Titre original : « Tarzan escapes »
Lui :
Pour une nébuleuse histoire d’héritage, la cousine de Jane arrive avec son frère en Afrique dans l’espoir de ramener Jane à Londres. Une expédition est entreprise pour aller dans ces régions de hauts plateaux inaccessibles où ils pensent la trouver… Tarzan, le personnage créé par Edgar Rice Burroughs, a été adapté de nombreuses fois au cinéma mais c’est la série de films avec Johnnie Weissmuller, champion olympique de natation, qui eut le plus d’impact, créant une véritable image populaire. Tarzan s’évade est le troisième film de cette série. C’est un film plus sage que deux précédents ; il repose sur un dosage d’aventures et d’exotisme que l’on retrouvera dans les films suivants. Malgré ce début de standardisation, la magie opère toujours, le film reste agréable et prenant, très divertissant. Le code Hays étant alors pleinement en vigueur, la belle Jane (Maureen O’Sullivan) a du troquer son bikini deux-pièces en peau de léopard pour une robe courte, nettement plus couvrante. Johnny Weissmuller conserve le droit de montrer toute sa musculature. On pourra s’amuser de voir reproduit le confort à l’américaine : Jane et Tarzan se sont aménagé un ascenseur, l’eau courante, un tourne broche et même un ventilateur. Dans le film suivant, il se verra affublé d’un fils, ce qui achèvera la reproduction de la cellule familiale américaine.
Note :
Acteurs: Johnny Weissmuller, Maureen O’Sullivan, John Buckler, Benita Hume, William Henry, Herbert Mundin
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Thorpe sur le site IMDB.
Voir les autres films de Richard Thorpe chroniqués sur ce blog…
Remarques :
* La production fut difficile. Le réalisateur initial était James C. McKay. Hélas, le premier montage reçut un accueil très mitigé des publics-test, notamment en raison de la brutalité des scènes d’action. Le réalisateur fut renvoyé sur le champ et la MGM appela John Thorpe à la rescousse qui aurait (dit-on) tout repris à zéro…
* Tarzan s’évade réutilise certaines images tournées pour Trader Horn de W.S. Van Dyke (1931), film qui avait été tourné sur place en Afrique pendant près d’un an. Il réutilise également certaines scènes des deux précédents Tarzan, telle la scène du combat avec le crocodile.
La série des Tarzan avec Johnny Weissmuller :
Avec Maureen O’Sullivan dans le rôle de Jane (les deux premiers sont les plus remarquables et mettent en place tous les codes de la série, dont le fameux cri de Tarzan):
1. Tarzan, l’homme-singe (Tarzan the Ape Man) de W.S. Van Dyke (1932)
2. Tarzan et sa compagne (Tarzan and His Mate) de Cedric Gibbons (1934)
3. Tarzan s’évade (Tarzan Escapes) de Richard Thorpe (1936)
4. Tarzan trouve un fils (Tarzan Finds a Son) de Richard Thorpe (1939)
5. Le trésor de Tarzan (Tarzan’s Secret Treasure) de Richard Thorpe (1941)
6. Les aventures de Tarzan à New-York (Tarzan’s New York Adventure) de Richard Thorpe (1942)
Sans Jane (« partie visiter sa famille en Europe »)
7. Le triomphe de Tarzan (Tarzan Triumphs) de Wilhelm Thiele (1943)
8. Le mystère de Tarzan (Tarzan’s Desert Mystery) de Wilhelm Thiele (1943)
Avec Brenda Joyce dans le rôle de Jane
9. Tarzan et les amazones (Tarzan and the Amazons) de Kurt Neumann (1945)
10. Tarzan et la femme leopard (Tarzan and the Leopard Woman) de Kurt Neumann (1946)
11. Tarzan et la chasseresse (Tarzan and the Huntress) de Kurt Neumann (1947)
12. Tarzan et les sirènes (Tarzan and the Mermaids) de Robert Florey (1948).
A lire sur le mythe de Tarzan adapté au cinéma :
« Tarzan ou la chute d’un mythe » de Francis Lacassin dans Cinéma 62 n°65 d’avril 62, texte repris dans son (excellent) livre « Pour une contre histoire du cinéma ». Et du même auteur : « Tarzan ou le chevalier crispé ».
Bien sûr, c’est la série avec Johnny Weissmuller qui est la plus populaire, mais non la plus remarquable : il ne reste pas grand chose du récit et du personnage créés par Edgar Rice Burroughs, une fois passés à la moulinette hollywoodienne.
Le plus célèbre Tarzan a été Johnny Weissmuller, mais le plus proche de l’œuvre de Burroughs a été Christophe Lambert dans le seul film qui respecte l’œuvre de l’écrivain : « Greystoke, la légende de Tarzan », du Britannique Hugh Hudson, en 1984.
Il y a eu 21 Tarzan officiels américains et une trentaine d’ersatz dans des films de série Z qui ne sortaient pas de leur pays d’origine : 8 Indiens, 1 Chinois, 2 Turcs, 1 Portugais, 1 Tchécoslovaque, 6 Italiens, 1 Russe, 2 Allemands, 1 Jamaïcain, 2 Espagnols, 2 Suédois et 1 Canadien… ainsi que 2 pornos américains.
