Titre original : « Rupan sansei: Kariosutoro no shiro »
Sur la trace de faux-monnayeurs, le gentleman-cambrioleur Edgar de la Cambriole (alias Lupin III, le petit fils d’Arsène Lupin) arrive dans la principauté de Cagliostro et vole au secours d’une jeune fille qui s’avère être une princesse séquestrée par un comte machiavélique…
Le Château de Cagliostro est le premier long métrage d’Hayao Miyazaki. Les aventures de Lupin III furent d’abord un manga adapté pour la télévision en une série coréalisée par Miyazaki, puis porté au cinéma avec Edgar de la Cambriole : Le Secret de Mamo réalisé par Sōji Yoshikawa (1978). Le succès de ce dernier incitera TMS à produire un second long métrage, cette fois réalisé par Miyazaki qui en a coécrit le scénario. Sous sa plume, Lupin III n’est plus un intrépide criminel mais un héros altruiste accomplissant des prouesses pour une noble cause. Miyazaki montre des influences multiples, littéraires et cinématographiques, ce qui enrichit considérablement le contenu. Sur le plan graphique, les paysages montrent beaucoup de détails et préfigurent son style. L’animation est hachée (conformément aux normes japonaises de cette époque) mais le rythme très enlevé compense aisément ce défaut. Les nombreuses cascades défient les lois de la physique et l’ensemble est sous-tendu d’un humour assez omniprésent.
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Le Château de Cagliostro de Hayao Miyazaki.
► « Sous sa plume, Lupin III n’est plus un intrépide criminel mais un héros altruiste accomplissant des prouesses pour une noble cause. »
En fait, cette phrase s’applique parfaitement au personnage initial d’Arsène Lupin, sous la plume de son créateur Maurice Leblanc.
Car Arsène Lupin n’a jamais été un « criminel » au sens fort (même si un épisode de ce qui deviendra le long roman 813 s’appelle Les trois crimes d’Arsène Lupin, il s’agit d’un cas de légitime défense involontaire et d’un suicide dont il n’est en fait pas responsable, le troisième étant un faux), c’était juste un cambrioleur. L’une des règles fondamentales du personnage, rappelée tout au long de ses aventures, est qu’il ne tue jamais. Jamais. Il a le meurtre en horreur. « Arsène Lupin ne tue jamais » pourrait être sa maxime, c’est sa marque de fabrique.
Et surtout, le Lupin gentleman-cambrioleur correspond aux nouvelles publiées entre 1905 et 1907, puis réunies dans les deux recueils Arsène Lupin gentleman-cambrioleur et Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, plus une pièce de théâtre jouée en 1908 et simplement intitulée Arsène Lupin (qui s’intercale plus ou moins entre les deux recueils de nouvelles), puis le premier roman L’aiguille creuse en 1909. Ajoutons-y, rétrospectivement, le roman La comtesse de Cagliostro qui narre sa prime jeunesse et ses débuts dans la cambriole (mais publié en 1924).
C’est tout. Quatre volumes (2 recueils de nouvelles et 2 romans) et 1 pièce de théâtre, entre 1905 et 1909 (plus un retour ultérieur sur sa jeunesse). Point.
Tout le reste des aventures de Lupin, de 1910 à 1941, c’est-à-dire 16 romans, 2 recueils de nouvelles, 4 nouvelles publiées séparément et 4 pièces de théâtre, mettent en scène un justicier, presque un superhéros.
Car à partir de 813 (qui est encore, allez, disons hybride entre les deux époques), Arsène Lupin vit certes de cambriolages chez les très-riches et du fait de « se servir » sur les méchants qu’il poursuit, mais cette dimension est totalement secondaire, en pur arrière-plan. Ce n’est pas l’objet des romans ou des nouvelles, et c’est même quasiment effacé. Ce n’est plus l’arnaqueur qui est montré, mais le justicier. Vraiment, le mot justicier n’est pas trop fort, et il pourrait même être utilisé dans les films Marvel comme un superhéros (je ne plaisante pas, et je suis surpris qu’il ne le soit pas). Dans 95% des récits écrits par Maurice Leblanc, l’intrigue ne suit absolument pas un cambrioleur, mais un homme surhumain qui met son intelligence supérieure et son physique hors-norme au service du « bien ».
