15 juin 2023

La Poupée (1968) de Wojciech Has

Titre original : « Lalka »

La Poupée (Lalka)Pologne, dans les années 1870. Ancien commis de brasserie en proie à de régulières humiliations, Stanislaw Wokulski finit par devenir un riche homme d’affaires. Toutefois, il demeure sensible aux inégalités sociales, aide des personnes dans la misère et rêve de réunification de son pays démantelé. Il est aussi très épris d’une de la fille d’un aristocrate ruiné, Izabella Lecka, et son désir le plus ardent est de l’épouser…
La Poupée est un film polonais réalisé par Wojciech Has. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de Bolesław Prus, publié sous forme de feuilleton entre 1887 et 1889. Wojciech Has est un réalisateur peu connu en France (1) et le film était inédit en France jusqu’à sa sortie en DVD en 2008 et en salles fin 2022. Ce fut pour moi une grande surprise de le découvrir car c’est un petit chef d’œuvre. L’histoire évoque les romans de Balzac avec des sentiments exacerbés par l’attrait de la richesse et une noblesse désargentée qui a conservé un fort sentiment de supériorité. Certaines allusions ou allégories nous échappent certainement, à moins de connaître parfaitement l’histoire de la Pologne du XIXe siècle (2) mais cela n’empêche en rien d’apprécier le film. La mise en scène de Wojciech Has est magistrale, avec un contraste très fort entre les décors surchargés et colorés de la noblesse et la misère monochromatique des rues où émergent quelques personnages formant des ilots de couleurs. Certaines scènes prennent une teinte irréelle, le cinéaste tentant de jeter une passerelle entre rêve et réalité. La photographie est belle et très travaillée. Superbe musique de Wojciech Kilar (3). D’une durée de 160 minutes, La Poupée est un grand film de créateur, doté d’une puissance peu commune.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mariusz Dmochowski, Beata Tyszkiewicz, Tadeusz Fijewski, Wieslaw Golas, Kalina Jedrusik, Jan Koecher
Voir la fiche du film et la filmographie de Wojciech Has sur le site IMDB.

Voir les autres films de Wojciech Has chroniqués sur ce blog…
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Remarque :
* L’actrice Beata Tyszkiewicz est elle-même descendante d’une famille de l’aristocratie polonaise. Au moment du tournage, elle était mariée avec le réalisateur Andrzej Wajda avec lequel elle a eu une fille.

La Poupée (Lalka)Mariusz Dmochowski et Beata Tyszkiewicz dans La Poupée (Lalka) de Wojciech Has.

(1) Wojciech Has (1925-2000) a signé une quinzaine de longs métrages entre 1957 et 1988, parmi lesquels Le Manuscrit trouvé à Saragosse (1965), La Poupée (1968), La Clepsydre (1973) et Les Tribulations de Balthazar Kober (1988).

(2) La Pologne XIXe siècle : Divisée entre les empires russe, allemand et austro-hongrois, la République des Deux Nations a cessé d’exister. Bien que la république ait disparu de la carte, des générations successives réclament sa reconstruction et bataillent contre les oppresseurs. Le XIXe siècle présente ainsi un enchaînement de soulèvements polonais : l’insurrection de Kościuszko de 1794, la participation aux guerres de Napoléon, l’insurrection de novembre de 1830, le soulèvement de Cracovie de 1846, et l’insurrection de Grande-Pologne de 1848, avec leurs lourds tributs en vies humaines. La guerre dont il est question dans le film (et pendant laquelle Wokulski a, dit-on, fait fortune) est celle déclarée par le général russe Karl Lambert fin 1861 qui se terminera par l’Insurrection de janvier 1863 contre l’Empire russe. Cette insurrection sera défaite et fortement réprimée par les russes qui accentueront leur emprise sur cette partie de la future Pologne. (Source Wikipédia

(3) Wojciech Kilar est un grand compositeur polonais de musique de films et de musique classique. IMDB le crédite de 168 films. Il sera Césarisé pour la musique du film Le Pianiste (2002) de Roman Polanski (César 2002 de la meilleure musique écrite pour un film).

