20 novembre 2010

Malec l’insaisissable (1921) de Buster Keaton et Malcolm St. Clair

Titre original : « The Goat »

Malec l'insaisissableLui :
(Muet 22 minutes) Dans The Goat, Buster Keaton est pris par erreur pour un criminel recherché par la police, ce qui nous vaut des poursuites avec de belles trouvailles de gags. Malcolm St Clair avait été précédemment scénariste puis réalisateur chez Mack Sennett. Une scène incroyable (et qui évoque le futur Mécano de la General) : un train fonce sur la caméra pour s’arrêter juste devant elle et l’on s’aperçoit alors que Buster Keaton est assis sur le devant de la locomotive. Le film est en outre émaillé de nombreux gags, mon préféré étant celui de la cabine téléphonique qui sert de faux ascenseur. Longtemps mal connu, The Goat se classe sans aucun doute parmi les meilleurs courts métrages de Buster Keaton.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Buster Keaton, Virginia Fox, Joe Roberts
Voir la fiche du film et la filmographie de Buster Keaton et Malcolm St. Clair sur le site IMDB.
Voir les autres films de Buster Keaton chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Virginia Fox est la fille de William Fox, fondateur de la Fox Film Corp. Elle deviendra, trois ans plus tard, Madame Darryl Zanuck.
Malcolm St Clair apparaît dans le film : c’est le vrai truand (assis sur la chaise pour se faire photographier). Egalement, l’un des policiers (celui qui est près du poteau de téléphone) est Edward F. Cline, co-réalisateur de nombreux courts avec Keaton.

8 novembre 2010

Octobre (1928) de Sergueï Eisenstein

Titre original : « Oktyabr »

OctobreLui :
(Film muet) Octobre, le troisième film de Sergueï Eisenstein, a été tourné au pas de charge : pour être prêt pour le jour du 10e anniversaire de la Révolution de 1917, il lui a fallu tourner en 6 mois ce qui aurait dû en nécessiter 18. Il eut cependant tous les moyens pour honorer cette commande du gouvernement soviétique : 11000 figurants, le Palais d’Hiver pour lui seul et Leningrad fut même plongé dans le noir certains jours afin qu’il puisse avoir toute l’électricité pour ses projecteurs. Le film raconte les évènements de 1917 à Saint-Pétersbourg (Leningrad) qui aboutissent à la prise du Palais d’Hiver et au renversement du gouvernement provisoire. Eisenstein ne voulait aucun acteur professionnel ; Maxime Strauch raconte comment il a été écumer les bars et les asiles pour trouver des « types ». Par rapport au Cuirassé Potemkine, Eisenstein utilise toutefois beaucoup moins les gros plans de visages et laisse une bonne place aux plans larges. Ce qui est remarquable, c’est le mouvement qu’il parvient à donner à ses plans larges, notamment dans la première partie sur les manifestations de juillet. L’impression de mouvement est forte et constante : non seulement, le montage est très rapide, une succession de plans très courts, mais encore ses mouvements de foule sont particulièrement spectaculaires car ils semblent composés d’une multitude de sous-mouvements (par exemple, la dispersion de la manifestation, le départ des troupes, etc…) Octobre Mais le point le plus original d’Octobre reste l’utilisation d’images d’objets ou de séquences pour créer des métaphores (1). Ce point lui valut d’être mal compris du public et le film fut moins bien reçu que Potemkine. Le film eut aussi pour effet de contribuer à faire évoluer (ou, devrait-on plutôt dire, régresser) la vision des dirigeants soviétiques sur le cinéma : fait pour les masses, il devra éviter de chercher l’esthétisme et rester à l’écart de tout intellectualisme. Cette perte de liberté sera fatale. Octobre reste un film passionnant à regarder aujourd’hui, pour la force, le mouvement et l’esthétisme de ses images.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Vladimir Popov, Vasili Nikandrov
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergueï Eisenstein sur le site IMDB.
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Remarques :
* Le film a par la suite été sonorisé (ajout d’effets sonores) par Grigori Alexandrov, coscénariste et assistant-réalisateur. La musique a été composée par Chostakovitch. Le film est ressorti dans cette version en 1966.
* L’autre film commandé par le gouvernement soviétique pour le 10e anniversaire de la Révolution d’Octobre est La fin de Saint-Pétersbourg (1927) de Vsevolod Poudovkine. Il est bien entendu passionnant de comparer les deux films, puisqu’ils traitent du même sujet.
* Pour leur scénario, Eisenstein et Alexandrov ont pris comme base de départ le livre de l’américain John Reed Dix jours qui ébranlèrent le monde.

