A Londres, au tout début du XXe siècle, le compositeur George Bone doit finir d’écrire un concerto. Il a des périodes d’absence, où il perd le contrôle de lui-même et ne se rappelle de rien ensuite… Avec Hangover Square, le réalisateur d’origine allemande John Brahm cherche à reproduire le succès de son précédent film The Lodger. L’histoire est librement adaptée d’un roman de Patrick Hamilton (1), que l’on peut voir comme une variation du thème de Dr Jekyll et Mr Hyde. Une fois de plus, John Brahm joue beaucoup avec la brume et la nuit pour créer une forte ambiance avec ici un autre élément qui prend une certaine place : le feu. C’est le dernier rôle de l’acteur Laird Cregar qui allait décéder peu de temps après la fin du tournage (2). Il fait une très belle interprétation. Hangover Square est assez intense, à mi-chemin entre le film noir et le film psychologique. Il fait partie des trois ou quatre très beaux films de John Brahm (3).
Elle: –
Lui :
Acteurs: Laird Cregar, Linda Darnell, George Sanders, Faye Marlowe
Voir la fiche du film et la filmographie de John Brahm sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Brahm chroniqués sur ce blog…
Remarques :
(1) Les romans de Patrick Hamilton ont également inspiré Hantise de George Cukor et La Corde de Hitchcock.
(2) Laird Cregar était un acteur de forte corpulence. Désireux de changer complètement, il fit une cure d’amaigrissement drastique, passant de 150 à 100 kgs en peu de temps. Son corps ne résista pas. Après une opération chirurgicale de l’estomac, il est mort d’une crise cardiaque à l’âge de 31 ans, avant même la sortie de Hangover Square.
(3) The Lodger (1944), Hangover Square (1945), The Locket (1946), auxquels on peut ajouter The Brasher Doubloon (1947).
17 sur 20
Ce « Hangover square » n’aurait pas démérité dans la filmographie américaine d’un Hitchcock ou d’un Fritz Lang et relève celle plus modeste de John Brahm.
Grace d’abord à la présence du génial Laird Cregar, montagne de sensibilité . On sait dés les premières images qu’il est un assassin pas très net mais la finesse et l’humanité du jeu de l’acteur nous font nous identifier à son personnage , souhaiter qu’il s’en sorte , compatir à sa tragique existence.
Saluons aussi la mise en scène de John Brahm. Une éblouissante scène d’ouverture : la camera passe d’une rue populeuse à la boutique en étage d’un usurier avec meurtre , gros plan de visage bouleversé et première apparition du feu , élément clé de la personnalité de Laird Cregar et qui deviendra le leit-motiv visuel de tout le film . Admirons aussi les 15 dernières minutes , le concert , une caméra aérienne zigzaguant d’un musicien à l’autre en suivant le concerto de Bernard Herrmann, Cregar se surpassant en pianiste psychopathe rattrapé par ses démons , et toujours le feu qui envahit l’écran.
Tout çà dans une remarquable reconstitution de la société victorienne du début du vingtième siècle. Peu de décors : un quartier chic habité par d’élégants membres de la bourgeoisie , un beuglant dans lequel se bousculent de gouailleurs picoleurs de bière, des rues populaires traversés par peuple besogneux et gamins dépenaillés. Cette ambiance, couleur et giclées écarlates en moins, annonce les grandes heures de la Hammer et du cinéma anglais d’épouvante des sixties . Ne manquent dans les rues brumeuses que les silhouettes de Holmes et Watson ( Basil Rathbone et Nigel Bruce sont retenus dans un autre studio ! ) , même si on a un émule du Docteur Freud pour mener l’enquête , avec un George Sanders un peu effacé mais c’est pas facile de s’imposer face à Laird Cregar.
John Brahm continuera sa carrière avec plus ou moins de bonheur dans la série B pour enchainer et finir dans la réalisation de feuilletons pour la télé. Au milieu de séries routinières style Bonanza ou westerns familiaux , le bonhomme a quand même participé à des séries moins ordinaires comme Alfred Hitchcock présente, la quatrième dimension, au-delà du réel, des agents très spéciaux…Espérons un jour voir resurgir une sélection de ces productions , il y a sans aucun doute d’agréables surprises.