Merci bien pour ces informations.
J’ajouterais que Edgar Burroughs a lui-même produit deux films, en réponse au succès des deux premiers Weissmuller :
« Les nouvelles aventures de Tarzan » (1935) et « Tarzan et la déesse verte » (1938), tous deux réalisés par Edward A. Kull avec Herman Brix (vrai nom = Bruce Bennett), autre médaillé olympique (pour le lancer du poids en ce qui le concerne) et qui avait un temps été pressenti par la MGM pour le rôle avant qu’ils ne choisissent Weissmuller.
Sinon, le terme « remarquable » que j’ai employé n’est sans doute pas idéal. Je voulais dire « celle qui a eu le plus d’impact en terme d’imagerie populaire ». Je voulais éviter de faire une phrase trop compliquée… Je vais changer.
Bien sûr, Greystock est le meilleur Tarzan.
Mais cela n’empêche pas les premiers de la série Weissmüller-O’Sullivan d’être très bons. Qu’ils ne suivent pas exactement les romans n’a strictement aucune importance : si je veux lire les romans, je lis les romans. Les films existent par eux-mêmes, la question est de savoir s’ils sont bien fichus ou pas.
Et ces vieux Tarzan sont plutôt réussis. Bon, j’ai souligné en commentaire du premier qu’il faut hélas pratiquer une « suspension temporaire d’indignation face au racisme et au colonialisme » (mais pas plus que dans la quasi-totalité des romans, films et BD de l’époque). Il faut aussi s’amuser des raccords bricolés, des plans clairement superposés (les acteurs jouant sur la projection d’un autre film, souvent documentaire), et des trapèzes visibles lors des trajets de Tarzan « de liane en liane ».
Globalement, ces films (je parle ici des trois premiers avec Weissmüller et O’Sullivan, que je viens de revoir) ont un côté « bande-dessinée ». Les animaux se parlent entre eux, les péripéties sont parfois téléphonées, le schéma est exactement le même dans les trois films (première partie avec une expédition s’avançant vers l’escarpement de Mutia, attaquée par une tribu sauvage ; quelques chutes de porteurs dans l’ascension ; attaque d’une autre tribu sur le plateau vers la fin du film, avec mise à mort des porteurs ; intervention salvatrice de Tarzan avec l’aide de ses éléphants). Mais ce n’est pas désagréable, la répétition n’est pas pire que dans bien des BD que nous relisons pourtant avec plaisir.
Et il y a vraiment des aspects intéressants et très originaux par rapport à ce qu’est devenu le cinéma.
Par exemple, j’ai noté que dans ces trois films il n’y a strictement aucune musique (sauf au générique de début… et deux secondes avant le générique de fin). Cela permet des scènes très apaisantes ou au contraire très stressantes, car l’attention est centrée sur l’action avec une « tension » renforcée par le silence (ou plutôt les légers bruits de jungle ajoutés, mais parfois un vrai silence, tellement rare au cinéma !). Le revers est que, sans doute pour meubler un peu une bande-son dont le silence permanent pourrait déstabiliser, chaque scène d’attaque tribale est écrasée par les tambours et cris tonitruants des assaillants (et d’autres par les barrissements des éléphants), certaines scènes sont donc au contraire assourdissantes. Mais cela reste étonnant.
Il y a une vraie réussite et un vrai talent à réussir à créer un film rythmé et aventureux tout en étant à contrepied de toutes les « recettes » actuelles. Pas de musique, donc. Mais aussi des moments presque oniriques ou en tout cas idylliques. Et des moments qui confinent au documentaire animalier ! Et des scènes où les animaux agissent seuls et communiquent entre eux. Bref, des choix qui seraient refusés par n’importe quel producteur actuel, et qui aboutissent pourtant à un vrai rythme.
Par ailleurs, il y a bien sûr la violence crue (présente même dans cette version censément moins violente que la version initiale de ce troisième opus), certes infiniment plus minime que dans les films d’action actuels… mais bien plus importante que dans les films d’aventure des années 1940-1980. Et les allusions sexuelles, voire une incroyable scène de nudité dans le deuxième film (que vous n’avez pas chroniqué, mais cela mérite d’être souligné). Dans Tarzan et sa compagne, une longue scène de natation filmée sous l’eau * nous montre Maureen O’Sullivan entièrement nue, sans tabou, sans fausse pudeur, c’est assez stupéfiant pour l’époque (cela devait être quelques mois avant l’entrée en vigueur du Code Hays).
En fin de compte, des films qui ont tout pour être ringards et mineurs, et qui se révèlent étonnamment réussis (même si bien sûr cela reste un simple divertissement).
—————
* Ce troisième volet comporte une scène très proche, sans nudité cette fois, mais avec un supplément de poésie et d’esthétisme, dans une « forêt sous-marine » magnifique.