26 août 2024

Le Cheval d’orgueil (1980) de Claude Chabrol

Le Cheval d'orgueilLa vie rurale dans le pays Bigouden, en Bretagne, au début du XXe siècle jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Pierre-Alain, valet de ferme, rencontre Anne-Marie. Leur mariage est une parenthèse de trois jours, avant de retrouver leur pauvreté. Un fils naît, Pierre-Jacques dit « Petit Pierre » qui est élevé par son grand-père. Il lui apprend que c’est l’orgueil que l’on monte quand on n’a pas de cheval…
Le Cheval d’orgueil est un film français de Claude Chabrol, adaptation du best-seller breton de Pierre-Jakez Hélias paru en 1975. L’univers est, bien entendu, inhabituel pour le cinéaste. Hélas, si le livre (que je n’ai jamais lu) semble avoir des qualités, on ne les retrouve pas dans cette adaptation. Le film est pudiquement passé sous silence dans les analyses de la filmographie de Claude Chabrol. Trop de scènes ressemblent à des reconstitutions pour touristes amateurs de folklore et on reste très extérieur à toutes les scènes. Une certaine confusion est générée par le fait que les personnages parlent français (au lieu de breton), certaines scènes en deviennent incompréhensibles (lorsque par exemple, l’enfant refuse d’apprendre le français qu’il parle couramment depuis le début du film) et j’avoue ne pas avoir tout bien saisi sur l’« école des rouges » (l’école de la république, donc française et surtout laïque). Et, le plus grave est que l’on n’a pas envie d’approfondir la question…
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Jacques Dufilho, Bernadette Le Saché, François Cluzet, Paul Le Person, Michel Robin, Dominique Lavanant, Michel Blanc
Voir la fiche du film et la filmographie de Claude Chabrol sur le site IMDB.

Voir les autres films de Claude Chabrol chroniqués sur ce blog…
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Bernadette Le Saché, Ronan Hubert et Jacques Dufilho dans Le Cheval d’orgueil de Claude Chabrol.

2 réflexions sur « Le Cheval d’orgueil (1980) de Claude Chabrol »

  1. L’ouvrage de Per-Jakez Hélias est un monument du « témoignage ethnologique », une source d’information extraordinaire sur la Bretagne-Sud du début du XXe siècle. Comme tout récit de vie, c’est un point de vue personnel, singulier, mais qui fourmille d’informations précises et permet une compréhension globale de la société bretonne rurale de l’époque, une vision « systémique », totale.

    Il n’est certainement pas simple à adapter en film, et je vous crois sans peine sur le fait que Chabrol n’y soit pas parvenu. L’exemple de la langue, que vous citez, est un cas d’école : il aurait fallu une vraie immersion en breton.
    Dans le même registre, autant que je me souvienne Padre padrone, sorti trois ans plus tôt, utilise largement la langue sarde, ce qui permet de mettre correctement en scène l’incompréhension de dialogues en italien.
    D’ailleurs, en adaptant le roman Padre padrone, les frères Taviani ont fait le choix de restructurer totalement le schéma narratif du récit, de trancher et d’ajouter des scènes : Gavino Ledda lui-même a considéré qu’ils ont eu raison, et qu’en étant totalement différent de son récit, le film lui était finalement réellement fidèle.

    Sans doute Chabrol n’a-t-il pas réussi, comme les frères Taviani, à s’approprier l’âme du récit qu’il a essayé d’adapter. Il en est peut-être resté trop proche, donc dans une forme inadaptée au cinéma (et avec le paradoxe d’avoir des dialogues en français, ce qui rend l’exercice de fidélité vain d’avance).

    ———–

    Pour ce qui est de l’école des rouges : jusqu’aux années 1980-1990 il a existé en Bretagne une profonde opposition entre les « blancs » (catholiques) et les « rouges » (laïcs, généralement de gauche). Dans une même commune, ils pouvaient former deux clans en conflit constant, entre lesquels tout mariage était interdit (même s’il y en avait mais c’était alors une transgression shakespearienne) ! Je ne plaisante pas, cette tension a existé jusque très récemment. Disons qu’elle s’est adouci quand même à partir des années 1960 avec la montée en puissance d’un mouvement régionaliste renouvelé qui dépassait souvent ce clivage (depuis l’après-guerre le mouvement régionaliste breton était globalement très à gauche, écologiste et tiers-mondiste, tout en incluant sans trop de conflits une minorité régionaliste catholique de gauche, et une autre minorité régionaliste catholique de droite). Mais même en s’adoucissant, cette tension était encore palpable dans de nombreuses communes jusque dans les années 1980. D’une certaine manière, elle n’a pas totalement disparu, mais est désormais largement « étouffé » par d’autres clivages qui l’englobent et la relativisent.

    Et précisément, ce qui resté longtemps prégnant (sans doute car c’était le point chaud de ce clivage) était l’opposition entre l’école laïque et l’école privée catholique. La Bretagne est la région française où il y a le plus d’écoles privées et de lycées privés. Dans toutes les communes moyennes ou grandes, il y a toujours eu (et il y a encore) autant d’élèves en écoles privées que d’élèves en école publique, et il y avait toujours (et il y a encore) la nécessité très politique de choisir dans lequel des deux cursus inscrire son enfant. Choisir l’un ou l’autre est un acte lourd. Moins lourd aujourd’hui (il est noyé dans l’opportunisme bourgeois à l’égard des écoles privées en général en France ; et il ne conditionne plus guère le reste de la vie sociale). Mais à l’époque de Per-Jakez Hélias, choisir l’école des rouges ou l’école des blancs, c’était choisir un camp et se couper socialement de l’autre. Une famille catholique qui choisissait politiquement de rejoindre l’école publique commettait pire qu’une transgression : une trahison sociale (cela arrivait bien sûr, et heureusement, mais c’était toujours le point de départ d’une rupture sociale profonde et donc un acte politique longuement mûri).

  2. Merci pour ces explications qui sont bien plus claires que celles du film qui est très confus.

    Un gros défaut du film est certainement de ne pas avoir été tourné en breton (il me semble avoir lu que Claude Chabrol l’avait lui-même reconnu), le plus perturbant étant que certains personnages secondaires parlent en breton mais pas les personnages principaux! Mais le plus gros défaut vient certainement du fait que Claude Chabrol, très urbain, ne pouvait porter qu’un regard très lointain sur tout cela.

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