, tout surprenante qu’elle puisse être. Sacha Guitry traite l’Histoire comme un vaudeville et réduit ainsi considérablement la portée de son sujet. A noter : le générique en plein milieu du film, ce qui n’est pas banal.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Sacha Guitry, Gaby Morlay, Jean-Louis Barrault, Lise Delamare, Jean Périer
Voir la fiche du film et la filmographie de Sacha Guitry sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Sacha Guitry chroniqués sur ce blog…

27 octobre 2007

Le cargo maudit (1940) de Frank Borzage

Titre original : « Strange cargo »

Strange CargoElle :
(pas vu)

Lui :
Après La Lumière Verte, Frank Borzage centre une nouvelle fois un film, non pas sur l’amour et ses pouvoirs, mais sur une forte notion plus spirituelle. Il va cette fois beaucoup plus loin. Le Cargo Maudit suit le périple d’un petit groupe de bagnards qui tentent de s’échapper d’une île-prison en Guyane. L’un d’entre eux, que l’on pourrait appeler un ange pour simplifier (mais dans la scène finale, Cargo maudit Borzage laisse supposer qu’il est même bien plus que cela), va peu à peu les transformer : en chaque homme, le « bon » sommeille et ne demande qu’à être révélé. Clark Gable est bien entendu parfait dans le rôle de mauvais garçon endurci et indomptable ; il partage ici pour la huitième fois l’affiche avec Joan Crawford. Leur talent empreint de connivence n’est toutefois pas suffisant pour rendre le film vraiment convaincant ; peut-être, le sujet était-il un peu trop ambitieux. Le Cargo Maudit reste toutefois un film surprenant et donc intéressant.
Note : 3 eacute;toiles

Acteurs: Joan Crawford, Clark Gable, Ian Hunter, Peter Lorre
Voir la fiche du film et la filmographie de Frank Borzage sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Frank Borzage chroniqués sur ce blog…

26 août 2007

Convoi vers la Russie (1943) de Lloyd Bacon

Titre original : Action in the North Atlantic

Convoi vers la RussieElle :
Film de guerre assez classique valorisant le patriotisme, le courage des soldats américains pendant la 2ème guerre mondiale. C’est la guerre des nerfs entre les navires américains et les sous-marins allemands dans les eaux russes. Les effets spéciaux sur la flotte américaine sont assez crédibles. C’est un film assez mineur dans la filmographie d’Humphrey Bogart.
Note : 3 étoiles

Lui :
Comme beaucoup de films participant à l’effort de guerre, ce film met l’accent sur les qualités humaines des tous les hommes impliqués, du simple matelot sans instruction au commandant. Les scènes d’actions de combats maritimes sont toutefois bien mises en scène, même si quelques ficelles (pour traîner les maquettes) apparaîssent ici et là! Ce n’est pas un grand rôle pour Bogart.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Raymond Massey, Alan Hale, Julie Bishop
Voir la fiche du film et la filmographie de Lloyd Bacon sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Lloyd Bacon chroniqués sur ce blog…

23 août 2007

L’homme de Londres (1943) d’ Henri Decoin

L'homme de Londres Elle :
Film sombre dans les décors brumeux d’une gare maritime qui suit le parcours d’un brave père de famille râleur. Témoin d’un meurtre, il s’empare d’une valise pleine de billets par appât du gain et d’une vie meilleure. Cette valise va entraîner sa perte. En créant une atmosphère oppressante grâce à des jeux d’ombre et de lumière, Henri Decoin dépeint avec beaucoup d’émotion les tourments de l’âme qui agitent ce pauvre homme.
Note : 5 étoiles

Lui :
L'Homme de Londres Film noir français, fait sous l’occupation, cet Homme de Londres distille une atmosphère réaliste populaire et lourde. Le brouillard est épais, l’image est sombre, les plans sont assez audacieux. Le scénario pénètre ses personnages, décortiquant la (mauvaise) conscience de cet ouvrier au-dessus de tout soupçon. Un film assez réussi.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Fernand Ledoux , Suzy Prim, Jules Berry, Mony Dalmès
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Decoin sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Henri Decoin chroniqués sur ce blog…

Remakes :
Le port de la Tentation (Temptation harbour) de l’anglais Lance Comfort (1947) avec Robert Newton et Simone Simon
L’homme de Londres du hongrois Béla Tarr (2007)

