12 juin 2021

La Maison du mystère (1923) de Alexandre Volkoff

La Maison du mystèreJulien Villandrit est propriétaire d’une usine de textile dont le gérant, Henri Corradin, est son ami d’enfance. Tous les deux aiment la même femme, Régine de Bettigny, qui accorde sa main à Villandrit. Fou de jalousie, Corradin va user de tous les moyens pour briser le couple…
La Maison du mystère fait partie des toutes premières productions d’Albatros, société française de production audiovisuelle créée en 1922 par les russes émigrés Joseph Ermolieff et Alexandre Kamenka (1). Elle adopte le format du serial : 10 épisodes pour une durée totale de plus de 6 heures. Son succès contribuera à lancer la compagnie. Il est basé sur un roman de Jules Mary qui avait déjà connu un grand succès lors de sa parution en épisodes dans Le Petit Parisien. L’histoire contient tous les éléments pour constituer un grand récit haletant : amour, meurtre, trahison, injustice, grands périls, rebondissements… A nos yeux d’aujourd’hui, les situations paraissent bien entendu stéréotypées et les invraisemblances sont innombrables mais le récit parvient toujours à nous tenir en haleine grâce à l’inventivité de Volkoff et à la qualité de la réalisation. Son audace la plus spectaculaire a été de filmer toute une scène de mariage en ombres chinoises (2), mais le film contient bien d’autres scènes étonnantes. L’émotion aussi est bien présente comme dans la scène des retrouvailles entre le père et la fille. Ivan Mosjoukine, formé à la méthode Stanislavski (qui donnera l’Actors Studio), est un acteur hors-pair, il interprète les multiples facettes de son personnage avec aisance et naturel, tour à tour puissant et émouvant. Charles Vanel, lui aussi, campe solidement son personnage : il est parfaitement odieux et haïssable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ivan Mozzhukhin, Charles Vanel, Nicolas Koline, Hélène Darly, Vladimir Strizhevsky, Francine Mussey
Voir la fiche du film et la filmographie de Alexandre Volkoff sur le site IMDB.

(1) Véritable plaque tournante de l’avant-garde française, la société Albatros a produit de nombreux films remarquables dans la décennie des années 20, signés Viktor Tourjansky, Jean Epstein, Jacques Feyder, René Clair et Marcel L’Herbier.
(2) Cette séquence évoque les films de Lotte Reiniger, pionnière à partir du début des années 1920 des films d’animation de silhouettes en Allemagne. (Lire plus sur Wikipédia)

La Maison du mystèreIvan Mozzhukhin et Hélène Darly (photo de gauche) / Hélène Darly et Charles Vanel (photo de droite)
dans La Maison du mystère de Alexandre Volkoff.

Serial en 10 épisodes :
Épisode 1 : L’ami félon (52’36)
Épisode 2 : Le Secret de l’étang (29’53)
Épisode 3 : L’Ambition au service de la haine (35’13)
Épisode 4 : L’Implacable verdict (41’19)
Épisode 5 : Le Pont vivant (33’38)
Épisode 6 : La Voix du sang (25’35)
Épisode 7 : Les Caprices du destin (46’48)
Épisode 8 : Champ clos (43’49)
Épisode 9 : Les Angoisses de Corradin (35’50)
Épisode 10 : Le Triomphe de l’amour (46’28)

L’ensemble est visible sur le site Henri de la Cinémathèque française.
« Ce film a d’abord été restauré en 1985 par Renée Lichtig qui établit un matériel de conservation safety et un positif muet de présentation à partir d’un négatif nitrate d’origine. La reconstitution des dix épisodes du serial a été achevée en 1992. »

3 réflexions sur « La Maison du mystère (1923) de Alexandre Volkoff »

  1. Vision réductrice : penser qu’un acteur russe a forcément travaillé avec Stanislavski est idiot. C’est comme croire que tous les acteurs français passent par la Comédie-Française.
    Ivan Mosjoukine n’a jamais été l’élève de Stanislavski ni l’adepte de sa méthode. Quand il était en Russie, il a d’abord commencé par des tournées dans une troupe provinciale très ordinaire avant de s’installer à Moscou où il jouait dans des pièces de boulevard ou des drames historiques et pas au prestigieux Théâtre d’Art de Stanislavski. Il ne fait pas des étincelles. Le succès vient par le cinéma (honni de Stanislavski) après de modestes débuts en 1911.

  2. @Navailh :

    Votre commentaire est réducteur, ce qui est un comble compte-tenu de son contenu (!).

    D’une part notre hôte n’a absolument pas écrit que Mosjoukine aurait travaillé avec Stanislavski, mais qu’il a été « formé à la méthode Stanislavski ». La nuance est de taille, et en relisant vous conviendrez certainement que votre réaction est exagérée et même sans objet.

    D’autre part, il est attesté qu’avant la Révolution russe (et donc bien avant le film dont il est question ici), Mosjoukine a tourné de nombreux films avec Protazanov — lequel Protazanov se référait explicitement à Stanislavski dans sa direction d’acteurs. Par conséquent, il est parfaitement raisonnable de considérer que, lors de sa notable période Protazanov, Mosjoukine a été formé à la méthode Stanislavski. Non pas auprès de ce dernier, mais via un des adeptes de sa « méthode ».

    Par ailleurs, si vous êtes habitué aux billets de ce blog, vous savez que notre hôte ne tire pas de conclusions schématiques et réductrices (ce que vous lui reprochez avec brutalité), mais s’appuie tout simplement sur les écrits des grands commentateurs de l’histoire du cinéma. Or de fait, à tort ou à raison, aussi bien les biographes de l’atelier Albatros que des journalistes spécialisés de Télérama (et bien d’autres) ont écrit que Mosjoukine a été formé à la « méthode Stanislavski ». Que notre hôte, qui n’a pas écrit une thèse sur Mosjoukine, se contente de reprendre ces sources a-priori fiables (notamment celles de l’Albatros !), est pour le moins naturel.

    Si c’est une erreur, elle est ancienne et provient d’auteurs de référence sur l’histoire du cinéma : il vous faudrait alors fournir des sources contradictoires qui établiraient que Mosjoukine n’a jamais, dans sa carrière, travaillé d’après la « méthode ». Mais certainement pas faire un procès d’intention à un blogueur qui se contente de résumer avec dévouement et passion des sources dont il n’est pas l’auteur.

    NB 1 : Sur le fond, même si son travail avec Protazanov laisse sérieusement penser que Mosjoukine a été dirigé selon les précepts de la « méthode » et qu’il y a donc bien « été formé » d’une manière ou d’une autre, il est vrai que son jeu plutôt expressionniste et en tout cas très expressif relève plutôt de l’école russe antérieure. Mais cela n’invalide pas qu’il se soit essayé à la « méthode » durant son parcours. En particulier, son interprétation du Père Serge (sous la direction de Protazanov, tiens tiens) contient bien des accents stanislavskiens. Et d’une manière générale, la manière dont Mosjoukine est habité par ses rôle de façon intense correspond bien à la démarche initiale de la « méthode ».

    NB 2 : Votre affirmation finale selon laquelle le cinéma aurait été honni de Stanislavski est exagérée et… réductrice. Il a en effet écrit des scénarios pour le cinéma étatsunien (suite à la tournée du Théâtre d’Art de Moscou aux États-Unis), qui n’ont hélas pas abouti parce qu’il refusait de se plier aux codes commerciaux. Autrement dit, Stanislavski n’a pas du tout honni le cinéma, il a même essayé d’en faire !, mais il a honni le cinéma commercial et ses compromissions stylistiques.

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