27 mai 2006

Les Rapaces (1924) d’ Erich von Stroheim

Titre original : « Greed »

Les Rapaces Lui :
(Film muet) Greed fait partie des films les plus marquants et les plus mythiques de l’histoire du cinéma. La première version de cette adaptation du roman de Frank Norris durait 9 heures. Elle ne fut projetée qu’une seule fois, de façon privée, et Erich von Stroheim se résolut à réduire son film à 5 heures mais refusa d’en couper davantage. Il chargea le réalisateur Rex Ingram de continuer : le résultat durait alors 4 heures. La MGM, toujours insatisfaite, fit intervenir la scénariste June Mathis qui, sans avoir lu le livre, en fit une version de 2 heures qui sortit en salles, version totalement reniée par Von Stroheim. Les scènes coupées furent perdues à jamais.

Greed En 1999, une version de 4heures a été réalisée en utilisant des photos de tournage en plans fixes intercalés dans la version courte et en re-créant des intertitres. C’est ainsi que l’on peut voir apparaître des personnages qui avaient été totalement (ou en grande partie) supprimés.

Les Rapaces est une grande fresque sociale sur l’argent, la fascination qu’il génère et sur son pouvoir de destruction. Le film a une ampleur rare, même comparé aux films d’aujourd’hui. Formidable précurseur, Erich von Stroheim avait tissé une trame très riche où les destins se croisent et s’entrecroisent. Cette version de 4 heures réintroduit des personnages (les deux septuagénaires amoureux, le ferrailleur et la servante) qui font contrepoint au couple principal. Le film est bourré de symboles sur la cupidité, le destin, avec aussi toute une symbolique sexuelle. Ces symboles sont appuyés par le coloriage en jaune de certains objets, dont l’or bien entendu. Une scène est même en couleurs (!), cette fois pour symboliser le juste chemin, celui du couple de septuagénaires. Elle fit partie des coupes.

Erich von Stroheim a tenu à tout tourner dans les lieux réels, bénéficiant d’un budget sans précédent. Il fit rouvrir la mine d’or qui figure dans le livre, il traîna dans la Vallée de la Mort toute son équipe qui se mit à le haïr pour ces conditions épouvantables. Cette volonté du réalisateur donne au film une très forte authenticité, tout sonne vrai. Certaines scènes sont fastueuses mais de nombreuses grandes scènes de foule firent hélas partie des coupes.

GreedAinsi amputé, mais aussi parce qu’il touchait aux fondements de la société américaine, le film fut un échec commercial. Un critique américain aurait écrit : « Peut-être ce film plaira-t-il au public en Autriche, qui est la patrie d’Erich von Stroheim, mais je crois qu’aucun citoyen américain normal ne pourra l’apprécier. »

Cette reconstitution permet d’imaginer ce que pouvait être la version originale de 4 ou 5 heures et de mesurer à quel point c’est effectivement l’un des plus grands drames de l’histoire du cinéma d’avoir perdu à jamais les trois-quarts de ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler l’un des plus grands films de tous les temps. Erich von Stroheim ne se remettra jamais de la mutilation de son film ; beaucoup plus tard, il déclarera : « Je considère que je n’ai fait qu’un seul vrai film dans ma vie… et personne ne l’a vu ».
Note : 5 étoiles

Acteurs: Zasu Pitts, Gibson Gowland, Jean Hersholt, Dale Fuller
Voir la fiche du film et la filmographie de Erich von Stroheim sur le site IMDB.
Voir les autres films de Erich von Stroheim chroniqués sur ce blog…

Quelques liens sur « Les Rapaces » :
Une analyse du film et plusieurs séries de photogrammes.
Greed présenté sur le blog Messidor

7 réflexions sur « Les Rapaces (1924) d’ Erich von Stroheim »

  1. Superbe film, il est vrai avec une symbolique très forte. Je me rappelle notamment de cette scène qui rappelle King Kong.

  2. Oui, cette scène est étonnante : on y voit les deux personnages principaux réduits à une taille lilliputienne, se débattant dans la main en très gros plan du rival (pour symboliser le fait qu’il les tenait à sa merci).

    Impossible de ne pas penser à la célèbre scène de King Kong (qui rappelons-le ne verra le jour que 9 ans plus tard).
    Et qui voit-on au générique de Greed ?
    Ernest B. Schoedsack, caméraman… et futur réalisateur de King Kong.

  3. Comment un tel film a-t-il pu être victime d’une telle mutilation? C’est un crime contre le Septième Art! J’ai vu et revu « Greed » avec toujours la même délectation. Je tiens Stroheim pour le plus grand cinéaste de tous les temps. Ses films muets réalisés entre 1919 et 1928 sont d’une réalité criante,décrivent des personnages authentiques et une société avec tous ses vices. Ah, si on pouvait faire comprendre le génie de Von « Stro » aux générations actuelles!
    Pascal Djemaa, auteur de « Max Linder, du rire au drame ».

  4. Bonjour,
    savez-vous où je pourrais me procurer le dvd des rapaces? Il ne se trouve ni à la fnac, ni au virgin, je ne l’ai vu pour l’instant que sur amazon pour 50 dollars (s’agissant que de la version de quatre heures, il est vrai).

  5. Bonjour,
    S’il n’y a pas de dvd de Greed, où et comment peut-on le regarder ? ( Si possible la version de 4h ! )
    Merci

  6. C’est effectivement un vrai problème. Il est fort dommage que le projet de DVD n’ait apparemment pas vu le jour. Qu’un tel film soit si difficilement visible aujourd’hui est une grande injustice.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *