Titre original : « The postman always rings twice »
En chemin vers l’Ouest, Frank Chambers s’arrête dans un café-station service. Il accepte de faire embaucher comme mécanicien après avoir vu Cora, la jolie femme du patron… Lorsque Tay Garnett a tourné Le facteur sonne toujours deux fois en 1946, il dut user de beaucoup de subtilité pour éviter le couperet de la censure. Ce n’est bien entendu plus le cas en 1981 et Bob Rafelson peut librement exprimer toute la sexualité animale du roman de James Cain, replacé ici dans son époque d’origine, la Grande Dépression. Rafelson fait appel à un auteur dramatique, David Mamet, dont c’est ici le premier scénario. Ils gomment la narration au maximum : rien n’est expliqué, on saute d’une scène à l’autre sans transition, à tel point que le film doit être délicat à comprendre pour le spectateur qui ne connait pas l’histoire à l’avance. En revanche, ils montrent beaucoup, souvent assez crûment. Le film est d’ailleurs surtout célèbre par sa scène de la cuisine, scène qui commence comme un viol et qui finit en étreinte torride. Comme on peut le pressentir en voyant l’affiche, nous sommes bien loin de la subtilité et de la suggestion de la version de Tay Garnett. Certains commentateurs ont souligné le réalisme social du film mais, sur ce point, la version de Rafelson paraît bien en deçà de la version de Visconti.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Jack Nicholson, Jessica Lange, John Colicos
Voir la fiche du film et la filmographie de Bob Rafelson sur le site IMDB.
Voir les autres films de Bob Rafelson chroniqués sur ce blog…
Le roman de James Cain a été porté 4 fois à l’écran :
Le dernier tournant de Pierre Chenal (1939) avce Michel Simon et Fernand Gravey
Ossessione (Les amants diaboliques) de Visconti en 1943.
The postman always ring twice (Le facteur sonne toujours deux fois) célèbre film noir de Tay Garnett (1946) avec le couple Lana Turner / John Garfield,
The postman always ring twice (Le facteur sonne toujours deux fois) de Bob Rafelson en 1981 avec Jessica Lange et Jack Nicholson.
En outre, Chair de Poule de Julien Duvivier (1963) avec Robert Hossein et Catherine Rouvel présente de grandes analogies avec le roman de James Cain.
Je ne suis donc pas la seule a avoir ete decue par ce film culte, c’est rassurant ! Vous m’avez par contre donner envie de voir les versions de 1943 et 1946.
Oui oui, il faut voir les versions de Tay Garnett et de Visconti…
Elles sont toutes deux dans un registre très différent (la première dans le genre film noir américain des années 40 et la seconde dans un registre plus « réalisme social ») mais ce sont deux très beaux films.
Entièrement d’accord avec ce qui est dit ici sur les quatre adaptations de ce roman. Je trouve aussi que celle de Rafelson est la plus faible. A mon sens, surtout parce qu’elle souffre de ce que j’estime être une maladie chronique du cinéma, qui empire régulièrement depuis l’âge d’or du muet: de plus en plus, les réalisateurs « montrent » plutôt que « suggèrent ». Résultat: les œuvres sont de plus en plus de purs spectacles s’adressant de moins en moins à l’imagination du spectateur, réduit à l’état de consommateur de produit préemballé…
La pression de la censure et les interdits moraux de la société en général, ont contraint ces quatre réalisateurs successifs à exprimer l’érotisme puissant du roman de Cain en contournant ces freins, chacun à sa manière, selon les codes de son époque, sauf justement le quatrième, qui avait les coudées franches. Oserait-on dès lors poser la question: des interdits moraux puissants dans une société, favorisent-ils une création artistique de plus grande qualité ? Pour autant bien sûr qu’on estime important que le spectateur prenne une part active à la réception d’une œuvre…
Je dirais que l’évolution du cinéma suit l’évolution de la société. Si le cinéma aujourd’hui « montre » plutôt que « suggère », c’est parce que notre société valorise le style direct, considéré comme synonyme de franchise, et casse les tabous. La subtilité est presque suspecte.
Il est sans doute délicat de dire que les codes moraux puissants favorise la création artistique… je parlerais plutôt d’incidence, de conséquence. Et on retombe rapidement sur la question plus philosophique : une société a-t-elle besoin de codes moraux puissants pour se développer? Hum…
A défaut de pouvoir espérer répondre à cette question, on peut regretter la subtilité du cinéma d’avant… disons 1960 ou 70. J’avoue être souvent dans ce cas. 😉 Comme vous le soulignez, la comparaison des versions de Tay Garnett et de Rafelson illustre bien cette « évolution ».
Merci d’avoir pris le temps de réagir à ma question, qui était bien sûr provocante!
Ce que je trouve positif, c’est qu’actuellement il existe quand même des réalisateurs qui créent avec subtilité comme vous dites, sans y être forcés par l’épée de Damoclès d’un code Hays ou d’autres contraintes totalitaires. Ceci dans nos démocraties, bien sûr…
Quant au développement philosophique que vous évoquez, il mériterait plus qu’un billet de blog!