Titre original : « Once upon a time in America »
Lui :
A la fin des années soixante, l’ex-gangster Noodles revient à New York après 35 ans d’éloignement. Il se remémore son passé… Il était une fois en Amérique est librement inspiré du livre autobiographique de Harry Gray. Le projet de Sergio Leone a mis plus de dix ans à éclore et le tournage fut interminable. Après la conquête de l’Ouest et la révolution mexicaine, il s’attaque à une autre grande mythologie américaine, le gangster. Cette vaste fresque est construite en flashbacks allant des années vingt au milieu des années trente, fin de la Prohibition. Le film de Leone est à la fois l’histoire de deux gangsters juifs liés par une forte amitié et une variation sur la représentation/idéalisation du cinéma. Toute cette histoire est d’ailleurs issue d’un cerveau en pleine divagation sous l’emprise de l’opium. Leone use (et abuse parfois) de ses effets, créant la tension par de longs plans d’attente. Son cinéma témoigne ici d’une belle vitalité.
Note :
Acteurs: Robert De Niro, James Woods, Elizabeth McGovern, Joe Pesci, Burt Young, Tuesday Weld, Treat Williams
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergio Leone sur le site IMDB.
Voir les autres films de Sergio Leone chroniqués sur ce blog…
Remarques :
Il était une fois en Amérique dure 3h40. La version commerciale sortie aux Etats-Unis avait été ramenée à 2h20. Du fait des coupes, elle était, parait-il, très dure à comprendre.
Je vous ai trouvé très indulgent avec ce film. Bien sûr il y a DE Niro qui est excellent, mais c’est cousu de fil blanc et la scène finale est ridicule, digne de Luc Besson. De même les grimages pour vieillir les héros sont très mauvais.
A l’origine c’est Kirk Douglas qui devait jouer le rôle de Noodle. Et puis l’affaire a trainé une bonne dizaine d’années avant qu’on en arrive à cette mouture. A sa sortie le film a été boudé par le public et par la critique.
Je dois avouer que j’avais gardé un plutôt mauvais souvenir de ce film. Sergio Leone n’est pas exactement un réalisateur que j’affectionne (trop d’effets, pas assez de fond, trop commercial) et l’estime dont il jouit aujourd’hui me surprend… mais j’ai été étonné, cette fois, de trouver ce film plus intéressant. Certes, Sergio Leone abuse parfois de ses effets, qui apparaissent souvent plaqués et inutiles, mais globalement l’ensemble montre une belle vigueur. Ceci dit, je n’irais toutefois pas le mettre parmi les « grands films »… 😉
Un film sur l’amitié, la trahison, la nostalgie, le temps perdu, pour moi l’apothéose des films de Leone, le plus humain et profond, malgré un avis précédent. Son rythme que vous trouvez lent épouse parfaitement selon moi le rythme de la vie lorsqu’elle est réflexive, rétrospective, une vision d’homme blessé.
Le film ressort en salles le 22 Juin dans une distribution semble-t-il assez importante.
Je suis un peu étonné par la sévérité des commentaires précédents (sans compter la bétise de la comparaison avec Luc Besson).
Il était une fois en Amérique est un très grand film, reconnu comme tel par la critique depuis de nombreuses années (après, certes, que sa réception ait été parasitée par le remontage américain catastrophique du film ; le film, aujourd’hui, n’est heureusement exploité en dvd que dans sa version européenne). Film proustien, sur le temps perdu qui ne peut se retrouver que par l’art et les rêves, film douloureux, montrant la vie d’un homme médiocre et déçu, incapable de se controler et de tirer le meilleur parti de sa vie, film tout de sensations (le son, la musique, l’érotisme, la violence , y sont primordiales) profondément mélancolique, c’est le film de la maturité por Leone (les très gros plans, les gueules et les silences forcés de la série des « dollars » ont été remisés au placard) et son chef-d’oeuvre. Extraordinaire musique de Morricone.
Qu’est-ce que vous racontez ? « Il était une fois en Amérique » c’est du cinq étoiles. Semprini a tout dit ou presque. J’ajouterai que James Woods et De Niro y sont remarquables.
http://www.youtube.com/watch?v=5Ew2k3lhk9Q
Le jour où vous trouvez un réalisateur français capable de réaliser et mettre en scène le dixième de cette séquence, vous m’appelez.
Ce film est un chef d’oeuvre, 6 étoiles.
