30 décembre 2011

La poursuite infernale (1946) de John Ford

Titre original : « My darling Clementine »

La poursuite infernaleAlors qu’ils convoient du bétail vers l’ouest, Wyatt Earp et ses trois frères arrivent à proximité de la bourgade de Tombstone. Le plus jeune frère est tué et le bétail volé. Earp décide de rester sur place pour traquer les assassins de son frère… My Darling Clementine est le troisième western parlant de John Ford qui, à partir de 1939, relance le genre en lui donnant une nouvelle noblesse. Inspiré du personnage historique de Wyatt Earp et du légendaire épisode de la fusillade à OK Corral, le film nous plonge dans une époque où la Loi parvient peu à peu à s’imposer : deux familles s’opposent, deux mentalités. L’une qui s’impose par la force et tue tous ceux qui se mettent en travers de leur chemin, l’autre qui installe l’ordre pour le respect de tous. Le personnage de Doc Holliday est entre les deux, oscillant de l’un à l’autre, comme le résultat d’une mauvaise mutation. La jeune Clementine incarne le renouveau, ce nouveau visage de l’Ouest (et on mesure là combien la traduction du titre My Darling Clementine en La poursuite infernale occulte le sens profond du film). John Ford a trouvé l’interprète idéal pour incarner Wyatt Earp : Henri Fonda lui donne une prestance, une solennité, une noblesse qui se transmet au film dans son ensemble. De son côté, Victor Mature donne au personnage de Doc Holliday toute sa complexité. Assisté de Joseph MacDonald, son directeur de la photographie, John Ford nous livre des images de toute beauté, les plans sont parfaits, toujours magnifiques que ce soit en extérieur ou dans un saloon enfumé avec toujours cette évidence, cette simplicité, cet absence d’artifice qui caractérise son cinéma. My Darling Clementine est un film parfait.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Linda Darnell, Victor Mature, Cathy Downs, Walter Brennan, Tim Ward Bond
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Le titre du film reprend le titre d’une chanson traditionnelle américaine Oh my darling, Clementine, créée à la fin du XIXe siècle et dont l’air illustre le générique.

La Poursuite infernaleHenri Fonda dans La Poursuite infernale de John Ford.

My darling ClementineSuperbe plan final : Cathy Downs dans La Poursuite infernale de John Ford.

Autres films centrés sur le personnage de Wyatt Earp :
Law and Order (1932) de Edward L. Cahn avec Walter Huston
Frontier Marshal (1934) de Lewis Seiler avec George O’Brien
Frontier Marshal (1939) d’Allan Dwan avec Randolph Scott
Tombstone: The Town Too Tough to Die (1942) de William C. McGann avec Richard Dix
Un jeu risqué (Wichita, 1955) de Jacques Tourneur avec Joel McCrea
Règlement de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the O.K. Corral, 1957) De John Sturges avec Burt Lancaster et Kirk Douglas
Sept secondes en enfer (Hour of the Gun, 1967) de John Sturges avec James Garner
Doc Holliday (1971) de Frank Perry avec Stacy Keach
Tombstone (1993) de George Cosmatos avec Kurt Russell
Wyatt Earp (1994) de Lawrence Kasdan avec Kevin Costner

11 réflexions sur « La poursuite infernale (1946) de John Ford »

  1. La version de ce film connue aujourd’hui est un peu différente de celle voulue par John Ford. A l’origine, la fin était autre : en quittant Cathy Downs (Clementine), Henry Fonda (Wyatt Earp) lui serre la main, ce qui dans l’esprit de Ford donnait un sens plus fort à leur amour que ne l’aurait fait une image plus attendue. Les producteurs exigèrent une fin plus conventionnelle où les amoureux s’embrassent avant de se quitter. Une autre différence, du côté de la musique celle-là : à l’arrivée de Clementine à Tombstone, la mélodie « My Darling Clementine » était jouée à l’harmonica. La Twentieth Century Fox la remplaça, contre l’avis du metteur en scène, par une orchestration jugée plus romantique. De plus, des coupes ça et là ont écourté le film de près de 10 minutes.

  2. @Roegiest : Merci bien pour ces précisions. Je savais pour la fin mais pas pour la musique.

    La fin de John Ford aurait été certainement plus forte mais ce n’est pas trop dramatique car il nous reste cette image fantastique où elle le regarde partir (voir photo ci-dessus, je trouve que c’est l’un des plus beaux plans de fin de toute l’histoire du cinéma… Et ce n’est pas du trafiqué… maintenant on dirait : « moui, ils ont rajouté les nuages en post-prod » mais là c’est de l’authentique, John Ford avait le talent d’être capable de faire des images si parfaitement composées).
    Ce qui aurait été dramatique, c’est que les producteurs le forcent à laisser Wyatt Earp sur place… Ils en sont capables, ils ont fait bien pire. 😉

  3. Les deux photogrammes que vous avez choisis pour illustrer votre propos témoignent, mieux que tout commentaire, du génie visuel de John Ford. Le règlement de comptes à OK Corral sur lequel se termine le film est une séquence à montrer et à décortiquer dans tous les cours de cinéma. Découpage, composition, éclairage… Un sommet.