(1) Eisenstein utilise des associations d’images pour faire passer une idée, forme que l’on a nommée « le montage intellectuel ». Par exemple, pour montrer que Kerensky cumulait tous les postes du gouvernement provisoire, il le montre plusieurs fois gravissant le même escalier du palais en énumérant ses différentes fonctions. Ou encore, pour montrer son caractère orgueilleux, il entrecoupe plusieurs fois un plan de Kerensky avec une statue de paon.
(2) La première version montrée le 7 novembre 1927 pour le 10e anniversaire de la Révolution durait 140 minutes environ (3800m). A cette époque, Staline commençait à écarter Trotsky pour accaparer tous les pouvoirs et donc Eisenstein dut opérer de nombreuses coupes de scènes où apparaissait Trotsky (toutefois, Stéphane Bouquet souligne dans son livre sur Eisenstein que l’on n’a pas de preuve absolue sur ce point). Les versions les plus connues actuellement oscillent entre 95 mn (USA) et 99/104 mn (Europe). Le site internet IMDB mentionne l’existence d’une version restaurée en 2007 de 142 mn, sans préciser quelles sont ces scènes additionnelles (seraient-elles les scènes coupées par Eisenstein ?)

6 novembre 2010

Sept ans de malheur (1921) de Max Linder

Titre original : « Seven years bad luck »

Sept ans de malheurLui :
(Muet, 62 mn) Après avoir été, avant la guerre de 14-18, le plus grand comique au monde, Max Linder émigra aux Etats-Unis où il tourna des courts-métrages tout d’abord puis trois longs-métrages, vraiment remarquables. Sept ans de malheur, c’est ce que craint Max le dandy après avoir cassé un miroir. C’est la première apparition à l’écran de la fameuse scène du miroir cassé (1) qui sera reprise par les Marx Brothers douze ans plus tard dans La Soupe aux canards (1933). Sept ans de malheur Beaucoup d’autres scènes suivent, toutes plus désopilantes les unes que les autres. Le niveau reste élevé tout au long du film, la richesse des gags est assez incroyable. Tout le passage pour échapper au contrôleur dans le train est absolument hilarant, tout comme l’incroyable scène dans la cage aux fauves, scène qui a inspiré Chaplin pour Le Cirque (1927). Max Linder a un style bien à lui, montrant par certains côtés de son personnage (le flegme, la débrouillardise, les poursuites) une parenté avec Buster Keaton, mais on peut trouver également un air de famille avec Chaplin et Harold Lloyd ; Sept ans de malheur ces trois grands comiques ont en effet été inspirés par Max Linder qui a commencé à tourner près de dix ans avant eux (2). Sept ans de malheur permet en tout cas de mesurer toute l’étendue de son talent comique qui était alors parvenu à un haut degré de maturité. C’est le film idéal pour découvrir ce très grand comique.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Max Linder, Alta Allen, Ralph McCullough, Betty K. Peterson
Voir la fiche du film et la filmographie de Max Linder sur le site IMDB.

(1) Ayant brisé le grand miroir, le valet de chambre demande au cuisinier de mimer les gestes de Max en train de se raser afin qu’il ne s’aperçoive de rien.
(2) Des trois, seul Chaplin a reconnu avoir été inspiré par Max Linder.

