Titre original : « Heaven’s Gate »
Lui :
Nous sommes au Wyoming en 1890, à la fin de la conquête de l’Ouest, au moment du partage des terres. La Porte du Paradis fait ressurgir un épisode brutal de l’histoire des Etats-Unis. Forts de leurs appuis politiques, un groupe de grands propriétaires accuse les immigrants possédant une concession virtuelle d’être des anarchistes et des voleurs de bétail. Une milice de mercenaires est recrutée pour exterminer plus d’une centaine d’entre eux. Inspiré d’un épisode réel (1), le propos Michael Cimino ne laisse planer aucun doute sur les intentions criminelles des propriétaires de bétail face à cet afflux d’immigrants. Grâce à l’immense succès de son film précédent, Voyage au bout de l’enfer, Cimino a bénéficié d’un budget important pour filmer une grande fresque de 3h30, où les grandes scènes étourdissantes alternent avec des passages plus lents et même intimes. Il semble parfois de laisser emporter mais sans excès toutefois, car ses grandes scènes sont toujours très belles. Côté acteurs, on remarquera la belle prestation d’Isabelle Huppert, le personnage le plus volubile face aux taciturnes Kristofferson et Walken. Hélas, La Porte du Paradis reste dans l’histoire du cinéma comme l’un des films les plus injustement assassinés par la critique. Après quelques jours d’exploitation à New York, le film est retiré des salles face à l’hostilité générale et aux critiques très dures (2). Michael Cimino ramène la durée du film à 2h30… sans plus de succès. Le désastre financier fut tel qu’il participa grandement à la fin d’United Artists. Il faut voir ce beau film, même dans sa version courte, mais on peut le voir maintenant en version intégrale (3).
Note :
Acteurs: Kris Kristofferson, Isabelle Huppert, Christopher Walken, John Hurt, Sam Waterston, Joseph Cotten, Jeff Bridges
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Cimino sur le site IMDB.
(1) Les Affrontements du Comté Johnson (« Johnson County War ») durèrent en réalité plusieurs années à partir de 1888. La Wyoming Stock Growers Association, le groupement de propriétaires qui avait alors établi une liste noire et engagé des tueurs, existe toujours aujourd’hui. Les immigrants traqués avaient pour beaucoup travaillé à l’installation des lignes de chemin de fer. Ils avaient reçu un bout de terrain mais ne parvenaient pas à faire enregistrer leur concession. En s’installant dans de petites fermes pour élever des moutons, ils faisaient obstacle à « l’open land » voulu par les grands propriétaires de bétail. Dans la réalité, Jim Averell et sa compagne Ella Watson furent abattus par les tueurs dès le début de cette mini-guerre, soit 3 ans avant la bataille rangée. L’armée intervint pour mettre fin aux affrontements et captura les mercenaires pour qu’ils soient jugés… Le jugement n’eut cependant jamais lieu, ils furent relâchés.
(2) Il est bien entendu tentant d’expliquer l’hostilité de la critique vis à vis d’Heaven’s Gate par le fait qu’il met à mal l’idéal américain, provoquant ainsi une certaine mauvaise conscience. Certes, cela a du jouer mais ce n’est probablement pas la seule raison : Jean-Pierre Coursodon, qui était sur place, parle aussi de jalousie, de jubilation morbide et d’une volonté de la critique new-yorkaise de casser du jeune cinéaste. Il souligne aussi le fait qu’il s’agit d’un film qui réclame une certaine attention pour en saisir toutes les nuances… (Revue Cinéma n°266 de février 81). Si Jean-Pierre Coursodon est de son côté consterné face à l’assassinat du film par la critique new-yorkaise, le film ne fut guère mieux considéré en Europe quand il sortit un peu plus tard. En compétition à Cannes en mai 81, il fut plutôt ignoré.
(3) La version intégrale est disponible depuis 2013. Avant cela, c’était la version courte qui était la plus courante. Elle reste intéressante même si certaines scènes perdent un peu de leur sens : par exemple, dans le prologue à Harvard, le discours du jeune Irvine a été coupé. Après l’exposé des grandes valeurs par le doyen (que personne n’avait écouté), le discours du jeune Irvine prônait un certain pragmatisme teinté d’immobilisme et aussi un refus d’implication qu’il mettra en pratique par la suite. Tout le film est presque dans le prologue : les grandes idées se noient dans le pragmatisme économique, dans l’ignorance et l’égoïsme… Dans la version écourtée, le prologue apparaît donc plus gratuit mais il reste intéressant pour ses très belles scènes (la scène de la valse est visuellement incroyable, sur le Beau Danube Bleu de Strauss, orchestre ni plus ni moins dirigé par Leonard Bernstein).
