Titre original : « Il bell’Antonio »
Antonio Magnano est de retour chez ses parents à Catane en Sicile, avec une solide réputation de coureur de jupons acquise à Rome. A la grande satisfaction de ses parents, il épouse en grandes pompes Barbara Puglisi, fille de bonne famille, qu’il trouve très belle. A ses yeux, elle a un visage d’ange. Au bout d’une année, il apparaît que la jeune épouse est toujours vierge… Le Bel Antonio est originellement un roman de Vitaliano Brancati qui est ici adapté librement pour le cinéma par Pier Paolo Pasolini, ici scénariste (1). Utilisant le thème de l’impuissance, Pasolini et Bolognini dressent une critique d’une société archaïque et hypocrite, basée sur le patriarcat et l’omniprésence de la famille. La mise en scène de Bolognini est remarquable avec une photographie aux superbes contrastes signée Armando Nannuzzi. Mastroianni fait une très belle interprétation tout en douleur contenue et donne une image christique de son personnage, impression renforcée par le superbe plan final, ce reflet du visage de Mastroianni dans la vitre qui évoque le suaire de Turin.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale, Pierre Brasseur, Rina Morelli, Tomas Milian
Voir la fiche du film et la filmographie de Mauro Bolognini sur le site IMDB.
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Voir les autres films de Mauro Bolognini chroniqués sur ce blog…
(1) Le Bel Antonio marque la dernière collaboration de Mauro Bolognini avec Pier Paolo Pasolini qui va se consacrer ensuite à la réalisation. Pour Mauro Bolognini, cette séparation sera également un tournant dans son parcours.
Claudia Cardinale et Marcello Mastroianni dans Le Bel Antonio (Il bell’Antonio) de Mauro Bolognini.
Festival de Locarno 1960 Voile d’Or Meilleur Film Mauro BOLOGNINI
J’ai toujours cru que la servante avait mentie au sujet du bebe etant d’Antonio. Elle etait amoureuse de lui – comme toute les autres femmes – et se servit de cette opportunitee pour l’attraper (le marier) et sauvegarder sa reputation de Don Juan en meme temps.
Une maneuvre de « blackmail » emotif Machiavellique qui rend la servante maitresse du bel Antonio pour la vie. En se levant de terre elle lui demande doucement pardon. Il me semble qu’il comprenne le jeu et ce laisse faire pour pouvoir, d’un coup et sans effort, entrer de nouveau dans la norme.
Je me suis trompee car personne d’autres ne la vue comme ca.
Merci beaucoup.
b
Autant que je me souvienne, la fin n’est pas nette et reste ouverte à interprétation. Votre vision est donc possible. On peut même écarter les intentions machiavéliques : il est possible que la servante soit si amoureuse du bel Antonio qu’elle lui « offre » un enfant pour qu’il puisse sauver sa réputation d’homme.
D’apres moi le vrai pere serait le cousin d’Antonio. Il y a une scene ou le jeune homme court apres Santuzza et la caresse, lui dit que les petites femmes de son genre lui plaisent, puis il l’embrace sur la tete, le visage comme pour dire, « Je n’en ai pas fini avec toi. »
Le nom « Santuzza » serait une forme diminutive de « santa » qui veut dire sainte. Y-aurait-il une touche d’ironie dans ce nom? Peut-etre. Est-ce par bonté qu’elle sauve Antonio de la catastrophe? Ou est-elle une petite opportuniste?
C’est comme si Antonio ayant perdu son « ange » se retrouve a la fin avec une « sainte. » haha
Je prefere quand meme maneuvre « machiavellique » car les pauvres filles qui font le boulot de servante savent que les bébés ne naissent pas dans les choux.
J’aime beaucoup ce film et je vous remercie pour votre reponse.
b
« Le cynique est celui qui, lorsqu’il sent un parfum de fleurs, cherche le cercueil. »
Henry Louis Mencken
Ce film fait partie de ceux qu’il n’est plus acceptable, en 2022, de présenter sans prendre en compte les moeurs qu’il décrit, car son scénario n’est possible qu’à l’intérieur du système social machiste de l’Italie de 1960.
Limiter une critique, positive ou négative, à la mise en scène ou aux qualités d’acteurs, en passant sous silence la description de l’oppression écrasante qu’y subissent toutes les femmes, et les hommes pas assez virils, reviendrait à être de connivence avec le mode de vie conté.
Ce qui est transmis par le scénario, c’est que, dans la bonne société, les hommes doivent épouser des oies blanches, mépriser leurs épouses, apprécier les maisons closes, se vanter de leurs viols ancillaires, décider entre eux de la place qu’ils assignent aux femmes.
L’histoire ne pourrait pas avoir lieu sans tous ces postulats encore en vigueur en Europe dans les années 1950 : la vierge épousée par le bel Antonio ignore que son mari aurait dû la déflorer et ne sait pas pourquoi elle ne tombe pas enceinte. Le marié confie à son ami qu’il est impuissant avec sa femme, mais seulement avec elle, car il l’aime d’un amour éthéré, alors que les prostituées ne l’intimident pas ; aux autres, il laisse entendre que s’il voulait, il pourrait, mais qu’il ne désire pas sa femme. L’église catholique annule l’union pour non-consommation. Le doute qui pourrait subsister quant aux difficultés de bandaison du bel Antonio est balayé par la servante, qui le désigne comme responsable de sa grossesse. L’épouse vierge est remariée à un autre homme, le bel Antonio épouse (peut-être) la servante … Le film se termine sur les diverses félicitations que reçoit le héros pour être si conforme à l’image de bon baiseur que se doit de donner tout homme.
Ce film est le reflet d’une époque qui, heureusement, s’éloigne, en tout cas dans certaines parties du monde. On peut le revoir, mais en ayant conscience de son machisme.
Il ne vous a certainement pas échappé que le film est une puissante critique de la société sicilienne. C’est même tout le propos de Bolognini (et de Pasolini, ici scénariste) : montrer l’archaïsme d’un système social basé sur la puissance masculine. Donc, il n’est pas question d’être « de connivence avec le mode de vie conté »…! Le film est au contraire fait pour vous faire réagir.