Homonyme :
Sept ans de malheur (Come persi la guerra) de Carlo Borghesio (1947), film qui fut très populaire en Italie mais qui n’a aucun lien avec le film de Max Linder (c’est l’histoire d’un italien balloté par la guerre).

3 novembre 2010

La fin de Saint-Pétersbourg (1927) de Vsevolod Poudovkine

Titre original : « Konets Sankt-Peterburga »

Autre titre : « Les derniers jours de Saint-Pétersbourg »

La fin de Saint-PetersbourgLui :
(Muet) Vsevolod Poudovkine est l’un des grands pionniers du cinéma soviétique. La fin de Saint-Pétersbourg est son deuxième long métrage, un an après La mère. Il nous fait suivre un jeune paysan venu à Saint-Petersbourg en 1914 chercher du travail. Il se retrouve embauché pour remplacer des grévistes. Il sera ensuite envoyé au front puis, en 1917, participera à la prise du Palais d’Hiver lors de la Révolution d’Octobre. Le film a été commandé par le gouvernement pour célébrer le 10e anniversaire de la révolution de 1917. Il faut bien entendu être indulgent face au manichéisme du propos qui est avant tout didactique : au-delà des évènements retracés, c’est le lent éveil à la conscience politique de ce jeune paysan qui est le sujet principal du film. La fin de Saint-Petersbourg Poudovkine utilise le montage parallèle pour donner de la force au propos : il alterne rapidement les scènes où des soldats se battent au front sans savoir pourquoi avec les scènes montrant des spéculateurs à la Bourse. Il utilise de la même façon les objets, la machinerie de l’usine ou les monuments, qu’il juxtapose avec les plans humains. Beaucoup de force, de nombreuses scènes restent dans les esprits ; beaucoup de poésie dans ses images qui s’inscrit en contrepoint de la dureté des évènements.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Vera Baranovskaya, Aleksandr Chistyakov, Ivan Chuvelyov
Voir la fiche du film et la filmographie de Vsevolod Poudovkine sur le site IMDB.

Remarques :
« Alors qu’un film d’Eisenstein est un cri, les films de Poudovkine sont des chants modulés et prenants. » Cette citation célèbre décrit parfaitement la différence entre les deux cinéastes. Elle est de Léon Moussinac (ici complétée par Georges Sadoul). Léon Moussinac est un historien et critique du cinéma dont le premier livre sur le cinéma soviétique a paru en 1928.

Voir aussi : Octobre par Sergueï Eisenstein, l’autre film commandé pour le 10e anniversaire de la Révolution.

7 octobre 2010

Les filles de Kohlhiesel (1920) de Ernst Lubitsch

Titre original : « Kohlhiesels Töchter »

Les filles de KohlhieselLui :
Dans un petit village des montagnes bavaroises, le tavernier Kohlhiesel a deux filles : autant Gretel, la plus jeune, est charmante et coquette, autant l’aînée Liesel est un véritable dragon au physique ingrat. Xavier, un solide gaillard, aimerait épouser la plus jeune mais le père lui refuse sa main tant que l’aînée n’a trouvé un mari. Il décide de se dévouer avec l’intention de divorcer rapidement… Les Filles de Kohlhiesel est une variation amusante sur le thème de la Mégère apprivoisée mais le tour de force de Lubitsch est d’avoir confié les rôles des deux sœurs à une seule et même actrice. Il est quasiment impossible de le déceler si on le sait pas l’avance et l’actrice Henny Potten réalise là une belle performance. Dans quelques scènes, elles sont même présentes toutes les deux à l’écran (probablement une double exposition avec cache). L’ensemble est plaisant avec un humour assez constant. Le film eut un grand succès populaire.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Henny Porten, Jakob Tiedtke, Emil Jannings, Gustav von Wangenheim
Voir la fiche du film et la filmographie de Ernst Lubitsch sur le site IMDB.

Voir les autres films de Ernst Lubitsch chroniqués sur ce blog…

Remake :
Henny Porten a repris son double rôle dans Gretel and Liesel (1930) de Hans Behrendt (le film semble perdu). A noter que Henny Porten a monté une société de production qui a produit 14 films entre 1921 et 1931 (dont Gretel and Liesel).

