Sous un faux nom, la fille cadette de Victor Hugo, Adèle, arrive par bateau à Halifax en 1863. Elle vient en Nouvelle-Écosse rejoindre un lieutenant de hussards britannique avec lequel elle a eu une brève idylle et qu’elle continue d’aimer avec force. Quand elle entre enfin en contact avec le jeune homme, celui-ci ne semble guère heureux de la revoir et la repousse… En se besant uniquement sur des faits réels et historiques, François Truffaut nous raconte l’histoire d’Adèle Hugo (1). Il porte sur cette histoire d’amour-passion à un seul personnage le même type de regard que sur le cas de L’Enfant sauvage : il observe et décrit ce glissement accepté vers la folie avec un détachement presque clinique. Certes on peut regretter une certaine froideur, qui normalement ne sied guère aux histoires d’amour-passion, mais Truffaut est un grand conteur et nous sommes captivés par son récit ; sa réalisation est d’un grand classicisme dans le sens noble du terme, tout ici est essentiel. Le montage est superbe, privilégiant la continuité du personnage plutôt que la continuité temporelle. C’est le premier grand rôle pour Isabelle Adjani qui livre une belle interprétation du type « habité par son personnage », mais sans aucun excès toutefois. Rejetée à la fois par l’homme qu’elle aime et par sa famille, elle s’enferme peu à peu dans la bulle qu’elle s’est créée. Il faut remarquer à quel point L’Histoire d’Adèle H. est un film à un seul personnage ; cela le rend encore plus remarquable.
Elle:
Lui :
Acteurs: Isabelle Adjani, Bruce Robinson
Voir la fiche du film et la filmographie de François Truffaut sur le site IMDB.
Voir les autres films de François Truffaut chroniqués sur ce blog…
Remarque :
* Bruce Robinson, l’acteur qui interprète le lieutenant, s’est ensuite tourné vers l’écriture de scénarios puis vers la réalisation.
* François Truffaut fait une apparition « cameo » : il est l’officier qu’Adèle pense avoir reconnu dans la rue peu après son arrivée à Halifax.
(1) Adèle Hugo est le cinquième enfant et la seconde fille de Victor Hugo. Sa mère se prénommait également Adèle. Sa soeur aînée, Léopoldine, s’est tuée dans un accident de bateau à l’âge de 19 ans, peu après son mariage, tragédie dont Victor Hugo n’est jamais vraiment remis. Léopoldine était la fille préférée de ses parents et Adèle a toujours vécu dans son ombre. Adèle a laissé un journal de 6000 pages.
Ce film est celui qui m’a fait admirer Isabelle Adjani. Jusqu’alors « pollué » par son image publique de grande fille un peu trop sensible, je rangeais l’actrice dans le rang des comédiennes un peu trop cotées pour être honnête. J’étais injuste.
Isabelle Adjani est ici prodigieuse d’intensité et la caméra de François Truffaut amplifie même cette impression de constante frénésie, il me semble. J’ai souvenir d’une scène dans une maison où Adèle cherche son aimé. La caméra suit ses pas, se trompe de direction, revient en arrière… et, alors que nous savons tout de suite où il faut chercher, nous sommes quand même sous le choc de la découverte par Adèle. Voyez-vous de quoi je parle, « Lui » ?
Non, vraiment, je vous suis: très grande comédienne et très beau film.
Vous voulez sans doute parler de la scène où elle espionne son lieutenant alors qu’il se rend à un rendez-vous galant chez une jeune veuve.
C’est une belle scène en effet, avec de nombreux plans, superbement montée et qui se finit par cet étrange sourire d’Adèle…