Lui :
Alain Resnais retrace le parcours de Serge Alexandre Stavisky, escroc de l’entre-deux-guerres dont la mort, maquillée en suicide, créa un scandale aux profondes implications politiques (1). Le cinéaste désire surtout montrer comment cet homme, charmeur et enjôleur, avait su se créer des amitiés dans la classe politique dirigeante avant d’être lâché et exécuté (2). Au lieu d’adopter une structure narrative chronologique et continue, Alain Resnais éclate son récit en morceaux épars. Cette construction, très originale et particulièrement audacieuse dans une histoire complexe, s’adapte en réalité très bien à cette affaire aux multiples ramifications et implications : elle permet de nous délivrer de la nécessité de compréhension totale pour mieux nous nous concentrer sur les caractères. Par la même, son film s’écarte franchement du documentaire censé rapporter objectivement les faits. Il adopte une approche plus émotionnelle, s’intéressant à l’image que l’escroc donne de lui, images multiples et attirantes. Et Stavisky est aussi un spectacle : décors somptueux, personnage semi-irréel de la femme (Anny Duperey, superbe en élégante des années trente), il se dégage presque un certain lyrisme des superbes images d’Alain Resnais. Le film fut généralement assez mal reçu (3), souvent mal compris. C’est vraiment regrettable.
Note :
Acteurs: Jean-Paul Belmondo, François Périer, Anny Duperey, Charles Boyer, Michael Lonsdale, Roberto Bisacco, Claude Rich
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(1) Largement récupérée par l’extrême-droite, l’Affaire Stavisky provoqua un grand scandale en France en 1934. Des émeutes antiparlementaires éclatèrent. Camille Chautemps, Président du Conseil de la Troisième République, démissionna car son beau-frère, Procureur Général, était directement impliqué pour avoir protégé l’escroc. L’Affaire Stavisky provoqua également un fort regain d’antisémitisme puisqu’il était juif.
Notons qu’Alain Resnais introduit aussi par petites touches, sans le relier directement, l’autre évènement qui mit en effervescence l’opinion publique de l’époque, plutôt l’extrême gauche cette fois : l’exil de Trotski en France.
(2) « Ce qui nous intéressait, c’étaient les mécanismes d’une société qui commence par flatter, sous couvert de libéralisme, ce que l’on pourrait appeler le clown dans l’arène et qui, à partir du moment où ce dernier en fait trop, le supprime froidement. » (interview d’Alain Resnais et Jorge Semprún par Claude Beylie, Ecran 74 n°27)
(3) Beaucoup des critiques furent centrées sur le choix de Jean-Paul Belmondo et sur le fait qu’il ne colle pas vraiment avec l’époque des années trente…. C’est justement pour cela qu’il était un très bon choix : il apparaît ainsi totalement hors-normes, hors du commun, un personnage qui attire par un charisme qui ne lui fait jamais défaut. En outre, Belmondo a produit le film… A propos d’acteurs, il faut noter la présence du merveilleux Charles Boyer, ici dans l’un de ses tous derniers rôles.
L’affaire Stavisky a été précédemment mise en scène au cinéma par Michael Curtiz en 1937 : Stolen Holiday avec Kay Francis et Claude Rains.