Titre original : The immigrant
En 1916 et 1917, Charlie Chaplin est dans la période où il construit son personnage. Parmi les douze courts métrages qu’il tourne alors pour la Mutual, L’émigrant est le plus remarquable car il marque un tournant important. Alors que jusqu’ici ses films jouaient la carte du comique pur, c’est dans L’émigrant que Chaplin introduit pour la première fois un fond de situation tragique sur lequel l’humour vient prendre appui. Ici, il s’agit de la situation des immigrants qui arrivent aux Etats-Unis : traversée difficile, mauvais traitement par les services d’immigration et ensuite la pauvreté. Difficile de trouver plus tragique… et pourtant c’est l’humour qui domine. Le comique prend ainsi une dimension sociale, presque documentaire, qui élève incontestablement le film au dessus de ses semblables. L’émigrant a beau ne durer qu’une vingtaine de minutes, il est étonnamment riche. Il permet d’assister en quelque sorte à la naissance du « grand Chaplin ».
Note :
Acteurs: Charles Chaplin, Edna Purviance, Eric Campbell, Henry Bergman
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Chaplin sur le site IMDB.
Voir les autres films de Charles Chaplin chroniqués sur ce blog…
Remarque :
* Au départ, le film ne devait comporter que la scène du restaurant. C’est en cours de tournage que Chaplin eut l’idée d’expliquer pourquoi le personnage joué par Edna Purviance se retrouvait sans le sou dans un restaurant.
* La genèse de ce film est expliquée dans le remarquable documentaire anglais Unknown Chaplin (Chaplin inconnu) de Kevin Brownlow (1982).
* Lors de la mise en accusation de Charlie Chaplin par la commission présidée par McCarthy au début des années cinquante, L’émigrant fut cité à charge par ses accusateurs : la scène où son personnage reçoit un coup de pied par l’employé du service d’immigration pour entrer aux Etats-Unis était à leurs yeux l’une des preuves manifestes de son anti-américanisme. De force, Charlie Chaplin dut quitter les Etats-Unis en 1952 pour aller s’établir en Suisse jusqu’à sa mort en 1977 (il ne remit les pieds aux Etats-Unis qu’une seule fois en 1972 pour recevoir un Oscar). Alimentée par le fanatisme et la peur, la bêtise humaine ne semble pas avoir de limite.
Merci pour ces explications sur le maccarthysme.
Meilleur film de Chaplin durant sa période « Mutual » ; Bientôt il volera des ses propres ailes..
i love charlie
Attention ! le titre de ce court métrage est mal traduit.
Le titre original en anglais est « The Immigrant » : cette, information est très facile à vérifier sur toutes les sources existantes, à commencer par les affiches d’époque (notamment celle qui est reproduite dans cet article).
C’est sa traduction qui est erronée : « immigrant », en anglais, signifie « immigrant » en français, et non pas « émigrant » qui se dit, en anglais, « emigrant ».
Il est très facile de vérifier cette information sur n’importe quel dictionnaire.
Il existe donc en anglais, comme en français, les deux termes et ils ne signifient pas la même chose : on peut même dire qu’ils signifient le contraire l’un de l’autre, ce qui dénature donc complètement la signification du titre..
Il est donc important de corriger cette faute de traduction qui trahit l’esprit de l’œuvre originale dont le titre est bien « The Immigrant ».
Charlie Chaplin a intitulé son court métrage « L’Immigrant », pas « L’Émigré » : nul ne contestera qu’il faille respecter son choix en tant que seul dépositaire légitime de son œuvre.
Merci de corriger cette faute dans le souci de la vérité historique, artistique et lexicale.
Cordialement.
Les titres français que je mentionne ne sont pas des traductions, ce sont les titres sous lesquels les films ont été distribués en France.
En outre, le titre choisi pour la distribution de ce film en France n’a rien d’absurde (contrairement à de nombreuses traductions aberrantes, qui sont légion hélas dans le cinéma).
En effet, un film s’adresse à un public. Aux États-Unis, où ce film est sorti sous son titre original The Immigrant, voir les mésaventures de personnes venant d’Europe et souhaitant vivre aux États-Unis relève évidemment de la notion d’immigration. Pour le spectateur étatsunien, Chaplin est un « immigrant » dans ce film. OK.
Mais enfin !, il est évident que pour un Français, voir les mésaventures de personnes quittant l’Europe pour aller vivre aux États-Unis relève indiscutablement de la notion d’émigration. Pour le spectateur européen, Chaplin est dans ce film en train d’émigrer, ce qui au participe présent (l’action est en cours) donne « émigrant ».
Si le film avait été titré « L’immigrant », les spectateurs n’auraient rien compris ! « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Ce n’est pas comme ça, chez nous ! Les immigrants ne passent pas par une île pour être acceptés en France ! C’est n’importe quoi ! »
Il n’y aurait aucun sens à exiger du spectateur français de se mettre dans la peau d’un spectateur étatsunien ! Pour le coup, là ce serait un contresens, et ça rendrait le film incompréhensible. Il serait absurde de prétendre à un Français qu’un type qui s’éloigne de lui est en train de se rapprocher ! C’est une question de bon sens élémentaire, et ce titre n’est évidemment absolument pas une trahison, il est une parfaite traduction. Il permet de conserver son sens au film, de rendre la situation compréhensible de la part du spectateur (au lieu de créer une incompréhension imbécile au motif d’une traduction mot-à-mot : la traduction ne peut JAMAIS être du mot-à-mot). Souvent, c’est le mot-à-mot qui est une trahison (une trahison de l’auteur, oui !), et c’est l’ajustement sémantique qui est un respect de l’œuvre. Je conteste donc de A à Z le commentaire hors-sujet de Marlène.
Pour être rigoureux, on peut dire que le personnage joué par Chaplin était un « émigrant » à son départ d’Europe pour devenir un « immigrant » à son arrivée aux Etats-Unis.
Bon, mais que ces subtilités de langage soient à même de « dénaturer » le propos du cinéaste, j’en doute un peu… :-))