13 mai 2024

Des filles pour l’armée (1965) de Valerio Zurlini

Titre original : « Le soldatesse »

Des filles pour l'armée (Le soldatesse)Grèce, 1941. Les italiens occupent le pays gagné par les allemands. Un lieutenant a pour mission d’escorter un groupe de douze prostituées qui doivent être réparties dans divers campements de soldats. Ces filles ont accepté pour survivre et échapper à la faim…
Des filles pour l’armée est un film italien réalisé par Valerio Zurlini, adapté d’un roman de Ugo Pirro paru en 1956. C’est une sorte de road-movie, un voyage en camion constamment en butte à des évènements contraires pendant lequel nous voyons évoluer le regard de ce lieutenant sur ces femmes qu’il comprend de mieux en mieux. Son caractère intègre contraste avec ceux des deux autres militaires, plus opportunistes, qui l’accompagnent. Le portrait de trois ou quatre femmes acquiert peu à peu une belle profondeur. Zurlini est le cinéaste des sentiments et il le prouve une fois encore par son approche délicate. Mais si le film assez unique en son genre, c’est aussi parce qu’il ne cache rien de l’histoire de l’Italie, d’abord sur les circonstances de l’invasion de la Grèce (une bravade inutile de Mussolini) et surtout sur les exactions des forces italiennes d’occupation (sans chercher à se défausser sur les soldats allemands). Le film ne fut pas bien considéré par la critique qui, assez bizarrement, considérait que la charge contre le fascisme n’était pas assez forte (ce sont des soldats italiens ordinaires qui commettent ces exactions et non les chemises noires ouvertement fascistes). Des filles pour l’armée est cependant un film très complet, étonnamment féministe, parfaitement équilibré. L’interprétation est en outre excellente.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tomas Milian, Mario Adorf, Anna Karina, Marie Laforêt, Lea Massari
Voir la fiche du film et la filmographie de Valerio Zurlini sur le site IMDB.

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Tomas Milian et Marie Laforêt dans Des filles pour l’armée (Le soldatesse) de Valerio Zurlini.

7 réflexions sur « Des filles pour l’armée (1965) de Valerio Zurlini »

  1. D’accord avec vous: c’est un très bon film bénéficiant d’une excellente interprétation. Outre Lea Massari dont on connaît le talent, Marie Lafôret (dont on a tendance à oublier qu’elle fut une bien belle actrice-merci pour la photo) incarne un personnage inoubliable car touchant.
    Et je voudrais dire un mot sur Tomas Milian qui interprète le lieutenant, un personnage qui s’humanise au contact de ces prostituées. Cet acteur d’origine cubaine, qui a gagné l’Italie après que Castro a pris le pouvoir à Cuba, a d’abord été dirigé par Molognini, Lattuada et, donc, Zurlini. Il a été ensuite vedette de westerns européens et de polars italiens. On le retrouve ensuite chez Boisset, Bertolucci, Antonioni, Pollack, Oliver Stone, Spielberg, Soderbergh, Andy Garcia…Excusez du peu!
    Parfois cabotin, notamment dans des comédies italiennes des années 70, il agaçait quelques peu ses partenaires comme Orson Welles avec qui il partageait l’affiche de Tepepa (un western dit Zapata) et qui, l’attendant pour une prise, s’écriait: »Mais où est passé ce satané Cubain? » Sacré acteur en tout cas!

  2. Merci pour ces intéressantes précisions sur Tomas Milian. Je suppose qu’il était ici doublé en italien (j’ai été très étonné de lire après avoir vu le film qu’il était cubain car il n’avait, me semble-t-il, aucun accent). Ceci dit, la post-synchronisation était alors très répandue dans le cinéma italien.

  3. Petit rectificatif à propos de Tomás Milián : il n’a pas quitté Cuba « après que Castro a pris le pouvoir », mais deux ans avant !

    J’imagine que dans les années 1960, il était de bon ton de s’inventer un narratif politique anti-communiste et anti-castriste. À une époque où Cuba était devenu un « grand Satan » pour beaucoup de pays occidentaux, poser en « réfugié cubain » avait de la classe, ça installait un personnage — et Milián a au minimum encouragé ce malentendu chez les journalistes de cinéma (et l’a probablement lui-même construit *).

    La réalité est plus nuancée. Le grand bourgeois Tomás Milián était fils d’un général de l’armée cubaine qui avait été emprisonné et « cassé » lors du coup d’État de Batista en 1933 (il avait donc toutes les raisons d’être très hostile à Batista et certainement pas de pleurer son renversement ultérieur par Castro). Son père s’est même suicidé en 1946, et Tomás a fini par quitter Cuba dès qu’il a pu pour aller faire carrière aux États-Unis. Non pas pour fuir le castrisme dont absolument personne ne pouvait imaginer en 1957 qu’il deviendrait un régime !, mais juste par… ambition. Sa famille était riche, et possédait encore ses richesses : il a donc eu les moyens de tenter cette ambition, c’est-à-dire d’aller étudier à Miami puis de candidater à l’Actors Studio à New-York.

