Titre original : « The 39 Steps »
En allant assister à une représentation de music-hall, un homme se retrouve impliqué dans une histoire d’espionnage. Il a à ses trousses une mystérieuse organisation et aussi la police qui le croit coupable d’un meurtre… Fort du succès de L’homme qui en savait trop (la version de 1934), Alfred Hitchcock obtient plus de liberté et plus de budget pour tourner Les 39 marches, librement adapté d’un livre de John Buchan. Il déroule son histoire avec un découpage très rythmé, le héros passant avec grande rapidité d’une situation à une autre, chacune semblant la dernière pour lui. La tension qui s’installe très rapidement ne retombe jamais, tout au plus est-elle soulagée par de petites notes d’humour. Hitchcock montre beaucoup de maitrise et il a des traits de génie comme cette transition/fusion entre le cri de la concierge qui trouve le cadavre et le sifflet du train qui emporte le fugitif. Robert Donat trouve le ton parfait pour interpréter ce héros simple, à l’attitude empreinte de flegme dans un style éminemment britannique. Très belle fin, un surprenant exemple de conscience professionnelle! Malgré des moyens limités, Les 39 marches a beaucoup de charme ; il fait partie des meilleurs films d’Alfred Hitchcock.
Elle:
Lui :
Acteurs: Robert Donat, Madeleine Carroll, Lucie Mannheim, Godfrey Tearle, Peggy Ashcroft, John Laurie, Frank Cellier
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* Tout le film a été tourné en studio, au Lime Grove Studio à Londres. La campagne écossaise y était si bien recréée que les moutons introduits dans une scène se crurent en pleine nature et commencèrent à brouter tranquillement. Hitchcock dut tourner rapidement avant qu’ils n’avalent la moitié du décor !
* L’auteur du livre, John Buchan, occupait alors la fonction de British Governor General of Canada, il siégeait au Parlement Britannique.
* Dans ses entretiens avec François Truffaut, Hitchcock raconte que, ce qui lui avait plu dans le livre de John Buchan, c’est l’understatement, comportement qu’il qualifie de « très britannique » (le mot n’a pas vraiment d’équivalent en français, l’understatement c’est l’amoindrissement des faits, raconter d’un ton léger des évènements graves).
Remakes :
Les 39 marches (The 39 steps) de l’anglais Ralph Thomas (1959) avec Kenneth Moore
Les 39 marches (The 39 steps) de l’anglais Don Sharp (1978) avec Robert Powell
Avec une scéne pour moi sans doute la plus érotique du cinéma: quand l’héroïne trempée jusqu’aux os, menottée au héros, retire ses bas pour les faire sécher ;la main de ce dernier ne peut que suivre le mouvement…
« l’understatement n’a pas d’équivalent en français »?
Bien sûr que si.
La litote.
Mmmh… Oui, mais la « litote » est une figure de langage alors que « l’understatement » est aussi un comportement, un trait de caractère. En français, on ne va pas dire de quelqu’un que « tout son comportement est régi par la litote » par exemple.
De mon point de vue, il y a dans ce film bien plus que « de petites notes d’humour ». Tout le dernier tiers (incluant la scène évoquée par ds à 14:52) est franchement léger, piquant, drôle.
Il en est de même du personnage principal, qui a bien plus que le « flegme » britannique : il a la même vivacité des réparties, le même humour sur lui-même (l’humour, quoi !) que l’on retrouve dans les pièces légères de Shakespeare ou d’Oscar Wilde.
La grande maîtrise d’Hitchcock éclate dans ce glissement progressif (et sans rupture ni du récit ni du rythme) d’un film policier et d’aventure (avec la tension hitchcockienne de rigueur) à une comédie de mœurs où les deux héros s’insultent brillamment dans des dialogues vifs pour mieux tomber amoureux.
Et cette maîtrise atteint son summum dans la fameuse scène d’allusion érotique, particulièrement audacieuse — et parfaitement intégrée dans le récit sans que ça fasse retomber le suspense.
Un film d’une qualité rare, qui est presque une synthèse de tous les styles cinématographiques, de l’angoisse à l’humour, de l’aventure au badinage.
Merci pour votre commentaire. Vous avez raison de souligner l’humour dans les dialogues mais en même temps il faut noter la sobriété de ceux-ci. N’importe quel film américain de la même époque est dix fois plus verbeux. Hitchcock a raconté avoir écrit ce film comme un film muet et ajouté les dialogues ensuite. Cela n’empêche pas les dialogues d’être parfois vifs comme vous le dites, preuve que ce n’est la quantité qui compte…
Une scène que je trouve remarquable au niveau de l’humour est celle du discours politique car elle mélange avec habileté l’humour et une forte tension (car on sait qu’il va se faire reprendre).
En effet, la scène du discours est très drôle — et c’est d’ailleurs là que le film bascule de la tension et du drame vers la vivacité et l’humour (avec, certes, toujours une tension, mais d’une nature nouvelle, plus ambigüe). Et il est vrai qu’en cette occasion, le héros est particulièrement « flegmatique », avec un mélange de causticité, de fatalisme (ou plutôt de réalisme) et de volonté de se battre jusqu’au bout malgré tout.
Excellent ! Dommage que l’on n’ait pas de liens vers le film qui est dans le domaine public!
En voilà un bon:
[NDLR : lien enlevé car le film n’est pas dans le domaine public selon Wikipedia : « The rights to the film are currently owned by ITV Studios, while the film is distributed in North America by Metro-Goldwyn-Mayer. »
D’ailleurs, le site que vous indiquez me semble comporter plusieurs copies illégales : je serais très étonné que la dernière restauration de Metropolis par la Fondation Murnau soit dans le domaine public. Il est possible que la version non restaurée soit dans le domaine public mais certainement pas celle-ci. Les restaurations coutent cher. Si tout le monde pirate les films restaurés, plus personne ne se risquera à restaurer des films. ]