Autre titre français : « Out of Africa – Souvenirs d’Afrique »
En 1914, Karen Dinesen, une jeune aristocrate danoise, rejoint le Kenya (alors colonie britannique) pour y épouser le baron von Blixen, le frère de l’homme qu’elle aimait et qui l’a rejetée. Elle devient ainsi la baronne Karen Blixen et s’applique à faire pousser des caféiers sur les terres de sa ferme. Elle fait la rencontre de Denys Fitch Hatton, un chasseur très épris de liberté… Out of Africa est basé sur les écrits autobiographiques de Karen Blixen (La Ferme africaine publié en 1937). Ce qui est remarquable dans cette belle adaptation de grande ampleur, c’est la façon dont Sydney Pollack a su traiter avec délicatesse et retenue les émotions et donner au récit une dimension philosophique. Il s’inscrit ainsi en marge du cinéma hollywoodien classique qui a toujours une fâcheuse tendance à nous fabriquer de l’épique au kilomètre. Out of Africa est non seulement un émerveillement pour les yeux mais aussi une ode à la Nature, une réflexion sur les rapports humains et touche à la définition de l’humanité. Les images sont magnifiques et la musique de John Barry donne une dimension supplémentaire au film : la scène du vol en avion est d’une beauté rare, la musique contribuant à nous élever et à nous baigner dans un sentiment de béatitude. Out of Africa est certainement l’un des films les plus parfaits dans son dosage. Le film connut un succès mérité et reçut pas moins de sept Oscars.
Elle:
Lui :
Acteurs: Meryl Streep, Robert Redford, Klaus Maria Brandauer, Michael Kitchen, Malick Bowens
Voir la fiche du film et la filmographie de Sydney Pollack sur le site IMDB.
Voir les autres films de Sydney Pollack chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Sydney Pollack…
Remarques :
* Le titre Out of Africa (qui était déjà le titre de l’édition anglaise du livre de Karen Blixen, La Ferme Africaine) vient des écrits de l’historien Pline l’Ancien parlant de la prolifération d’espèces animales sur le continent africain : « l’Afrique produit toujours quelque chose de nouveau », expression traduite en anglais par « Out of Africa always something new ».
Meryl Streep et Robert Redford dans Out of Africa de Sydney Pollack.
Meryl Streep et Robert Redford dans Out of Africa de Sydney Pollack.
Je rapproche ce film de deux autres films : « Danse avec les loups », pour l’hymne à la nature qu’il constitue également et la musique (aussi) de John Barry, et » Sur la route de Madison », rapport à l’histoire d’amour intense entre les personnages. Trois films que j’apprécie beaucoup… dont deux avec Meryl Streep, tiens (autre point commun !).
Bonjour
j’ai entendu derniérement sur RTL matin que ce film allait bientôt être rediffusé dans des salles de cinéma avec un léger remixage .
Est-ce que j’ai bien compris ?
Oui j’en ai entendu parler aussi super hâte de voir cela
Pour ma part, j’avoue une petite perplexité devant ce (certes et incontestablement) très beau film.
Je me suis surpris plusieurs fois à me dire : « Ah, que l’Afrique est belle… quand on y vit la vie d’un colon ».
Bien sûr, c’est assumé. Bien sûr, c’est rééquilibré par une bienveillance envers les Kikuyu et les Massaï. La plupart des personnages sont réellement animés d’un vrai respect pour les populations locales, entre Denis et son serviteur-ami Massaï (et, plus encore, la façon dont Denis insiste sur le fait que le savoir oral des Kikuyu a autant de valeur que les livres anglais), Berkeley et sa compagne (mais qui doit rester en marge de l’enterrement), et l’amitié profonde qui se noue entre Karen et son « boy ». La fin du film prend soin de rappeler que les territoires des fermes coloniales étaient auparavant ceux des Kikuyu, et Karen se bat pour que ses ex-employés se voient attribuer de nouvelles terres. Tout cela est incontestablement de bonne volonté, de la part de l’autrice comme du cinéaste.
