Titre original : « Tarzan the Ape Man »
Miss Jane Parker rejoint son père en Afrique alors qu’il est sur le point de se lancer dans une expédition à la recherche du cimetière des éléphants. A la tête d’une quinzaine d’hommes, ils s’enfoncent dans la jungle…
Des multiples adaptations au cinéma du héros inventé par le romancier américain Edgar Rice Burroughs en 1912, la série des films avec le champion de natation Johnny Weissmuller est de loin la plus célèbre. C’est elle qui a imprimé durablement dans les esprits l’image d’un héros au corps lisse et musculeux poussant son fameux cri. Tarzan, l’homme singe est le premier et l’un des meilleurs de cette série. L’histoire n’est pas du tout fidèle aux romans (1), le scénario ne prend même pas la peine d’expliquer comment Tarzan est arrivé là. En revanche, il parvient à créer un imaginaire fort et nous émerveille par son exotisme et son utilisation des animaux. L’ensemble est souligné par érotisme naïf, aussi bien masculin que féminin, qui culminera dans le second film de la série avant d’être étouffé par la généralisation du code Hays dès le troisième. Dans un monde alors en pleine Dépression, le film apporta une échappatoire bienvenue et le succès fut immédiat. Malgré de multiples petits défauts, finalement assez mineurs, le film reste très plaisant à regarder aujourd’hui.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Johnny Weissmuller, Neil Hamilton, C. Aubrey Smith, Maureen O’Sullivan
Voir la fiche du film et la filmographie de W.S. Van Dyke sur le site IMDB.
Voir les autres films de W.S. Van Dyke chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* Le film utilise largement les plans documentaires inutilisés de Trader Horn (Horn le trafiquant) de W.S. Van Dyke (1931)
* Maureen O’Sullivan n’était encore pas très connue ce qui explique sa place en quatrième position sur l’affiche. La MGM s’empressera de lui faire signer un contrat long.
(1) A la décharge des scénaristes, il faut préciser que Edgar Rice Burroughs avait vendu à la MGM les droits de ses personnages mais pas des romans.
Maureen O’Sullivan et Johnny Weissmuller dans Tarzan, l’homme singe (Tarzan the Ape Man) de W.S. Van Dyke.
La série des Tarzan avec Johnny Weissmuller :
Avec Maureen O’Sullivan dans le rôle de Jane :
1. Tarzan, l’homme-singe (Tarzan the Ape Man) de W.S. Van Dyke (1932)
2. Tarzan et sa compagne (Tarzan and His Mate) de Cedric Gibbons (1934)
3. Tarzan s’évade (Tarzan Escapes) de Richard Thorpe (1936)
4. Tarzan trouve un fils (Tarzan Finds a Son) de Richard Thorpe (1939)
5. Le trésor de Tarzan (Tarzan’s Secret Treasure) de Richard Thorpe (1941)
6. Les aventures de Tarzan à New-York (Tarzan’s New York Adventure) de Richard Thorpe (1942)
Sans Jane (« partie visiter sa famille en Europe »)
7. Le triomphe de Tarzan (Tarzan Triumphs) de Wilhelm Thiele (1943)
8. Le mystère de Tarzan (Tarzan’s Desert Mystery) de Wilhelm Thiele (1943)
Avec Brenda Joyce dans le rôle de Jane
9. Tarzan et les amazones (Tarzan and the Amazons) de Kurt Neumann (1945)
10. Tarzan et la femme leopard (Tarzan and the Leopard Woman) de Kurt Neumann (1946)
11. Tarzan et la chasseresse (Tarzan and the Huntress) de Kurt Neumann (1947)
12. Tarzan et les sirènes (Tarzan and the Mermaids) de Robert Florey (1948).
Un film étonnamment réussi, malgré ses petits défauts. Ne l’ayant pas revu depuis l’enfance, je craignais d’être déçu, et cela n’a pas été le cas.
Oh, certes, il faut mettre son mouchoir sur le racisme et le colonialisme qui caractérisaient la vision occidentale de l’Afrique à l’époque. Il y a quelques moments très désagréables de ce point de vue, mais c’est comme les vieilles bandes-dessinées et les romans anciens : il faut « suspendre temporairement » sa sensibilité politique autant que son incrédulité.
Il y a au début du film toute une séquence avec plusieurs tribus africaines, dont les raccords sont grossiers (tous les groupes ethniques montrés sont dans un décor aride… alors que la maison dont ils sont censés être vus est dans un décor forestier luxuriant !) et où il est flagrant que les acteurs blancs jouent en surimpression devant un écran où des images documentaires sont projetées. Ce raccord trop artificiel renforce l’impression désagréable que les Blancs « font leur marché touristique » d’ethnies africaines, c’est une scène vraiment déplacée aujourd’hui. Quant à la scène au bord du précipice, les raccords sont également flagrants (plan de coupe chaque fois qu’un personnage tombe, pour « séparer » le début de la chute et la suite de la chute).
Et puis… j’avoue avoir eu quelques éclats de rire en voyant clairement les trapèzes au moins trois fois lors des déplacements de Tarzan « de liane en liane », ou devant les pseudo-gorilles trop carton-pâte.
Mais ces aspects artisanaux ne sont pas gênants, tant on est dans un univers de BD (les éléphants et les singes parviennent à se comprendre mutuellement !), et tant le rythme est constant. Le basculement entre le premier quart « colonial » et le reste du film « sauvage », c’est-à-dire entre le moment où notre regard subjectif est celui d’un groupe d’Occidentaux et celui où il se recentre sur l’univers de la jungle, est remarquable. La première apparition de Tarzan est un peu bizarre, presque déplacée *. Quelques minutes plus tard, notre regard a basculé, et c’est la colonne d’explorateurs qui devient totalement secondaire et bizarre. L’introduction de scènes naturalistes (animalières), ou semi-naturalistes (le combat de Tarzan contre les lions, sa fuite devant les crocodiles), est audacieuse et réussie. Ces longues séquences animalières aident à faire basculer le point de vue. C’était osé (en termes de rythme et de propos), c’est réussi.
* En revanche, la première apparition du cri de Tarzan, quelques minutes avant qu’il n’apparaisse à l’écran, est une grande réussite. Ce cri alors énigmatique mais typé parvient à créer un vrai frisson, et prépare le basculement du récit.
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NB 1 : Maureen O’Sullivan est en fait le personnage le plus présent à l’écran, et de loin : elle aurait dû avoir la première place dans la liste des acteurs. Elle est omniprésente dans la première partie (où Tarzan est totalement absent), elle reste omniprésente dans la suite du film (le récit adopte plus son regard que celui de Tarzan lui-même). Le fait qu’elle ait initialement été placée en quatrième en dit long sur le sexisme de l’industrie cinématographique d’alors et sur l’importance accordée à la notoriété préalable.
NB 2 : La séquence finale, avec l’immense gorille prisonnier auquel les indigènes belliqueux donne les Occidentaux en pâture, et où la bête s’attendrit un instant sur la jeune héroïne, fait forcément penser à King Kong. Il est étonnant que cela ne soit pas souligné, car c’est évident : le schéma de départ de King Kong est directement inspiré de cette séquence de ce premier Tarzan (tourné un an plus tôt).