Sans vouloir vous contredire car c’est effectivement une belle scène, peut-être un peu trop artificielle mais c’est son style, le premier plan est calqué (quand on est gentil, on dit que c’est un hommage) sur la célèbre photo d’André Kertesz du pont de Meudon.
Sergio Leone connait ses classiques… 🙂
C’est même encore mieux que ça :
en reprenant des livres sur André Kertész, je me suis aperçu que le photographe a fait une photo en 1947 qui est totalement identique à ce plan (reprise sur l’affiche ci-dessus).
La photo est titrée « L’horloge de la passerelle » et date de 1947.
http://linstantanee.blogspot.fr/2009/11/photo-du-jour_30.html
« Quand on est gentil, on dit que c’est un hommage »…
La presque totalité des grands réalisateurs ont repris dans leurs films, au détail près, certaines photos, certains tableaux célèbres. Il y a des dizaines d’exemples connus de cela, chez Ford, Hitchcock, Visconti (rien que dans Mort à Venise, on trouve des dizaines de plans tirés des peintres impressionnistes), Eisenstein, Malick, Godard, Scorsese, etc… Et c’est parfaitement normal. C’est comme cela qu’on fait du cinéma, depuis son invention.
Imaginer que cela pose un problème quand il s’agit de Leone relève soit de la mauvaise foi, soit d’une méconnaissance de la matière dont les grands cinéastes tirent leur film.
Même si Il était une fois en Amérique est un chef-d’oeuvre, qui a d’ailleurs été beaucoup commentés ces dernières années par la critique, je n’aime pas particulièrement Leone. Mais il a quelque chose que les grands cinéastes ont : un style et un univers reconnaissables, et des thèmes récurrents dans sa trilogie sur l’histoire des Etats-Unis (la conquète de l’ouest et le début de la civilisation avec les classes sociales qu’elle impose dans Il était une fois dans l’ouest ; la tentation de la révolution et la dénonciation de l’illusion lyrique qu’elle produit alors qu’elle n’est finalement qu’un avatar de l’instinct de mort, dans le très beau Il était une fois la Révolution ; et enfin, la fin de toutes les illusions, pas seulement sociales ou utopiques, mais surtout les illusions que l’on peut avoir sur soit-même, avec le mélancolique et proustien (l’influence de Proust est énorme sur ce film, et ce n’est pas une blague) Il était une fois en Amérique, film qui précède et annonce la mort de Leone.
Et ce style, ces thèmes reconnaissaibles suffisent, qu’on le veuille ou non, à faire de Leone un grand cinéaste.
Vous avez raison de souligner que beaucoup de cinéastes se sont souvent inspirés de tableaux ou de photos célèbres (à commencer par Méliès, dès les débuts du cinéma donc…) Ceci dit, il est tout de même plus rare que ce plan inspiré/copié (rayez les mentions inutiles) soit repris sur l’affiche pour en faire l’emblème du film.
Bon, mais je ne cherche pas à polémiquer, je trouve simplement plus juste que la paternité d’un plan dit « superbe » revienne à son véritable auteur…
Merci pour votre commentaire sur le cinéma de Léone.
Il faudrait que revoie un peu plus ses films. Pour la plupart, je ne les ai pas revus depuis leur sortie et j’avais certainement un à-priori négatif vis à vis de son cinéma. Ce film m’a fait un peu changer d’avis.
La magnifique dernière scène, et l’ultime image ( gros plan de Niro hilare sous l’emprise de l’opium ) remettent tout le film en question : et si tout ce qui s’est passé depuis le début n’ètait que la rêverie d’un opiomane mélant imagination et réalité, passé et présent ..? Et si cette image était une métaphore de Leone en train de réver l’Amérique à travers son film ? ou de nous, spectateurs, emportés par le cinéma ? A chacun de trouver son interprétation. Pour moi, sachant que c’est son dernier opus, je trouve que Leone nous réussit une sortie de scène à la hauteur de son immensité.
Surestimé, comme l’ensemble des films de Leone.
Et pourtant, c’est un de ses meilleurs.
Je retiens particulièrement la vulgarité du propos, au travers des scènes trop connues de tous, et finalement une histoire cousue de fil blanc, déjà filmée par meilleur que lui (Hawks…).
Finalement, cette génération des « barbus » a vécu, et le temps se révèle un juge implacable, une fois passé le buzz. Surestimé.
Sous-estimé, comme une grande partie des films de Leone.
Et pourtant, en effet, c’est un de ses meilleurs.