10 septembre 2010

L’honneur (1926) de Amo Bek-Nazaryan

Titre original : « Namous »

Namus Lui :
Dès sa création, le cinéma soviétique ne se limite pas au cinéma russe, il comprend aussi une bonne dizaine de courants nationaux. Amo Bek-Nazarov (ou Bek-Nazaryan) est considéré comme le fondateur du cinéma arménien. Un des cartons du générique de l’époque l’annonce fièrement : « Ceci est le premier film réalisé par les Maîtres du cinéma d’Arménie Soviétique ». L’honneur est l’adaptation d’un roman d’Alexandre Shirvanzade : Namus au XIXe siècle, Susanna est promise à Sejran, son ami d’enfance. Les deux jeunes gens ne doivent pas se voir avant le mariage mais ils bravent l’interdiction. Ils violent ainsi le namous (code d’honneur). Se considérant comme déshonoré, le père donne Susanna en mariage à un riche négociant. L’Honneur est donc un film sur le poids des traditions : Bek-Nazarov en présente le mauvais côté, ce carcan étouffant et même mortel, mais aussi le bon côté, par exemple quand il s’agit des traditions culinaires ou des réjouissances lors du mariage. Il faut bien reconnaître que le film n’est pas au niveau des meilleurs films de l’époque, le cadrage est très statique, les acteurs ont un jeu un peu appuyé mais, néanmoins, L’Honneur reste intéressant sur le plan historique, à la fois dans le domaine du cinéma comme témoin de la pluralité du cinéma soviétique renaissant et aussi dans le domaine de l’Histoire en tant que témoin des traditions de l’Arménie des XVIIIe et XIXe siècles.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Hovhannes Abelyan, Hrachia Nersisyan, Samvel Mkrtchyan
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8 septembre 2010

Sparrows (1926) de William Beaudine

Titre français parfois utilisé : « Moineaux »

SparrowsLui :
(Film muet) Sparrows est probablement le plus beau film de Mary Pickford, celui où son interprétation force le plus l’admiration. A 33 ans, elle n’a aucun problème pour jouer une fillette de 15 ans, sa petite taille et son visage poupon aidant certainement mais c’est surtout grâce à sa capacité d’exprimer avec force et naturel toute une gamme de sentiments qu’elle y parvient. L’histoire est assez terrifiante, à classer dans le genre des contes d’horreur pour enfants : dans une ferme isolée entourée de marais boueux infestés de crocodiles, une dizaine d’enfants sont retenus prisonniers par un couple de fermiers cruels. Ils doivent travailler dans des conditions de misère extrême. Molly, la plus âgée des enfants, tente de protéger les plus petits du mieux qu’elle peut. L’atmosphère de Sparrows, assez lourde, à la Dickens, est admirablement rendue, sans excès mais avec force. Le thème a souvent été comparé aussi à celui de La Nuit du Chasseur. Malgré la situation oppressante, Mary Pickford parvient à distiller beaucoup de fraîcheur et même des notes d’humour, donnant ainsi au film tout son équilibre et son charme. Sparrows Face à elle, Gustav von Seyffertitz est tout aussi remarquable dans le terrifiant Mr Grimes : c’est la méchanceté personnifiée. La première partie du film met en place la situation et le rythme s’accélère ensuite, le passage dans les marais étant particulièrement intense ; il est difficile de ne pas se cramponner au fauteuil. Seule la scène de la poursuite en bateau est plus faible du fait des maquettes utilisées. Sparrows a dérouté la Critique de l’époque, Mary Pickford jouant sur un registre un peu différent de ses films précédents. Le film ne fut qu’un demi-succès. Pourtant, il peut encore nous faire vibrer et palpiter 80 ans plus tard. Un très beau film (à déconseiller toutefois aux petits n’enfants…)
Note : 5 étoiles

Acteurs: Mary Pickford, Gustav von Seyffertitz, Roy Stewart, Charlotte Mineau
Voir la fiche du film et la filmographie de William Beaudine sur le site IMDB.