Une fois passées les premières années fantaisistes et anarchistes, Lupin se transforme en super-policier, évidemment jouant avec la vraie police, évidemment poursuivi par elle, mais en réalité lui rendant service. Parmi ses nombreuses fausses identités, il est même pendant plusieurs années l’un des patrons de la police française (!!! à l’insu de tout le monde, bien sûr) puis inspecteur dans un autre service, etc. Au début de la Première guerre mondiale, alors qu’il a essayé (en vain) de se suicider et qu’il est parti s’engager dans la Légion étrangère, il unifie une partie du Maroc et l’offre à la France. Il passe la fin de la guerre à utiliser ses dons au service du renseignement (incognito bien sûr) et à résoudre quelques complots. Ensuite, il résout des complots, des impostures, des affaires de meurtres, des machinations, des affaires de meurtre encore, etc. Il est un enquêteur : l’essentiel des romans et nouvelles et pièces de théâtres sont articulés autour d’un mystère (et souvent un beau, profond et très complexe mystère, généralement à partir d’un meurtre… et en intégrant d’autres), dont le lecteur découvre en même temps que Lupin les évènements et les faits. Il est en même temps un surhomme, car il n’enquête pas les mains dans les poches, mais en aventurier, en homme d’action, qui provoque les évènements, qui prend des coups (et risque régulièrement la mort, il y a presque toujours un moment de bravoure où il est sur le point de succomber, où le lecteur est tenu en haleine, et où il s’en sort par un coup de théâtre — en ce sens, Leblanc avait déjà un sens scénaristique qui aurait fait fureur dans le cinéma d’action contemporain !), qui donne des coups aussi (mais sans tuer, cf. plus haut). Il est en même temps un héros, prêt à tout sacrifier pour sauver une belle femme ou la France (très patriote), et sacrifiant régulièrement une partie de sa position ou de sa fortune, d’ailleurs, sans état d’âme. Son intelligence et son art de l’enquête en font l’égal de Sherlock Holmes. Sa capacité à se transformer, à changer d’identité, à se dissimuler, en font l’égal de… personne, mais simplement le meilleur au monde. Sa force surhumaine (entraîné aux différents arts du combat depuis l’enfance, mais également disposant d’une force inexpliquée dans les mains, qui le tire souvent d’affaire) en font un superhéros. Sa faculté à rester (presque) toujours léger, plein d’esprit et de sens de l’humour — et même d’autodérision — peut également être porté au crédit du côté « surhumain » (même si dans les moments tragiques il lui arrive de souffrir et d’encaisser de violents malheurs). Allez, il a deux petits défauts, mais qui le « typent » français : il est joli-cœur (il tombe amoureux au détour de chaque aventure) et il est prétentieux (cette prétention s’appuyant sur une vraie supériorité, elle est juste un peu agaçante).
« Héros altruiste » ? C’est la définition parfaite de Lupin pendant 95% de ses aventures. « Accomplir des prouesses » ? C’est le ressort de quasiment tous les romans écrits par Maurice Leblanc. « Pour une noble cause » ? Idem. Donc Hayao Miyazaki a juste repris ici le personnage de Lupin tel qu’il existe dans la quasi-totalité de l’œuvre initiale de Maurice Leblanc.
Ce qui vous induit en erreur, c’est que les quelques feuilletons télé qui ont utilisé le personnage se sont essentiellement basés sur les deux premiers recueils de nouvelles, et ont brodé à partir de là. C’est d’ailleurs assez terrible, et je crois que Leblanc serait assez vexé voire outré de cette situation : la télévision a tronqué la connaissance du personnage par le grand public en France, a « réduit » le personnage à son caractère initial, à deux volumes sur un corpus de 22 romans et recueils. Oh, certes, le côté anarchiste, fantaisiste, plaisantin, gouailleur, cabotin : cela est resté tout du long, cet aspect des séries télé est conforme, la « personnalité » du Lupin des séries télé n’est pas une trahison. Mais, à part dans une toute petite partie des aventures de Lupin, ces aspects plaisants et légers servent à équilibrer des drames et des enquêtes sombres, et non plus du tout à raconter des histoires de cambriolage.
En fait, je suis vraiment surpris qu’à part ce studio japonais à la fin des années 1970, personne dans le monde du cinéma n’ait eu l’idée de faire de Lupin un superhéros emporté dans des aventures successives. Il a toutes les caractéristiques nécessaire pour une franchise de films mêlant action, mystères, charme, humour et superhéros. Toute la matière est déjà là dans la vingtaine de romans et la trentaine de nouvelles (pouvant être développées) — il faudrait juste un peu adapter les situations au monde contemporain, mais tous les ressorts du cinéma sont déjà là, tout l’équilibre entre les ingrédients, le rythme, le suspens, les morceaux de bravoure, etc.
En tout cas, sans retirer aucun mérite à Miyazaki, il a juste été fidèle au personnage. Et tant mieux !
Merci pour toutes ces intéressantes précisions sur le personnage d’Arsène Lupin. Mais le personnage central ici est Lupin III, censé être le petit fils d’Arsène Lupin. Dans le film précédent, Lupin III avait, semble t-il, des activités plus proche de la criminalité. C’était le sens de ma remarque.
Mais vous avez raison de dire que Miyazaki remet Lupin III dans l’esprit du personnage créé par Maurice Leblanc.