  4. … et pas seulement dans les cours de cinéma. Dans les cours de photo aussi, car l’un des talents exceptionnels de John Ford, c’est son sens de la composition. A mes yeux, il y a comme une certaine « évidence » dans ses images, on se dit toujours qu’il a trouvé l’emplacement idéal pour poser sa caméra, 2 mètres à droite ou à gauche auraient été moins bien… Savoir où se placer est un grand talent que l’on ne retrouve que chez les grands photographes.

    Cela me rappelle une histoire racontée par James Stewart, je crois que c’est dans le documentaire sur John Ford tourné par Bogdanovitch :
    Alors qu’ils avaient une scène à tourner au bord d’une rivière (probablement cette fameuse scène Stewart/Widmark dans « Les Cavaliers », « Two Rode Together »), toute l’équipe se retrouve sur la rive sans savoir quoi faire, ni où mettre la caméra.
    Soudain, sans rien dire, John Ford entre dans la rivière et se dirige vers la rive opposée. Tout le monde se regarde et se demande : Qu’est ce qu’on fait ? Est-ce qu’on doit le suivre ? Faut-il traverser ?
    Après quelques mètres, alors qu’il a de l’eau jusqu’à la taille, Ford se retourne vers le caméraman resté sur la rive et dit en pointant son index vers le bas : « Ici! ».

  5. J’ignorais cette anecdote, qui confirme ce que j’avais pu lire ici ou là sur les talents de Ford en matière de composition, cadrage, etc. Henry Fonda allait même jusqu’à prétendre que John Ford pouvait en remontrer à n’importe quel directeur de la photo sur des questions purement techniques. Et Dieu sait que les chefs opérateurs dont il s’entourait le plus souvent étaient des as dans leur partie (Greg Toland, Joe McDonald, Winton C. Hoch, William Clothier…). Merci pour ces précisions.

  6. Le shérif mélancolique au barman interloqué:
    – As tu déjà été amoureux Mac?
    – Non. J’ai toujours été barman

    Le film ne manque pas d’humour fordien. Patricia Mazuy venue présenter la séance de la cinémathèque commença par affirmer que Ford était Dieu avant d’entreprendre le public sur la fin du film; celui ci se mit à gronder et réclama l’envoi de la projection sans plus tarder comme dans un dialogue de saloon, ce qui fut fait avec le générique à l’écran. Mes souvenirs des westerns de Ford datent de leurs programmations sur l’unique chaine N&B de télé. La projection sur grand écran modifia immédiatement ces lointaines perceptions. D’abord la révélation d’un Ford sans doute très épris de peinture et de photographie, cela transpire dans chaque plan, le cadre, les jeux d’ombre expressionnistes, la profondeur de champ, le noir et blanc hyper contrasté, extérieurs comme intérieurs…Ensuite celle d’un Ford peu attaché à toute exactitude ou vraisemblance historique (ici les personnages des frères Earp, de Doc Holliday et du clan ennemi ainsi que les lieux et faits) pour se concentrer sans une once de graisse – pas un plan de trop dans le récit – sur l’humain, notamment les tourments du quatuor principal : Wyatt Earp idéalement incarné par Henri Fonda peu à peu amoureux de Clémentine venue revoir et rechercher Doc Holliday aussi idéalement incarné par Victor Mature qui se fout de Chihuaha qui l’aime, quoi que ce ne soit pas aussi simple que ça en a l’air à première vue, comme dans toute équation racinienne. Et c’est ce pas si simple qui fait la réussite du film (comme de beaucoup d’autres de Ford). On pourrait presque dire que c »est un film de dialogues, et à ce titre l’épisode avec l’acteur shakespearien s’oubliant dans le monologue « Etre ou ne pas être » est bien révélateur. Il y a bien quand même pendant deux à trois minutes une poursuite infernale dotée d’un magnifique travelling très tard dans le récit. Et pour finir nous avons eu la version finale sans le baiser ni la musique mais avec la poignée de mains, c’était très beau

  7. A la liste que vous avez eu la bonne idée d’établir relativement aux films centrés sur le personnage de Wyatt Earp, on pourrait ajouter « Un jeu risqué » (« Wichita », 1955) de Jacques Tourneur. Wyatt Earp a cette fois le visage de Joel McCrea.

  8. Chère Elle, cher Lui, chers commentateurs, ce n’est pas le personnage de Chihuahua (joué par Linda Darnell) sur la photo du plan final, mais le personnage de Clementine Carter, interprété par Cathy Downs. Peut-être une hallucination collective …

    Cordialement.

    Lionel F.

  9. Bigre ! Je n’ai rajouté cette grande photo que récemment pour donner un peu plus d’allure à ce billet (car le film le mérite) et je n’ai pas fait assez attention.
    Oui, c’est Clementine…
    Merci de me l’avoir signalé.

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