Voir aussi : Photos avant/après de la construction du décor

Remarques :
Sparrows * Douglas Fairbanks (mari de Mary Pickford) aurait pris à parti le réalisateur du fait des risques insensés qu’il faisait prendre à l’actrice : les crocodiles auraient été bien trop proches lors du tournage de certaines scènes et, de plus, Mary Pickford tenait dans ses bras un vrai enfant. Devant la colère de Fairbanks, le réalisateur aurait quitté définitivement le tournage.
Cette version des faits, rapportée par certains excellents historiens, est toutefois contestée par d’autres qui affirment que cette histoire a été inventée de toutes pièces par Mary Pickford pour la promotion du film : les alligators ont été ajoutés par surimpression et l’enfant était un mannequin dans certaines scènes.
Toujours est-il que William Beaudine a effectivement quitté le tournage de Sparrows avant la fin. Le film a été terminé par l’assistant-réalisateur : Tom McNamara. Il faut préciser que les tensions entre Beaudine et Mary Pickford, tous deux au sommet de leur popularité (et donc peu enclins à se laisser dicter leur conduite), ont été très fortes pendant tout le tournage.

* Il existait bien des baby farms à cette époque, fermes isolées où des enfants étaient retenus prisonniers. Ces enfants étaient souvent des orphelins. Les baby farms étaient également liées aux rapts d’enfants, alors bien plus fréquents qu’à notre époque.

5 septembre 2010

Arsenal (1929) de Alexandre Dovjenko

Titre original : Арсенал

Arsenal Lui :
(Film muet) Arsenal, du réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko est un film vraiment étonnant et assez fascinant. Destiné à glorifier le soulèvement des ouvriers de Kiev en 1918, il s’inscrit dans un ensemble de trois films sur l’Ukraine. Arsenal débute par les horreurs de la guerre de 1914 et se poursuit avec le retour des ouvriers-soldats et le soulèvement de ces derniers. Bien que Dovjenko ait débuté depuis peu de temps dans la réalisation, il a déjà un style bien à lui, très marqué et très original : un lyrisme très puissant, une approche franchement artistique des images, un déroulement du récit très particulier, souvent assez difficile à suivre. Il fait aussi une utilisation originale des sous-titres qui jouent souvent un rôle proche de celui des images, c’est-à-dire celui d’un moteur de lyrisme voire de poésie. Tout comme Eisentein, Dovjenko utilise beaucoup le montage mais il le fait sur un rythme moins rapide. Il adopte parfois des angles de vue extrêmement audacieux. Ses gros plans de visages sont puissants, étonnants, des trognes parfois à la limite du grotesque (il faut savoir que Dovjenko a été un temps caricaturiste politique). Il utilise aussi souvent l’immobilisme, soit pour exprimer l’attente, la grève, la peur, le désespoir, soit pour accentuer la dramatisation d’une action ou d’une situation. Arsenal Certaines des scènes d’Arsenal ont une force d’évocation peu commune : le vieillard et son cheval famélique, le soldat édenté victime du gaz hilarant, le voyage en train, le silence de la grève, l’invincibilité de Timosh dans la mort. Par son lyrisme puissant, Arsenal est un film qui marque les esprits (ce qui était son rôle puisqu’il s’agit, rappelons-le, d’un film de propagande). Il pourra sembler être peu facile d’accès ; il s’apprécie beaucoup plus à la seconde vision, lorsque l’on s’attache moins à comprendre le déroulement des évènements.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Semyon Svashenko, Amvrosi Buchma
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Contexte historique :
Au lendemain de la Révolution d’Octobre 1917, l’Ukraine proclame son indépendance et un gouvernement est mis en place à Kiev par la bourgeoisie ukrainienne. La Garde Rouge bolchévique attaque l’Ukraine. Les ouvriers ukrainiens, revenus du front début 1918, tentent de faire adopter le système bolchévique par le parlement ukrainien. En vain. Les ouvriers de l’arsenal de Kiev se mettent alors en grève. Les cosaques ukrainiens attaquent l’usine et les ouvriers résistent armes à la main. Ils seront tous massacrés ou exécutés.

