Un jeune prêtre vient d’être nommé vient dans un petit village du nord de la France. Il tient un journal où il consigne ses sentiments. La population l’accueille assez mal. A peine sorti de l’enfance dont il gardé un certain idéalisme intransigeant et handicapé par une mauvaise santé, il ne parvient pas à s’imposer… Journal d’un curé de campagne est adapté très fidèlement du roman de Georges Bernanos. Selon André Bazin, Robert Bresson a ouvert, avec ce film, un nouveau stade de l’adaptation littéraire au cinéma. Le déroulement du récit repose sur ce journal dont son auteur nous récite les phrases au fur et à mesure qu’il les écrit. Avec cette trame linéaire, Bresson apporte un caractère éminemment littéraire à son film accentué par le dépouillement du récit, épuré, spiritualisé. Son jeune héros tente de comprendre le comportement des humains sans parvenir à s’extirper de son tragique destin spirituel. Intransigeant dans son ascétisme mais avide de vie, il reste pour nous en partie un mystère.
Elle: –
Lui :
Acteurs: Claude Laydu, Nicole Maurey
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JOURNAL INTIME
Après l’insuccès critique et public des Dames du bois de Boulogne (aujourd’hui un classique) Bresson doit attendre cinq ans pour réaliser son troisième long métrage, troisième sur les 13 qui constituent sa filmo; on est en 1950, il a 50 ans, à la moitié de sa vie et du siècle. C’est à nouveau dans la littérature que prend appui Bresson mais cette fois sans dialoguiste d’envergure (Giraudoux ou Cocteau) puisqu’il signe lui même l’adaptation et le dialogue. Pour la troisième fois et la dernière il prend Jean Jacques Grunenwald pour la musique qui n’apporte rien à l’ouvrage. Il engage le vétéran Léonce Henri Burel, chef op qui a débuté dans le muet et qui travaille, contrairement à la photo léchée d’Agostini sur les deux films précédents, une iconographie quotidienne, modeste, comme grisée, parfaitement adaptée au film.
S’il engage encore, et pour la dernière fois, des acteurs professionnels, il leur impose de plus en plus un jeu en soustraction, en retrait, gommant le moindre effet, la moindre expression de visage, et cela ne va pas sans mal, car il n’y arrive pas toujours avec certains. Robert Bresson c’est un peu le Monsieur moins du cinéma. Du reste il se met à dos quasi tout le monde de l’équipe, comédiens comme techniciens. C’est l’oeuvre d’un homme seul – solitaire orgueilleux comme son curé, mais sur de lui – qui avance sachant ce qu’il veut contre les canons et règles en vigueur alors. Rien que pour cela, il faut Voir/Revoir les films et reconnaitre son intuition, qu’on partage ou non les résultats.
Lorsque le film sort sur les écrans des cinémas Biarritz et Madeleine le 7 février 1951, il interpelle autant que désoriente et on ne peut dire que c’est un succès. il jouit quand même d’une certaine estime, voir d’une admiration de quelques milieux. Avec le temps – près de 70 ans ont passé – le film a bonifié remarquablement sur nos sensations de spectateurs d’aujourd’hui. On ne va pas le qualifier de « moderne », ce qui ne veut rien dire, mais de visionnaire dans sa conception, dans le sens d’un certain « état de grâce ».
Le journal de ce très jeune curé orgueilleux de campagne du Pas de Calais, village d’Ambricourt – c’est par là que débute le film de ce récit à la première personne – c’est sa main qui écrit au porte plume sur les cahiers d’écolier et sa voix qui dit intérieurement, en off, les mots écrits, reflets de cette âme en recherche, en questions, en aventure spirituelle. Ce journal, par des plans qui se terminent tous en fondus au noir ou fondus enchaînés sur le visage du curé, le film en fait son let motiv. Un journal, une main, une voix, un visage, un corps qui s’abstiennent de toute psychologie, cette béquille habituelle de l’acteur. A ce jeu, l’interprète Claude LAYDU – qui était jeune comédien chez les Renaud-Barrault – et malgré ses affrontements avec Bresson – est remarquable d’effacement et de présence mêlés.
L’existence quotidienne discrète du jeune curé arrivant dans ce village pauvre pour exercer son premier ministère se heurte aussitôt à la défiance et au manque de foi de la population; une aventure spirituelle en chemin de croix qui mènera vers la mort, car la maladie – comme soeur Anne Marie dans les Anges du péché – ronge le pauvre curé d’Ambricourt jusqu’à une sorte de délire.
Non, Bresson n’est pas un rigolo, contrairement à que laissait supposer son premier moyen métrage « Affaires publiques » qui restera sans suite. C’est un auteur qui place le spectateur à un haut niveau d’interprétation personnelle ne lui délivrant jamais les clés de son sacerdoce.
à suivre