Titre original : « The Informer »
Dans l’Irlande des années 20 sous domination anglaise, Gypo Nolan vit misérablement et rêve de pouvoir impressionner Katie qui désire tant partir en Amérique. Il est ami avec Frankie qui appartient à l’Armée Républicaine clandestine et dont la tête est mise à prix… Il n’est guère surprenant que John Ford ait eu des difficultés à faire accepter cette adaptation d’un roman de Liam O’Flaherty (1). Pour réaliser cette oeuvre anti-commerciale par excellence, John Ford n’eut finalement droit qu’à un plateau de second ordre, un « couloir » dont l’état de vétusté l’obligea à utiliser beaucoup de brouillard. Il demanda à son directeur de la photographie Joseph August de lui donner des tonalités similaires à celle de L’Aurore de Murnau. John Ford donne à cette histoire d’une belle simplicité une très grande force. Victor McLaglen a ici une présence phénoménale. Après des débuts difficiles, le film connut un grand succès et rafla quatre Oscars.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Victor McLaglen, Heather Angel, Preston Foster, Wallace Ford
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Remarques :
* Anecdote célèbre rapportée par Robert Parrish (qui fut figurant et assistant-monteur sur ce film) :
Le premier jour de tournage, John Ford fit réunir toute l’équipe pour présenter le producteur délégué : « Le monsieur que voici est un producteur délégué ». Il lui fit doucement tourner la tête pour que tout le monde puisse le voir de face et de profil. « Regardez-le bien parce que vous ne le reverrez plus sur le plateau d’ici la fin du tournage ! ». Et il serra la main du producteur en lui disant : « Merci d’être venu, Cliff ! Nous nous reverrons au moment des rushes. » (in J’ai grandi à Hollywood de Robert Parrish, Stock 1980). A noter que le producteur en question est Cliff Reid.
* Autre anecdote tout aussi célèbre :
Lorsque, le dernier jour, le même producteur vint sur le plateau pour dire sa satisfaction que le tournage soit fini dans les temps et, chose très imprudente, qu’il trouvait les derniers rushes de la scène de l’interrogatoire fantastiques, John Ford (qui, lui, n’avait pas encore regardé les rushes en question) fit revenir l’équipe : « Ce n’est pas fini : on refait la scène de l’interrogatoire ! » Et le tournage dura deux jours de plus.
* On peut noter l’utilisation ponctuelle de la caméra subjective.
* Précision : 1 livre de 1920 équivaut environ à 50 euros actuel, ce qui met par exemple le prix de la traversée (10 £) à 500 euros.
Précédente adaptation :
The Informer de Arthur Robison (1929) avec Lars Hanson, film anglais mi-muet, mi-parlant.
Remake :
Point noir (Uptight) de Jules Dassin (1968) avec Raymond St. Jacques, l’histoire étant transposée dans le milieu des militants révolutionnaires noirs.
(1) Le film a finalement été financé par Joe Kennedy, le père du futur président, pour la RKO qui pensait que le film pouvait faire office d’oeuvre de prestige.
Victor McLaglen est le mouchard dans le film The Informer de John Ford.
LE BON LA BRUTE ET LE TRUAND / POUR QUELQUES LIVRES DE PLUS
C’est de toute évidence LE film de Victor Mc Laglen (britannique, ancien boxeur puis distribué la plupart du temps dans les rôles de géants alcooliques), qui les incarne tous les trois à tour de rôle dans ce film et les empoche. Ford l’employait régulièrement, tantôt avec bonheur, tantôt dans le surjeu, tantôt aux avants-postes, tantôt en rôles secondaires. Il est de tous les plans dans ce Ford irlandais sous domination expressionniste qui doit pas mal au Fritz Lang de M le maudit auquel Ford, en bon styliste, reprend des idées et des figures. Bien sur on ne peut pas ne pas remarquer aujourd’hui bon nombre de séquences trop appuyées et redites (scénario, interprétation, mise en scène) jusqu’à un final christique pour la brute épaisse rustre et malheureuse au grand coeur (voir « Des souris et des hommes » de Steinbeck que Ford aurait pu tourner avec Fonda et Mc Laglen)
Un superbe ouvrage, sous haute influence impressionniste allemande. Murnau, certes, mais également Lang et son référentiel M. Le Maudit, comme indiqué supra, auquel le film fait, à seulement 4 ans de distance, directement référence (jugement du déviant par un tribunal de réprouvés, personnage providentiel de l’aveugle, ruelles sordides et brumeuses…).
Quoiqu’il en soit, et en dépit de choix artistiques marqués, il s’agit d’un film incontournable et hautement estimable, marqué par un contexte irlandais faisant directement écho à l’histoire personnelle du réalisateur, ce qui en renforce encore l’intérêt… une sorte de frère siamois et maléfique de l’élégiaque « Homme tranquille » … les deux faces de la pièce irlandaise ? Référentiel ! Et que dire de la prestation de Victor Mc Laglen, si ce n’est qu’elle est inoubliable ?
La scène finale est malgré son minimalisme d’une grandeur à faire pleurer les cailloux !