Titre français parfois utilisé : « Les Amis de Peter »
Alors qu’il vient d’hériter de la vaste propriété de son père, Peter invite ses amis qu’il a perdu de vue depuis l’époque où ils faisaient ensemble les quatre cents coups, dix ans auparavant… Certes, l’idée de base d’une bande de copains foldingues qui se retrouvent X années plus tard n’est pas en soi très originale. De plus, les personnages sont vraiment très typés, proches de la caricature. Et pourtant, cette histoire écrite en couple par Rita Rudner (qui interprète l’américaine Carol) et Martin Bergman (qui co-produit) fonctionne parfaitement ; ses personnages sont finalement attachants malgré tous leurs travers et défauts car ils n’en sont pas moins très humains et généreux. Il y a un mélange bien dosé de tensions (au pluriel) et d’humour. Les dialogues sont vifs, avec leur lot de bons mots et de répliques parfois assassines. La musique est particulièrement riche (Pretenders, Tears for Fears, Prefab Sprout, Terence Trent D’Arby, Eric Clapton, Cyndi Lauper, etc.) Sans être un grand film, Peter’s Friends est un film plaisant, sans doute un peu superficiel mais qui nous fait passer un bon moment.
Elle:
Lui :
Acteurs: Hugh Laurie, Kenneth Branagh, Stephen Fry, Alphonsia Emmanuel, Emma Thompson, Imelda Staunton, Rita Rudner
Voir la fiche du film et la filmographie de Kenneth Branagh sur le site IMDB.
Voir les autres films de Kenneth Branagh chroniqués sur ce blog…
En haut : Stephen Fry, Phyllida Law, Hugh Laurie ; en bas : Alphonsia Emmanuel, Kenneth Branagh, Emma Thompson, Imelda Staunton dans Peter’s Friends de Kenneth Branagh.
(de g. à dr.) Rita Rudner, Kenneth Branagh, Alex Lowe, Emma Thompson, Stephen Fry, Alphonsia Emmanuel, Imelda Staunton, Tony Slattery, Phyllida Law, Hugh Laurie.
Photo publicitaire pour Peter’s Friends de Kenneth Branagh.
Tiens, il est amusant que je n’avais pas commenté votre « billet » sur ce film, alors que je le trouve excellent (et que je lisais déjà assidument votre blog lorsque ce billet est paru… d’autant que je vois que le film chroniqué suivant est Princess Bride, que vous aviez vu sur ma recommandation, je me souviens avoir été très honoré que vous l’ayez suivie et rassuré que vous ayez autant aimé Princess Bride que moi : aucun doute n’est possible, je vous suivais bien à cette époque).
Pour revenir donc à Peter’s Friends, je viens de le revoir ce soir (je ne l’avais vu jusqu’ici qu’une seule fois et en gardais un excellent souvenir) et je maintiens mon appréciation : je lui donnerais au minimum quatre étoiles dans votre nomenclature, peut-être cinq.
Je trouve un peu bizarre de le décrire comme « un peu superficiel ». Cette remarque pourrait s’appliquer à 95% des comédies. Bien sûr, comme la plupart des films à l’exception des films politiques ou philosophiques, celui-ci ne porte pas de message profond. Mais comme tous les bons films, il nous touche, nous fait rire et arrive à nous « emporter » dans cette bande de copains (ce que vous soulignez aussi).
Je vous rejoins sur le côté un peu caricatural, ou en tout cas très typé, de certains personnages. D’une certaine manière, cela prouve d’autant plus la réussite du film, car malgré l’exagération de certains caractères nous sommes « pris », nous sommes en empathie, nous entrons dans une forme de complicité avec tou·te·s ces cabossé·e·s de la vie. Pour que cela marche aussi bien malgré quelques outrances, c’est dire que le film est bien rythmé et bien construit !
Alors que j’adore Emma Thompson, c’est finalement son personnage qui est le plus outré et dont l’évolution au cours de ces deux journées est la moins intéressante (et la moins crédible). Tous les autres révèlent peu à peu leurs fêlures, leurs blessures, leurs désarrois — jusqu’à bien sûr la révélation finale de Peter. Tou·te·s ont finalement soit raté leur vie soit failli se perdre.
Et je trouve que c’est un rare tour de force d’arriver à faire une véritable comédie à partir de situations aussi peu comiques a-priori, et avec autant de tensions (terme que vous utilisez à raison). Cet équilibre entre tensions et humour est assez remarquable. Tout comme est remarquable le fait qu’il n’y ait pas de happy end. Est-ce vraiment une comédie, finalement ? Oui, mais douce-amère, qui ne se termine ni par un bon mot, ni par un soulagement ou un aboutissement, mais juste par un sourire affectueux, un peu triste mais tendre.
