Elle :
Une bonne surprise avec ce deuxième film d’Emmanuel Carrère adapté de son propre roman. L’écrivain montre une bonne maîtrise de la mise en scène, chose assez rare chez un réalisateur non professionnel. L’idée de départ de scénario autour cette moustache rasée est vraiment très riche : elle donne lieu à toutes sortes de voies intéressantes pour étudier le comportement humain.
Le regard des autres est vital pour avoir le sentiment d’être vivant ; c’est tout le sujet du film qui parle de choses graves mais non dénuées d’humour. Une femme ne remarque pas l’absence de moustache de son compagnon et c’est le début de la fracture du couple et d’une longue errance à la limite de la folie pour le mari qui se réfugie à Hong Kong.
Emmanuel Carrère ne nous donne pas toutes les clés car les frontières entre le réel et l’imaginaire sont brouillées. A nous de trouver notre propre chemin. Vincent Lindon et Emmanuel parviennent à bien faire passer la fragilité et l’éphémérité de leur relation au bord du gouffre. On passe un bon moment.
Note :
Lui :
Quand Emmanuel Carrère passe derrière la caméra, il est logique qu’il nous fasse un film d’écrivain. Avec « La moustache », il réussit une belle performance d’écriture : comment, à partir d’un geste à la fois important et anodin (se raser la moustache), un homme pourrait-il voir sa vie s’écrouler comme un château de cartes ? Pas facile, et pourtant Emmanuel Carrère y parvient en partant de petits détails qui enflent et qui finissent par former une trame inquiétante et un monde mouvant. Pour Vincent Lindon, toutes les certitudes qu’il avait tombent les unes après les autres. Il perd pied.
La force du film est de nous faire partager les interrogations de son personnage : la sollicitude bienveillante de sa femme ne serait-elle pas la marque d’un complot ourdi par ses proches ? En tant que spectateur, on oscille, ne sachant trop quoi penser, se raccrochant aux quelques branches que l’on veut bien nous tendre. « Nous n’existons que par le regard des autres » semble nous dire Emmanuel Carrère qui s’amuse à malmener notre esprit rationnel qui voudrait tant trouver une explication à tout cela. Il est certainement vain de chercher l’explication unique, imparable, elle n’existe pas forcément et ne serait de toutes façons que d’un intérêt secondaire.
(Arrêtez ici la lecture de ce billet si vous n’avez pas encore vu le film.)
La fin, si énigmatique, n’existe probablement que dans l’esprit de son personnage : il idéalise comment tout cela aurait dû se passer, ou comment il pourrait renouer avec sa vie, retomber sur ses pieds. Mais le plan final sur la carte postale à la dérive et surtout de Vincent Lindon qui ouvre les yeux est, hélas pour lui, sans équivoque…
Peu auparavant, comme dans un dernier moment de lucidité, il avait écrit à sa femme (sur la fameuse carte postale) : « Sans tes yeux, je ne vois rien ». Le lendemain, il va accomplir de façon répétitive un acte inutile pour lui (prendre le bac pour se rendre à Hong Kong) comme pour se trouver une place, se donner un rôle dans un monde qui n’est plus le sien. Sur la carte postale, il aurait pu tout aussi bien écrire : « Sans tes yeux, je ne suis rien » !
Note :
Acteurs: Vincent Lindon, Emmanuelle Devos
Voir la fiche du film et la filmographie de Emmanuel Carrère sur le site imdb.com.
J’ai trouvé ça pas mal bien au début mais ensuite,je trouve que ça part en n’importe quoi,n’importe comment..
En gros,j’ai été super déçu par ce film que je croyais pourtant qu’il allait me plaire.
Ah ! enfin un film que j’ai vu… J’aime le surnaturel…mais là, je pense que le film est avant tout esthétique.
Vincent déraille, tout est vu par ses yeux qui anamorphose la réalité. J’aime bien le décalé, mais la fin est un peu trop fouillie pour moi, les aller-retour sur le bateau, la carte postale…Je suis heureuse de n’être pas allée le voir au ciné.
C’est l’histoire d’un mec qui se rase la moustache, bon jusque là c’est bon, aprés personne ne remarque etc,etc…
Moi je n’ai pas eu les clés pour comprendre la fin de ce film et cela m’a bien gonflé.
J’ai énormément apprécié ce film, d’abord pour les raisons que vous citez mais également étant déformé pour avoir vécu plusieurs années à Hong Kong. Dans la séquence du bac que vous évoquez, je trouve que Carrère va plus loin, car il montre que Lindon passe son temps à faire l’aller-et-retour entre l’île et le continent, un entre-deux, une incertitude, une indécision, qui illustre son état d’esprit. Encore plus loin (et dans le film et dans le traitement), la séquence dans la maison en pleine nature est elle aussi tournée sur une petite île du territoire, en total contraste avec l’urbanisation et la structuration imposante de la ville proche. Là encore passage, opposition, contraste entre deux états. Il y a probablement une dimension onirique à cette partie, mais ce n’est pas si sûr pour le spectateur, et cette maîtrise de la mise en scène du doute, cette capacité à avoir plongé dans l’univers de Hong Kong pour en restituer des aspects authentiques qui contribuent au propos, confirme encore plus à mes yeux la très grande qualité de ce film.
j’aurais aimé connaitre le nom de l’ile près de hong-kong où vincent lindon se réfugie, merci