18 août 2007

Ville haute, ville basse (1949) de Mervyn LeRoy

Titre original : East Side, West Side

Ville haute, Ville basse Elle :
Du beau monde dans ce drame de l’amour conjugal avec Ava Gardner, l’ensorceleuse, Barbara Stanwyck, la femme trompée, James Mason, le mari volage et sans parole et Cyd Charisse, une jeune femme éprise d’un écrivain d’âge mûr. Ce thème de l’adultère et du mariage est traité avec une certaine audace pour l’époque. Les amours se rencontrent, se croisent ou se frôlent. L’intensité dramatique croît progressivement; le scénario est bien dosé et construit. La mise en scène est somptueuse et les ambiances noir et blanc sont magiques. On passe un bon moment.
Note : 4 étoiles

Lui :
Ville haute, Ville basse Sous des apparences fortement empreintes de classicisme, Ville Haute, Ville Basse est un film à plusieurs facettes. De prime abord, l’entreprise peut paraître assez périlleuse : faire vibrer et compatir au sort d’une femme assez terne de l’East Side de New York (la ville haute) qui risque de se faire voler son mari par l’ardente Ava Gardner du West Side (la ville basse, qui n’est pas si basse que cela d’ailleurs) n’est pas une tâche facile. On peut voir là l’une des raisons du peu de succès que rencontra le film. En fait, le propos est certainement tout autre : il faut plutôt y voir une attaque en règle contre le mariage tant le seul couple officiel dans tout ces chassés-croisés paraît terne et éteint. Le scénario se déroule efficacement, assez riche dans ses évènements et allant même jusqu’à se terminer en enquête policière. Sans être un grand film, Ville Haute, Ville Basse fait partie de ces productions parfaitement réalisées et réellement convaincantes.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Barbara Stanwyck, James Mason, Ava Gardner, Van Heflin, Cyd Charisse
Voir la fiche du film et la filmographie de Mervyn LeRoy sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Mervyn LeRoy chroniqués sur ce blog…

26 juin 2007

L’enfer est à lui (1949) de Raoul Walsh

Titre original : « White Heat »

L'enfer est à luiElle :
Un film très noir d’une très grande intensité dramatique et conduit de manière magistrale. Un scénario complexe et touffu, un rythme haletant, un James Cagney halluciné et émouvant, un gang de malfrats sans aucun scrupule, des trahisons à n’en plus finir, des meurtres à glacer le sang et enfin une musique qui enveloppe l’ensemble d’une atmosphère sombre et inquiétante. Raoul Walsh se livre à une terrible peinture de la noirceur humaine dans laquelle le mal prend toujours le dessus quand il s’agit de sauver sa peau.
Note : 5 étoiles

Lui :
Avec L’enfer est à lui, Raoul Walsh renoue avec la grande tradition des films de gangsters des années 30 (la décennie 40 est plus celle des films de détective) : en regardant James Cagney interpréter ce truand psychopathe, il est effectivement difficile de ne pas penser à L’ennemi Public de William Wellman qu’il a tourné presque 20 ans plus tôt. Seulement, dans L’enfer est à lui, il va beaucoup plus loin dans le cynisme, la cruauté, la démence et aussi (et surtout) dans l’intensité de son interprétation. Il donne au film une puissance rare, lui-même formidablement porté par une réalisation sans faille et particulièrement efficace, ne laissant aucun temps mort, captivant le spectateur. Cette intensité atteint son paroxysme dans la scène finale, scène d’anthologie où Cagney finit au sommet d’un réservoir chimique dans une apothéose de folie.
Note : 5 étoiles

Acteurs: James Cagney, Virginia Mayo, Edmond O’Brien
Voir la fiche du film et la filmographie de Raoul Walsh sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Raoul Walsh chroniqués sur ce blog…

En plus de la scène finale, une autre scène célèbre est celle de la crise de Cody dans le réfectoire de la prison. Cette scène faillit ne pas être tournée pour cause de dépassement budgétaire et Walsh dut la tourner en une seule prise avec de multiples caméras. James Cagney y est éblouissant. Dans ses mémoires, Raoul Walsh qualifie même son jeu dans cette scène comme « probablement un des plus grands moments d’interprétation de tous les temps. »