Mais… Cela reste une bienveillance insidieusement paternaliste. Karen est généreuse dans son dévouement final pour les Kikuyu (et dans sa volonté récurrente de les soigner et de les éduquer), mais comme le dit un proverbe ouest-africain : « La main qui donne est toujours placée au dessus de la main qui reçoit ». La séquence où Denis et Karen partent en repérage de safari est très malaisante, avec chaque soir en avant-plan leur tête-à-tête amoureux et l’avancée de leur relation soir après soir… et en arrière-plan les trois Kikuyu qui les accompagnent, en simple élément de décor qui ne dérange pas l’intimité de ces tête-à-tête romantiques, subtils et touchants (d’ailleurs, au début du voyage, la caméra ne montre que Karen et Denis à l’avant de la voiture, ce n’est que plus tard que l’on s’aperçoit qu’il y a un siège arrière avec les trois Kikuyu). Au long du film, on suit en détail l’évolution subtile (et très délicatement et bellement rendue) des sentiments de Karen pour son « mari-par-arrangement-mais-dont-elle-s’amourrache-un-temps », pour Berkeley, pour Denis… mais ce n’est que tout à la fin que l’on s’aperçoit que son boy éprouve pour elle une forme d’amour, et cette relation-là n’était ni suggérée ni prise en considération dans le récit jusqu’à ces brèves séquences finales. Il y a un vrai choix de « focale », que ce soit dans le rejet à l’arrière-plan visuel ou dans le rejet à l’arrière-plan narratif (hors-champ). Bref, une énorme et gênante dissymétrie, une bienveillance pour les autochtone qui n’arrive pas à éviter d’être condescendante, des personnages autochtones qui constituent un « arrière-plan » sans que cela ne perturbe la focalisation du récit sur les Blancs. Et des fermes coloniales très belles où l’on peut prendre des petits-déjeuners charmants, comme le montre partiellement la deuxième photo ci-dessus (et quand Karen est ruinée, elle ne peut d’ailleurs plus vivre en Afrique : sa vie africaine est consubstantiellement conditionnée à la richesse).
Je m’excuse de développer ces points, mais en anthropologue ayant vécu en Afrique, je ne peux pas les écarter. Il y a, vraiment, des côtés malaisants dans ce film.
Et c’est d’autant plus attristant que les personnages et le récit sont sincèrement plein de bonnes intentions humanistes, que le tour de force de focaliser des tête-à-tête amoureux malgré la présence d’autres personnes dans le champ de la caméra est une vraie prouesse cinématographique (un vrai défi stylistique, brillamment relevé), et que le récit, lorsqu’on accepte de le regarder « à l’échelle des colons », est d’une magnifique délicatesse.
Car oui, l’arrangement entre Karen et son mari était sans doute très audacieux à l’époque ; oui, Karen est une femme exceptionnelle et admirable ; oui, le machisme et le racisme (bienveillant ou négligeant) des colons anglais est montré sans outrance mais sans concession ; oui les paysages et animaux sont magnifiques ; oui, le personnage de Denis est remarquablement campé, dans ses côtés admirables et dans ses côtés égoïstes, en « homme libre » qui respecte la liberté des autres et qui est toujours sincèrement généreux et bienveillant mais qui ne comprend pas que son obsession de « sa » liberté révèle un égoïsme insoutenable ; oui, les sentiments subtils et évolutifs de Karen pour les différents hommes de sa vie sont montrés avec finesse, justesse, par petites touches et sans simplisme.
C’est un film magnifique. Malgré. Il faut verbaliser et reconnaître ce « malgré », pour pouvoir accepter de reconnaître tout le reste, qui est admirable.
[Esprit d’escalier… ou plutôt de remémoration du film la journée suivante]
J’ai été surpris de voir que Meryl Streep n’ait reçu aucune récompense pour ce rôle (elle a été nommée aux Oscars, certes, mais juste une nomination et rien aux Golden Globes ni aux BAFTA). Seul Klaus Maria Brandauer a reçu le Golden Globe du meilleur second rôle — pourquoi pas, mais même s’il est très correct je ne l’ai pas trouvé très varié dans son jeu et trouve cette récompense étonnante et exagérée.
Pourtant, Meryl Streep porte vraiment Out of Africa sur les épaules. Elle est de toutes les scènes (et presque de tous les plans), ce qui est énorme pour un film aussi ample et long. Tout le film est centré sur elle, de A à Z, il nous montre « son » point de vue et sa transformation, et cela demande une énergie, une épaisseur, une présence. Pour « tenir », ce film avait besoin qu’elle soit parfaite et intense du début jusqu’à la fin, et c’est le cas.
C’est un peu comme pour L’aventure de Madame Muir, où Gene Tierney est présente dans toutes les séquences et presque dans tous les plans. Dans les deux cas, la responsabilité est énorme puisque la moindre baisse de régime se verrait immédiatement. Dans les deux cas, ces deux actrices sont parfaites voire exceptionnelles. Pourquoi n’est-ce pas plus souligné (alors que ça l’est jusqu’à plus soif lorsqu’il s’agit d’un rôle masculin « à Oscar ») ?
Merci pour vos commentaires, toujours intéressants.
Sur le premier, je dirais que le film est empreint de la vision colonialiste/exotique du début du XXe siècle avec comme vous le dites, une dose de bienveillance paternaliste. Il faut en être conscient, bien entendu…
Sur le second: Si les Oscars récompensaient le talent, cela se saurait! 🙂
(A mes yeux) les Oscars sont une marque de reconnaissance de la profession pour un succès, une réussite (le plus souvent commerciale). Personnellement, je n’y accorde aucune importance autre qu’historique. Quand je parle de « 7 Oscars », c’est principalement pour rapporter que le film a eu une certaine importance dans la production hollywoodienne. Il est vrai que cela paraît bizarre que tout le monde ait eu son Oscar et pas Meryl Streep, mais l’actrice en avait eu un 2 ans auparavant (pour Le Choix de Sophie de Pakula).