Titre original : « Seven chances »
Lui :
Le jeune Jimmie Shannon apprend qu’il hérite d’une somme rondelette à la condition qu’il soit marié avant le soir de ses 27 ans, en l’occurence le jour même. Il ne lui reste donc que quelques heures pour trouver une femme qui accepte de l’épouser. La première partie de Fiancées en Folie est amusante mais sans être vraiment marquante ; la seconde partie, en revanche, est du meilleur Keaton, mêlant démesure et périlleuses acrobaties. Le film est célèbre pour l’image de la horde de femmes en robe de mariée lancées à la poursuite de Buster Keaton. L’acteur/réalisateur va encore plus loin dans l’impression de masse humaine que dans Cops, son court métrage de 1922 où il était poursuivi par des centaines de policiers. Alors que les mariées occupent déjà tout l’écran et que l’on est abasourdi par la quantité, une vague supplémentaire entre par un côté de l’écran, puis une autre, c’est un raz de marée qui dévaste tout sur son passage! Il s’ensuit une folle course-poursuite où Keaton montre une fois de plus ses talents acrobatiques et ses capacités sportives, car il court vite ! Une autre scène célèbre (et impressionnante) est celle où il dévale une pente poursuivi par d’énormes rochers. Pendant longtemps, Fiancées en Folies a été considéré parmi les films plus mineurs de Keaton. Il a été vraiment redécouvert dans les années soixante.
Note :
Acteurs: Buster Keaton, T. Roy Barnes, Snitz Edwards, Ruth Dwyer
Voir la fiche du film et la filmographie de Buster Keaton sur le site IMDB.
Voir les autres films de Buster Keaton chroniqués sur ce blog…
Remarques :
1. La scène des rochers n’était pas prévue. Keaton l’a rajoutée après avoir vu la réaction d’un public de test à un premier montage. Les rochers ont beau être en papier-maché, Keaton eut tout de même des marques sur tout le corps pendant plusieurs mois car, comme on le voit à l’écran, il ne parvient pas toujours à les éviter.
2. Dans la scène où il s’abrite sous un rocher pour laisser passer les autres rochers au dessus de lui, on le voit à un moment faire un signe de la main sur son cœur pour montrer qu’il a eu peur. C’est étonnant de sa part, lui qui fait toujours attention à ne montrer aucune émotion. Il a du vraiment avoir peur.
3. Fiancées en folie comportait une scène en Technicolor bichrome au tout début (2 minutes env.) Le procédé utilisé était d’avoir deux négatifs superposés, l’un en vert, l’autre en rouge. Il nous est possible de voir ce passage en couleurs depuis peu, sur les versions DVD notamment. Hélas, le vert a presque totalement disparu et il est difficile d’imaginer ce que cela pouvait donner à l’époque.
4. La standardiste du Country Club est la toute jeune Jean Arthur. Celle qui allait devenir une star faisait alors ses débuts dans des tous petits rôles. La femme en voiture à laquelle Keaton tente de faire une déclaration en roulant à côté d’elle est Constance Talmadge (très grande star du muet et belle-soeur de Keaton).
5. La scène ou Keaton suit une jeune femme et s’enfuit quand elle se retourne car il voit qu’elle est noire peut nous choquer aujourd’hui par son côté raciste mais il faut garder à l’esprit qu’il n’aurait pas pu l’épouser de toutes façons : le mariage inter-racial était alors illégal (ce n’est qu’en 1948 que les lois ségrégationnistes seront abrogées).
Buster Keaton doit être vu et revu, surtout par temps de crise ! C’est un régal que d’y revenir toujours. Je ne connaissais pas les passages en couleur, merci de nous les signaler.
Comme votre commentaire le souligne, Keaton jouait de son corps comme personne d’autre, mais aussi comme si son corps ne lui appartenait plus.
Concernant votre remarque sur le technicolor bichrome: on peut se rendre compte assez bien de l’effet que pouvait avoir cette technique, assez vite abandonnée dans les années 30 au profit du trichrome: Michael Curtiz a tourné 2 films d’horreur complets en bichrome, « Doctor X » et « masques de cire » (1932 et 1933), cela ressemble assez au début des « fiancées ». En fait, il y avait un bleu-vert et un rouge-sanguine, avec un jaunâtre entre deux; ça devait impressionner à l’époque. Perso j’aime assez cet effet rétro, quelque part entre le noir-blanc et la couleur parfaite actuelle.
Concernant votre autre remarque sur la femme noire: presque la même situation se retrouve dans « cadet d’eau douce »(1928), quand le père de Buster le cherche sur le quai de gare. Actuellement ces « gags » sont impensables, heureusement; mais à l’époque c’était juste normal! Aussi chez Hitchcock, il y a des scènes pas tristes, par exemple dans « le ring »(1927), l’attraction foraine consistant à humilier un Noir en lui jetant des projectiles pour le faire tomber… ou les musiciens de jazz, blancs, grimés en Noirs dans « jeune et innocent » (1937), ça vaut le détour. Qualifier Keaton ou Hitchcock de racistes, ça n’a juste pas de sens, lisons ou regardons les œuvres à l’aune de la morale de leur époque. Et dire que certains auraient voulu faire interdire « Tintin au Congo »! Au fait: quelqu’un oserait-t-il réaliser « la cage aux folles » aujourd’hui? Je tremble en imaginant ce que la bienséance pourrait diaboliser à l’avenir…