Voilà, c’est un film qui, à partir de personnages typés (dont quelques-uns un peu caricaturaux — et parfois un tout petit peu surjoués comme l’ivresse de Kenneth Branagh à la fin, mais c’est le seul moment où il cabotine) et de situations de tensions voire d’orages relationnels, parvient, via la comédie et des dialogues jubilatoires, à nous amener peu à peu vers une simple tendresse partagée. Un film difficile à classer, mais un beau film.
J’ai l’esprit d’escalier et je repensais à ce film.
En fait, il me semble que le propos est plus audacieux et moins « superficiel » qu’il n’y paraît avec le décalage temporel, car nous finissons par oublier comment était le monde en 1992. Je me souviens qu’à l’époque (puisque ma précédente vision datait de l’époque de sa sortie) ce film était assez notable par le fait qu’il évoque explicitement, comme naturelle et n’appelant pas de commentaire particulier, l’homosexualité de l’un des personnages (et même avec la précision — encore plus rare alors — qu’il s’agissait plutôt de bisexualité).
Aujourd’hui, cela passe inaperçu car c’est un « détail » au même titre que l’ancien alcoolisme d’un autre personnage ou que le deuil du couple de musiciens, cela fait partie des différents caractères, ni plus ni moins que les autres. Et c’est normal, et c’est très bien qu’il en soit maintenant ainsi. Mais en 1992, ça n’allait pas de soi. Placer un personnage bisexuel dans un film était toujours un choix de caractère « signifiant », singulier, souvent appuyé. En ce sens, Peter’s Friends était remarquablement en avance sur son temps. Placer une telle caractéristique comme étant « annexe » et comme faisant partie du décor, sans l’appuyer, sans lui donner de sens particulier, était un vrai progrès, une vraie finesse.
[D’ailleurs, Branagh a récidivé en quelque sorte l’année suivante, en plaçant un personnage noir dans un rôle important de Beaucoup de bruit pour rien, là encore comme un caractère accessoire, sans que cette couleur de peau n’ait le moindre « sens » militant, sans que cela ne transforme en quoi que ce soit le personnage par rapport au rôle initial, sans qu’il n’y soit fait la moindre allusion dans le film. Et là encore, c’était exceptionnel, ce choix de « banaliser » la présence d’un acteur noir au lieu de lui réserver un rôle typé « noir » était à l’époque extrêmement rare et important pour sortir enfin le cinéma des types racistes. Dans les deux cas, cela m’avait alors frappé… plusieurs jours après avoir vu le film, et c’est ça qui était important : qu’on ne le remarque pas ! C’était vraiment et absolument inhabituel en 1992-1993.]
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J’ajoute pour l’amusement que ce film serait totalement différent s’il avait été tourné dans ces vingt dernières années, car une grande partie des « créateurs de tension » s’appuient sur le téléphone… et en l’occurrence obligatoirement le téléphone fixe, à l’ancienne. Le couple en deuil, l’amant adultère : aucune situation n’aurait pu être construite aussi bien dans un monde où existent les téléphones mobiles. Idem pour l’isolement dans ce château, essentiel pour créer les tensions et les frottements entre personnages. Dans la scène où tous les personnages sauf 2 sont dans la cuisine et écoutent les bruits de la pièce du dessus, sans l’incident du téléphone qui sonne (et l’attente de ce qui va se passer) c’est toute la scène qui s’effondrerait, ou en tout cas qui perdrait énormément de force — or ce passage aurait été impossible si chacun avait eu un téléphone mobile à portée de main.
Je pense que cette analyse pourrait être appliquée à beaucoup de films d’avant 1995 (idem pour internet quelques années plus tard), mais c’est étonnamment frappant ici. Bien sûr, Kenneth Branagh et ses scénaristes auraient imaginé d’autres situations équivalentes. Mais fort différentes, forcément très très différentes, et modifiant obligatoirement toute la structure du scénario, des dialogues et du récit.
J’avoue ne plus bien avoir en tête ce film, il m’a sans doute moins marqué que vous… 🙂 , mais vous avez raison de dire qu’il est toujours bon de replacer un film dans son époque.
Le cinéma a d’ailleurs un indéniable effet de faire évoluer les mentalités, l’impact sociologique de certains films étant particulièrement fort. On remarque surtout cela sur les films des années 50 et même 60 mais, comme vous le soulignez, ce même effet est visible sur certains films des années 90.
Pour le téléphone, il est vrai que beaucoup de scénarios ne marcheraient plus avec le téléphone portable… Dans Dial M for Murder, il n’y aurait même plus de crime… donc pas question qu’il soit « presque parfait » ! 🙂