Je retiens en particulier la multiplicité des grilles de lecture de cette histoire, la capacité à dilater le temps court à travers des scènes « lentes » et chargées d’émotion et à rendre accessible le temps long à travers l’entrelacement permanent des différentes époques, les séquences magnifiées non seulement par la musique extraordinaire de Morricone mais aussi par le bruitage, même si sa place reste moins importante que dans « Il était une fois dans l’ouest », mais peut-être plus que tout, je retiens la noblesse du propos qui est aussi une interrogation sur la part du choix et du déterminisme dans nos destins.
Comme « La porte du paradis » de Cimino 4 ans auparavant, « Il était une fois en Amérique » est une oeuvre longue qui a une vision pour le moins désabusée des origines de la puissance, mais qui arrive à une époque où la rapidité du succès et sa glorification ne souffrent plus aucune critique, surtout si elle est sociale.
Heureusement, le caractère cyclique du temps, justement merveilleusement mis en scène par Sergio Leone, permet de révéler la beauté de cette oeuvre. Longtemps sous-estimée. Forcément.
AMERICA AMERICA
On peut bien accorder un peu de son temps au film d’un homme qui l’a longtemps porté, préparé, tourné, monté, surmonté…Les 4h10 de projection (version longue) méritent de s’y attarder, surtout que le film de Léone doit figurer aujourd’hui sur la liste des meilleurs films du monde. La cinémathèque était pleine à craquer l’autre soir lors de cette projection grand format (dans le cadre de l’expo et du cycle consacrés au cinéaste). Sergio Leone fait partie de cette galaxie de cinéastes où le fond et la forme sont traités à égalité à part entière, elles y sont indissociables. C’est un cinéaste lent. En dehors d’effets rapides qui parsèment son oeuvre en général, c’est un adepte de l’étirement jusqu’à plus soif, d’où une grande lenteur. Ces marques s’accroissent au fur et à mesure de ses tournages, et comme celui-ci est son dernier… »Il était une fois en Amérique » s’apparente à la recherche du temps perdu, un film proustien comme il en existe quelques uns dans l’histoire du cinéma. Du reste une réplique du personnage principal à qui on demande « Et qu’est ce que vous avez fait pendant tout ce temps (35 ans) ? » est – « Je me suis couché de bonne heure ».
35 ans après avoir quitté New-York, après ses années de gangstérisme, « on » l’y fait revenir, c’est le volet consacré au(x) personnage(s) vieilli(s).
Et pour mieux nous perdre dans l’écheveau de la mémoire de ce temps perdu Léone adopte une narration destructurée en forme de puzzle faisant des allers retours entres différentes périodes des années 20, 30 et 60 qu’un simple raccord d’image ou de son au montage – comme chez Marcel – permet d’appréhender.
Les souvenirs morcelés de ce personnage principal, encadrés par la quasi ouverture et la clôture du film où il se réfugie dans une fumerie d’opium pour oublier et/ou rêver sa vie, sont autant de songes opiacés propices à ces jeux d’espaces/temps qui concourent à l’atmosphère très prenante du film.
Le choix du casting est remarquable tant les acteurs jeunes – plus d’une heure du film se déroule dans le passé adolescent des personnages – personnifiant les personnages adultes leur ressemblent déjà.
Mais le plus incroyable c’est que Léone finalement nous raconte l’histoire, la vie (en ellipses) d’un homme invisible, effacé, qui a longé sa vie comme une ombre, a raté l’amour de sa vie comme un reflet, à qui on a tout pris et qui a payé pour les autres – On le surnomme Noodles (« Nouille »)- à qui Bob de Niro donne une épaisseur de jeu remarquable à travers les âges. et l’auteur ne craint pas de jeter une ombre sur lui, notamment dans la longue scène de viol où le malaise gagne le spectateur
Il a fallu que ce soit un cinéaste européen qui par deux fois réussisse, dans le western, puis dans le film de « gangsters/mafia », non seulement à revisiter l’histoire des mythes fondateurs de deux des grandes genres du cinéma américain, mais en les développant jusqu’au paroxysme, nous les montre comme si on les voyaient pour la première fois de cette manière.
La remarquable partition d’Ennio Morricone, toute en nostalgie, accompagne de plusieurs thèmes répétitifs l’avancée de cette fresque somptueusement photographiée par Tonino Delli Colli dans des décors magnifiques de reconstitution. Tout participe à l’ampleur de la réussite de ce film comme on peut supposer qu’on n’en fera plus de la sorte, d’où la profonde mélancolie qui nous prend à la projection