La Poupée (Lalka)Mariusz Dmochowski et Beata Tyszkiewicz dans La Poupée (Lalka) de Wojciech Has.

Homonyme :
La Poupée de Ernst Lubitsch (1919)

5 réflexions sur « La Poupée (1968) de Wojciech Has »

  1. Merci de parler de Wojciech Has et de ce superbe film. J’aime beaucoup ce réalisateur. Entièrement d’accord avec cette chronique . Et j’ai trouvé l’actrice principale, Beata Tyszkiewicz, vraiment magnifique.
    A noter que la site de la cinémathèque polonaise (35mm.online) propose gratuitement (pour le moment jusqu’au 30 juin, mais les dates ont été régulièrement repoussées jusqu’à présent) une liste incroyable de films de toutes les époques. Et pratiquement tous les films de Has.
    A son sujet je recommande, outre les 4 films mentionnés ci-dessus dans la note (1), meme si je n’ai pas beaucoup aimé les Tribulations de Balthazar Kober :
    – le noeud coulant (1957), son premier film, où Has montre un vrai talent de réalisateur, et Gustaw Holoubek, l’acteur principal, est génial
    – Chambre commune (1960), film désenchanté et mélancolique sur un groupe de jeunes adultes
    – Adieu jeunesse (1961), amour éphémère entre une femme d’age mur et un jeune homme sur fond de lutte des classe. L’actrice Lidia Wysocka y est fabuleuse
    – Les chiffres (1966), film énigmatique sur la vérité et le mensonge, et sur un homme qui revient en Pologne à la recherche de son fils disparu
    – une histoire sans interet (1982), très beau film sur un professeur de médecine malade. Gustaw Holoubek est splendide dans le role du professeur, cynique, réaliste et mysanthrope et Hanna Mikuć est splendide aussi
    J’ai moins aimé Les adieux (1958) et Le journal intime d’un pecheur (1985).
    Et je n’ai pas vu 3 de ses films : L’or de mes reves (1962), L’art d’etre aimé (1963) et L’écrivain (1984)

  2. Merci pour votre commentaire et désolé pour le retard à l’affichage, le commentaire était en « modération » (je me demande bien pourquoi…)

    Je suis bien décidé à voir d’autres films de Wojciech Has. Seuls deux des titres m’étaient connus (Saragosse et Clepsydre) mais je ne suis même pas certain de les avoir vus. Merci en tous cas pour vos conseils.

  3. Merci et pas de souci.
    Quelques précisions sur le site de la cinémathèque polonaise 35mm.online.
    La date de fin de l’accès gratuit a été repoussée à fin Aout.
    Les films ne sont visibles qu’en vo et avec sous-titres en anglais.
    Beaucoup de films d’autres grands réalisateurs sont disponibles : Wajda, Munk, Kawalerowicz, Kieslowski, Skolimowski, Zanussi, Ford.
    Et j’ai découvert des réalisateurs moins connus : Morgenstern (merveilleux « Au revoir, à demain »), Jakubowska (son film « la dernière étape » est saisissant), Szulkin, Chmielewski, Rozewicz ou Krolikiewicz (son film « de part en part » est incroyable, formellement assez délirant, et sur un scénario de meurtre gratuit. On pense à un mélange de Shadows et des tueurs de la lune de miel)

  4. Oui, beaucoup de films intéressants. C’est impressionnant.
    Je suis heureux que la limite soit repoussée à fin août, je vais pouvoir en profiter…
    Merci !

  5. A noter un nouveau film de Has disponible sur la cinémathèque polonaise (35mm.online) : L’Art d’être aimée de 1963. Ne manque que L’Or de mes rêves de 1962.
    Donc en tout, 13 films et 4 courts métrages.
    Pour ce nouveau film, je l’ai trouvé un peu confus et les dialogues par moments trop ésotériques pour moi. Du coup il y a des longueurs. Mais il y a aussi de très belles séquences et puis aussi la superbe interprétation de Barbara Krafftówna

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