Amusant, ça. J’ai lu une chronique sur le film hier, sur un autre blog, et ça m’a donné envie d’acheter le DVD. Vous faites coup double, cher ami.
Votre chronique est plus complète et très intéressante. J’ai de bons souvenirs de « Voyage au bout de l’enfer », même si le film est très dur. Je fais donc confiance au duo Walken / Cimino. C’est très tentant !
Et puis, cette page d’histoire mérite d’être étudiée. J’en ignorais tout.
Bonne journée !
J’ai eu la chance de voir la version intégrale au Max Linder. C’était au mois d’aout et nous devions être une dizaine dans cette grande salle. J’ai trouvé ce film boulversant comme jamais et les interprétations de Christopher Walken (loin son rôle habituel) et d’Isabelle Huppert sont magnifiques.
Ce film est tout simplement mythique. La version originelle fut projetée pour la première fois à Paris en janvier 1982. Nous sommes arrivés une heure avant le début de la séance, il y avait déjà une cinquantaine de personnes dans la queue. Les laissés pour compte firent une émeute et forcèrent les portes de la salle durant la projection. Costa-Gavras prit sur lui de ne pas respecter les normes de sécurité et laissa les trublions assister au spectacle.
Parlons du film lui-même. C’est tout bonnement une cathédrale, chacun des intervenants pouvait donner le meilleur de lui-même peu importait le temps et le coût. Isabelle Huppert aurait ainsi pris six mois de cours de patinage pour une seule scène.
Parmi les mille exemples du perfectionnisme de Cimino, je retiendrai la pertinente symétrie entre les deux scènes des arbres au début et à la fin du film.
Heureux spectateurs que ceux qui s’apprêtent à le voir.
Je viens d’acheter le DVD de ce film. A lire les commentaires, je suis impatient de le voir…. Merci pour les excellentes et intéressantes critiques de ce blog.
J’ai vu le film en version longue lors de sa ‘ressortie’ en salle, en début d’année. Certes moins abouti que Voyage au bout de l’enfer, mais du grand cinéma quand même. À noter une construction assez similaire entre les deux films. Le début de La porte du paradis est marqué par une grande scène de fête, et notamment un bal magnifiquement filmé. Ensuite se sont des destins qui se séparent, puis se retrouvent, avec une histoire qui devient de plus en plus sombre jusqu’au final dramatique…
Je trouve que le personnage de John Hurt est sous-exploité, c’est bien dommage. Isabelle Huppert est excellente.
LA grande scène du film reste pour moi le bal-patins à roulette organisé par les colons. La musique est sublime.
Ouais, la Roller Skate Dance est un grand moment, je ne connais guère d’autre musique aussi entraînante.
Quoique m’étant contenté de la version courte (2 h 30 quand même), j’y ai trouvé des longueurs (scènes Huppert/Kristofferson). Cela reste néanmoins un très grand film.
(Et, au passage, dans un genre très différent, je n’ai jamais compris pourquoi ce gâteau indigeste de ‘Citizen Kane’ était considéré comme un chef d’oeuvre).
Déçu ! Trop long (version longue), c’est certain ! Mais au-delà, un manque terrible de rythme, ce qui est un comble pour un film de plus de trois heures trente ! Les personnages sont assez peu attachants et on a bien du mal à s’intéresser vraiment à l’histoire. Bref, le film est raté ! Et je constate donc que les critiques à son endroit n’étaient pas dénuées de fondement ! Isabelle Huppert ne paraît pas très à l’aise, sans doute du fait du barrage de la langue : son anglais est catastrophique et sans expressivité aucune. Jolie plastique, néanmoins : on la voit nue sous toutes les coutures ! Était-ce nécessaire, c’est une autre question… M’enfin ! Reste la satisfaction de voir, réunis dans la même scène, le trio Kristofferson, Bridges, Waken… Oui, ça le fait, quoi ! Maigre consolation, néanmoins.