Titre original : « A touch of evil »
Lui :
Le premier plan de La Soif du Mal est probablement le plan le plus spectaculaire que Welles ait jamais tourné : un plan séquence de trois minutes où l’on suit au milieu d’une ville une voiture que l’on sait devoir exploser incessamment ; la caméra monte à cinq mètres du sol pour revenir ensuite suivre un couple marchant sur le trottoir, la voiture semble nous échapper pour être rattrapée quelques secondes plus tard, l’on remonte comme pour passer les obstacles et venir s’inviter dans une discussion au poste frontière, tout cela sans une seule coupure. C’est superbe. Orson Welles pratique l’exagération jusque dans la virtuosité. La Soif du Mal est adapté d’un roman noir mais cette histoire n’est qu’un tremplin pour Welles qui s’attache surtout à créer une atmosphère poisseuse et kafkaïenne dans cette ville à la frontière mexicaine où il incarne avec maestria un flic-épave qui utilise des moyens peu orthodoxes pour combattre la pègre locale. L’usage de grands-angles qui déforment l’image, les jeux sur l’ombre et la lumière, les contrastes violents, tous les procédés classiques d’Orson Welles viennent accentuer encore ce sentiment d’étrangeté, d’immersion dans un monde à la dérive. On reproche parfois à La Soif du Mal cet excès de virtuosité mais force est de constater que le résultat est vraiment magistral.
Note :
Acteurs: Charlton Heston, Janet Leigh, Orson Welles, Akim Tamiroff, Marlene Dietrich, Dennis Weaver
Voir la fiche du film et la filmographie de Orson Welles sur le site imdb.com.
Voir les autres films de Orson Welles chroniqués sur ce blog…
Versions :
Universal a coupé quelques scènes à la sortie : la version commerciale faisait donc 95 minutes. En 1975, les studios ont réintégré tant bien que mal ces scènes pour former la version assez courante maintenant de 108 minutes, censée être plus proche de celle que voulait Welles. Il existe d’autres versions légèrement différentes.
A nouveau : envie instantanée de revoir ce film à vous lire. Grand souvenir. De beauté, et de malaise…
A propos du premier plan-séquence du film: célèbre et absolument superbe en effet.
On peut admirer le même genre de plan-séquence dans « l’homme au bras d’or » de Preminger (1955), juste après le très beau générique de Saul Brass: on est dans la rue au-dessus de la circulation, un autobus arrive, Frank Sinatra en sort, la caméra l’accompagne de près pour un long travelling sur le trottoir jusqu’à un bar.
J’ai pensé à ces 2 films en voyant Spectre, le tout-début du prégénérique : là, c’est 4 minutes de plan sans coupure, qui passe de la rue à plusieurs mètres de haut, qui accompagne Daniel Craig dans un ascenseur, dans des escaliers, dans une chambre d’hôtel, en équilibre sur une corniche au 4e étage… virtuose.