    À cette époque où les castristes (exilés après une première insurrection ratée en 1953) venaient à peine de revenir sur l’île et de commencer une laborieuse guérilla, rien ni personne ne pouvait deviner que Castro allait faire de Cuba un pays communiste deux ans plus tard. En aucune manière cette révolution qui n’avait pas encore eu lieu ne peut être citée et invoquée pour parler du départ de Tomás Milián.

    Tout au plus peut-on souligner qu’il n’est plus retourné à Cuba ensuite. Mais c’est « ensuite », et alors qu’il était déjà installé comme acteur aux États-Unis et ça n’a pas du tout été le moteur initial de son choix (et il est parti avec tous les moyens financiers de sa famille, et non pas en tant que réfugié laissant tout derrière lui).

    Quoi qu’il en soit, Gilles a raison de souligner que c’était un grand acteur : avant de rejoindre l’Italie par le hasard d’une invitation à un festival puis d’occasions saisies, Milián avait réussi la performance d’entrer à l’Actors Studio (l’un des deux reçus de l’année où il a candidaté) et de voir un dramaturge écrire une pièce de théâtre spécialement pour lui qu’il a jouée à Broadway. C’est même assez amusant de penser que cet habitué des films de genre parfois oubliables est passé par l’Actors Studio et les théâtres de Broadway.

    * Il est avéré que Tomás Milián professait un anticommunisme forcené, ce qui l’a conduit à des conflits avec certains acteurs italiens (comme vous le relatez à propos d’un autre film). Il est donc très probable qu’il s’est inventé cette « fuite de Cuba » pour donner une sorte de base émotionnelle à son idéologie. Il était sans doute bien plus valorisant pour lui de poser en « réfugié fuyant une dictature » que d’avouer être un grand-bourgeois parti pour faire carrière (et par ailleurs anti-communiste et réactionnaire par éducation et par idéologie préalable).

  4. J’ai l’impression que l’outil de gestion de votre site a actuellement un problème avec moi. Après avoir mis en attente mon premier commentaire sur ce film, il a avalé le deuxième, puis le troisième (qui était le même que le deuxième mais avec un ajout à la fin). Ce « message de service » passera-t-il ?

    Si un jour les autres sortent du vortex qui les a avalés, il va de soi qu’il conviendra d’effacer celui que j’ai envoyé en début de soirée (mon « deuxième mais incomplet ») ainsi que celui-ci !

  5. Je tente une troisième fois :

    Pour ce qui est de la voix, en effet Tomás Milián était toujours doublé sur ses films italiens (même s’il a sans doute fini par le parler correctement, mais avec un accent qui ne permettait pas d’accréditer le fait qu’il soit censé être Italien).

    Mais cela ne devrait pas vous étonner, d’une part parce que bien évidemment Anna Karina et Marie Laforêt étaient également doublées sur ce film (aucune n’est italophone), et d’autre part parce que vous aviez vous-même souligné à propos d’un autre film italien (je ne sais plus lequel) que la quasi-totalité des films italiens des années 1950-1960 étaient post-synchronisés. Non seulement les acteurices italien·ne·s devaient de toute façon également réenregistrer leurs voix, mais en outre il arrivait parfois que des acteurices italien·ne·s soit doublé·e·s par d’autres acteurices ! Je tiens cette anecdote de… vous-même, à propos de plusieurs films que vous avez chroniqué ici. Je ne sais plus quelle grande actrice italienne, super-star aujourd’hui, était doublée par une autre actrice italienne à ses débuts.

  6. Désolé pour ces problèmes de commentaires mis de côté : une erreur de mon antispam qui ne vous a pas reconnu. 😉
    A sa décharge, je dirais qu’il travaille beaucoup : il me dit que je reçois environ 200 commentaires-spam par jour… J’avoue ne pas regarder la liste des commentaires mis de côté, sauf lorsqu’il me prévient de quelque chose (ce qui fut le cas pour votre premier commentaire ci dessus).

  7. Un grand merci à Jacques C. pour toutes ces précisions sur Tomas Milian. Justement, à propos de sa mésentente avec des acteurs italiens, il fut en conflit avec Gian Maria Volonté sur le tournage du Dernier face à face. D’après Sollima, le réalisateur de ce western, chacun essayait de tirer la couverture à lui, pensant être, l’un comme l’autre, la vedette de ce film. Cependant, Volonté étant ouvertement communiste, et compte tenu de ce qu’a dit Jacques C. sur l’anti-communisme de Milian, nul doute que leur conflit se situait sur le plan politique.
    Bien cordialement

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