La scène de la procession est assez difficile à saisir… Le portrait porté religieusement par la foule est, semble t-il, celui de Tarass Chevtchenko, poète ukrainien (1814-1861) qui est une figure emblématique de l’identité ukrainienne. Symbole fort, il est encore aujourd’hui considéré comme le poète national de l’Ukraine.

La Trilogie Ukrainienne d’Alexandre Dovjenko :
Zvenigora (1928)
Arsenal (1929)
La Terre (1930)

4 septembre 2010

Le petit fruit de l’amour (1926) de Alexandre Dovjenko

Titre original : « Yagodka lyubvi »

Yagodka lyubviLui :
(Muet, 25 mn) Ce court métrage burlesque est le tout premier film tourné par le réalisateur ukrainien Alexandre Dovjenko. Il avait été précédemment caricaturiste politique, ce qui peut expliquer le ton léger de cette comédie. Alors que sa fiancée vient littéralement de lui mettre un bébé dans les bras, un jeune homme fait tout pour s’en débarrasser, bien décidé à ne pas reconnaître l’enfant. L’aspect politiquement incorrect était certainement beaucoup moins marqué à l’époque mais, aujourd’hui, il pimente joliment le film. L’ensemble est vraiment très drôle, souvent hilarant, inventif, rythmé par de nombreux rebondissements, tout à fait dans la lignée des meilleurs films burlesques américains des années dix et vingt. On notera l’utilisation de l’accéléré et même du ralenti. En prime, une belle pirouette de fin. Surprenant, Le petit fruit de l’amour est une petite perle, assez rare, du burlesque soviétique.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Maryan Krushchelnitsky, Margarita Barskaya
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3 septembre 2010

Gabbo le ventriloque (1929) de James Cruze

Titre original : « The Great Gabbo »

Gabbo le ventriloqueLui :
Gabbo le ventriloque est l’un des tous premiers films parlants. C’est le premier pour Eric von Stroheim. Il y interprète un ventriloque particulièrement brillant mais aussi très égocentrique, notamment dans ses rapports avec sa partenaire. Il utilise sa poupée pour exprimer ses côtés les plus humains et sociables. Il s’agit de l’adaptation d’une pièce de Ben Hecht. Eric von Stroheim est l’interprète parfait pour exprimer toute l’arrogance et l’ambigüité de ce personnage. Avec sa diction parfaite et son admirable phrasé lent (qui reste encore aujourd’hui sans égal), il surprit le public américain qui s’attendait à ce qu’il ait un accent autrichien à couper au coupeau. Hélas, pour rajouter de la longueur et attirer le public, plusieurs numéros musicaux ont été plaqués sur l’histoire. Si musicalement, ces ballets peuvent sembler proches de ceux des grands musicals du début des années trente, ce n’est pas le cas sur le plan de chorégraphie qui est ici assez primitive en comparaison. Ils n’offrent finalement qu’assez peu d’intérêt (sauf sans doute le ballet Web of love, franchement acrobatique). Si Gabbo Le Ventriloque reste intéressant, c’est donc surtout pour la remarquable interprétation d’Eric von Stroheim.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Erich von Stroheim, Betty Compson, Donald Douglas
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Remarques :
* James Cruze est un réalisateur surtout connu pour avoir tourné le premier grand western The Covered Wagon (La caravane vers l’Ouest, 1923). Beaucoup de ses films sont aujourd’hui perdus.
* Le film comportait une scène en couleurs (procédé Multicolor qui sera abandonné en 1932) : un numéro musical The Ga-ga bird qui semble perdu.
* Une version écourtée de 68mn est dans le domaine public (plusieurs numéros musicaux ont été coupés de cette version). La version actuellement la plus complète du film (c’est-à-dire sans la scène perdue en couleurs) dure 92 mn.