Titre original : « Babettes gæstebud »
Nous sommes à la fin du XIXe siècle, dans un petit hameau isolé de la côte danoise. La française Babette a fui Paris après la répression qui a suivi la Commune de 1871 et s’est réfugié ici. Elle est servante chez deux soeurs très pieuses, filles d’un défunt pasteur qui avait su unir la petite communauté. Quinze plus tard, grâce à une somme d’argent presque tombée du ciel, Babette va préparer pour le village un repas « à la française »… Le Festin de Babette fait partie de ces films totalement à part, uniques en leur genre, ceux que l’on n’oublie pas. L’histoire est inspirée d’une nouvelle de la danoise Karen Blixen (1). Elle est mise en scène avec beaucoup de retenue et de douceur, et aussi une certaine austérité à l’image de ses personnages qui sont tout à leur dévotion, à la recherche d’un certain ascétisme jusque dans leurs paroles. Les deux soeurs communiquent entre elles presque exclusivement par des regards. Cela n’empêche pas l’humour d’être présent, notamment dans toute la séquence du repas. L’ensemble fait penser à certains films de Dreyer (2). Au-delà du regard porté sur cette petite communauté qui semble hors du monde, Le Festin de Babette est un film sur la grâce, cette grâce indéfinissable mais aussi insaisissable : les deux voyageurs venus du monde extérieur ont bien perçu cette grâce mais, incapables de la saisir pour s’en emparer, ils en sont restés perturbés à jamais. Le Festin de Babette serait ainsi un film plutôt contemplatif : tout comme nous savourons des yeux ce repas unique, cette belle fable pose plus de questions (notamment sur le sens que nous donnons à notre vie) qu’elle ne donne de solutions. Le petit discours du général en fin de repas est représentatif de notre propre confusion : lui qui venait chercher des réponses va repartir encore plus troublé mais comme nourri (!) d’une dimension supplémentaire. L’interprétation est parfaite, sans éclat inutile. Oui, Le Festin de Babette fait bien partie de ces films à nul autre pareil. Il semble, lui aussi, avoir été touché par la grâce.
Elle:
Lui :
Acteurs: Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel, Jarl Kulle, Jean-Philippe Lafont, Bibi Andersson
Voir la fiche du film et la filmographie de Gabriel Axel sur le site IMDB.
(1) Karen Blixen (1885-1962) est également l’auteure de Out of Africa (porté à l’écran par Sidney Pollack) et de Une histoire immortelle (porté à l’écran par Orson Welles).
(2) Le visage de l’un des personnages, une femme du village, ressemble vraiment beaucoup à Mathilde Nielsen dans Le Maître du logis (1925) de Carl Dreyer (cliquer pour voir l’affiche). Il s’agit probablement d’un hommage.