28 juin 2008

Le limier (1972) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : « Sleuth »

”Le limierElle :
(pas vu)

Lui :
C’est le dernier film de Joseph Mankiewicz et l’un de ses chefs-d’œuvre. Loin des superproductions comme Cléopâtre (dont l’insuccès lui fit tant de mal), Le limier est un petit tour de force : parvenir à tenir en haleine le spectateur pendant plus de deux heures avec seulement deux acteurs n’est en effet pas un tâche facile même si le lieu est un vaste manoir anglais empli d’automates. Un écrivain à succès, amateur de jeux, (Laurence Olivier) a invité l’amant de sa femme (Michael Caine) à venir le rencontrer. La confrontation sera étonnante… Il s’agit de l’adaptation d’une pièce d’Anthony Shaffer dont le déroulement du scénario est absolument parfait et qui ne se départit jamais d’une forte intensité. Le jeu dans le jeu, le face à face de deux mondes, retournements et faux-semblants alimentent constamment Le Limier pour former un ensemble particulièrement riche, que seuls deux grands acteurs et un très grand réalisateur pouvaient porter à de tels sommets.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Laurence Olivier, Michael Caine
Voir la fiche du film et la filmographie de Joseph L. Mankiewicz sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Joseph L. Mankiewicz chroniqués sur ce blog…

Remake :
Kenneth Branagh a tourné un remake en 2007, Le Limier où Michael Caine joue cette fois le rôle de l’aristocrate face au jeune Jude Law.

2 réflexions sur « Le limier (1972) de Joseph L. Mankiewicz »

  1. MACHINATION à MACHINERIE , ou DUO/DUEL AU MANOIR, ou CLUEDO A L’ANGLAISE, ou ANDREW ET MILO SONT DANS UN CHATEAU, les titres ne manquent pas, à l’instar de ceux d’un des deux protagonistes, auteur de romans policiers à la Agatha Christie et qui n’a par conséquent aucun mal à imaginer un diabolique et tordu scénario pour piéger son rival et donc ennemi, l’autre personnage du film. L’invitant est de souche britannique, riche, imbu et célèbre, l’invité est fils d’émigrés italiens, tient un salon de coiffure en banlieue londonienne et surtout est l’amant de la femme du précédent, c’est à ce titre qu’il est invité; deux mondes de rapports de classes et d’éducation s’affrontent dont le ressort est celui de l’humiliation. Le film démarre par deux séquences inédites par rapport à la pièce dont il est tiré (grand succès de Broadway et de Londres). D’abord le générique fait de maquettes de décors de théâtre et qui représentent des scènes clés de chaque roman policier de l’auteur. Ce générique est déjà un signe des chausses trappes dans lequel nous allons tomber, comme un avertissement, puisqu’il annonce pas mal de comédiens alors qu’ils ne sont que deux. Ensuite la séquence d’introduction où nous faisons connaissance de ces deux personnages, ainsi qu’eux mêmes d’ailleurs puisqu’ils ne se sont encore jamais rencontrés. Elle se situe dans le labyrinthe du manoir de l’auteur, endroit truqué lui aussi avec panneaux coulissant comme au théâtre, où l’on se perd, où il faut trouver le coeur, la résolution puis la solution pour en sortir, où la réalité est déformée avec miroirs, fausses sorties, curiosités, voix off…Kubrick s’en est peut être souvenu pour Shining. Ce départ assume la face entièrement théâtrale qu’est le film. Puis vont défiler deux parties qui vont couper le film en deux, en miroir l’une de l’autre, chacune ayant son maitre du jeu. Car pour jouer, il faut être au moins deux, il faut deux partenaires. On ne dévoilera bien sur pas le pourquoi du comment ni la fin mais rira bien qui rira le dernier
    On pouvait imaginer Mankiewicz jubilant, après le tournage monstrueux interminable et épuisant de Cléopâtre, de diriger juste deux acteurs dans un seul décor
    Le limier fait partie de ces films dépliés à la façon des origami japonais, ils sont en deux temps avec deux surfaces dont la seconde se glisse sur la première, le film caché sous le film, dont le Vertigo d’Hitchcock serait un peu la matrice
    J’avais vu le film à sa sortie au printemps 73 au cinéma Marivaux, puis huit jours après au Colisée qui le passait en VO pour entendre les voix de Laurence Olivier et Michael Caine qui prennent tour à tour différents accents en cabotinant, car c’est aussi un théâtre de l’outrance, tant du scénario, de l’interprétation, du décor. Ca m’avait littéralement enjoué. Une pièce sur le jeu, comme jouent les enfants. Qu’allait il en être à la revoyure 45 ans plus tard ? Car c’est aussi cela la question troublante du cinéma : va t’on être encore en état de se faire prendre au film comme au premier jour ? Oui et non. Le film est aujourd’hui rattaché à la fin d’un monde correspondant à un certain état du cinéma américain « comme on en fait plus ». il parait trop ficelé, surjoué et sur signifiant. On prend encore certes un certain plaisir de ce savoir faire que la nouvelle génération, qui biberonne aux séries Tv, doit considérer comme pachydermique. ce qui m’avait tant régalé – le théâtre assuré jusque dans ses plus grosses ficelles – m’a paru aujourd’hui bien loin de moi
    En 1999, l’écrivain Tanguy Viei a consacré un roman complet « Cinéma » au film (éditions de Minuit). Cette obsession du Limier vu sans cesse au magnétoscope l’amène, fait assez unique, à écrire sa propre obsession du film. Ce n’est qu’aux deux tiers de son roman qu’il cite le titre du film de Mankiewicz. Pourquoi ça s’appelle « Cinéma » et pourquoi « Le limier », il faut lire le livre bien sur, écrit comme un suspense
    LE LIMIER est une sorte de quintessence du cinéma de Mankiewicz. Est-ce parce qu’il a senti que c’était à la fois la somme et l’aboutissement de son oeuvre qu’il n’a plus tourner d’autres films après? Où parce qu’il n’avait plus sa place dans le cinéma hollywoodien? Il lui restait pourtant vingt années à vivre!

  2. Merci pour ce commentaire. Vous me donnez l’envie de revoir ce film (et de lire le livre de Tanguy Viei)…
    C’est effectivement dommage que Mankiewicz n’ait pas continué. Il n’avait alors que 63 ans. Il avait, semble t-il, des problèmes avec son producteur mais ce ne doit pas être la seule raison de son arrêt. En tous cas, il fait partie des très grands.

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