Titre original : « A time to love and a time to die »
Lui :
Adaptation d’un roman de Erich Maria Remarque, Le temps d’aimer et le temps de mourir porte un sujet plus grave que les autres mélodrames de Douglas Sirk. En 1944, un soldat allemand, qui vit l’enfer sur le front russe, revient chez lui le temps d’une permission. Il trouve sa ville à moitié détruite par les bombardements, sa famille est introuvable. Il rencontre une amie d’enfance et tous deux vont vivre une courte idylle. Le titre (c’était également celui du roman) est implacable : nous savons qu’il n’y aura pas de happy end et cela rend cette histoire encore plus forte. Dans cette société où les idéaux, les espoirs n’existent plus, ces deux jeunes êtres se raccrochent à leur amour comme des naufragés de la vie, une vie qu’ils veulent retrouver, faire repartir. Douglas Sirk parvient à utiliser la couleur pour renforcer l’intensité dramatique et maintient une tension permanente, un sentiment de déséquilibre constant : pour ses deux personnages, rien n’est durable, tout ce qu’ils tentent d’attraper est éphémère. La fin est à la fois terrible et très belle dans ses toutes dernières images. Le temps d’aimer et le temps de mourir reçut un accueil mitigé à l’époque, la critique reprochant notamment le fait que tous ces personnages allemands parlent anglais et ressemblent trop à des américains. Qu’il présente le côté allemand de la guerre a du probablement peser aussi dans la balance car c’était assez rare dans les années cinquante. C’est pourtant l’un des plus beaux films de Douglas Sirk.
Note :
Acteurs: John Gavin, Liselotte Pulver, Jock Mahoney, Don DeFore, Keenan Wynn
Voir la fiche du film et la filmographie de Douglas Sirk sur le site IMDB.
Voir les autres films de Douglas Sirk chroniqués sur ce blog…
Remarque :
Fait extrêmement rare : l’auteur du roman, Erich Maria Remarque, joue dans le film. Il s’agit du professeur qui se cache dans l’ancien musée.
A noter également, la présence de Klaus Kinski dans un petit rôle (l’officier de la gestapo qui remet les cendres).
personnellement je trouve la réputation de ce film surfaite. En tout cas il est moins intéressant que « la ronde de l’aube » ou « le secret magnifique » ou encore « tout ce que le ciel permet ».
Film à la morale assez convenue, ils ouffre d’une médiocrité de la reconstitution. John Gaven dans le rôle d’un soldat particulièrement topuché par la guerre n’est pas convaincant. Il garde cet air lisse qui le fait appraitre comme à l’extérieur des combats.
Le film a cependant un autre intérêt. Douglas Sirk qui était marié à une femme membre du parti nazi, a perdu un fils sur le front de l’Est. Mais comme il avait dû fuir l’Allemagne, il n’eut pas l’opportunité de le revoir. Le film a une résonance curieuse par rapport à ce drame humain.
Je ne suis pas d’accord avec le commentaire d’Alexandre Clement. C’est de loin la meilleure oeuvre de Douglas Sirk car la plus subtile. En effet, on a pas le droit aux énormités en cascade de film comme « Le Secret magnifique », les évenements, dans un contexte très bien reconstitué, sont présentés avec une logique et pourtant aussi une imprévisibilité remarquable. Les personnages principaux et secondaires sont très consistants, à l’image de cet officier dans l’hôpital militaire qui compare le nombre de jours de permission restant à des années de vie. Quand à John Gavin et Liselotte Pulver, ils sont magnifiques. Là où je rejoins la critique en tous les cas, c’est que le drame personnel qu’à vecu Sirk a fortement cette oeuvre qui est certainement la plus hantée de son réalisateur.
Cela aurait pu s’appeler d’un titre elliptique et allégorique : Les amants, ou La permission, ou encore Le temps d’un amour, une chose du genre. Un mot du titre a été modifié par rapport à celui du roman, on a remplacé vivre par aimer. Cette symbolique s’adressant au public le plus large concentre en effet toute l’attention sur ces deux jeunes amants que Sirk suit tout le temps dans les dédales d’un monde en ruines. Comment s’aimer dans les villes allemandes bombardées par les Alliés en 44
Le film, encadré d’un prologue et d’un épilogue se situant sur le front germano-russe dans la déroute de l’armée allemande, se concentre sur cet amour naissant brûlant livré à lui-même. 2h15 sont nécessaires au pinceau lumineux et délicat de Sirk pour peindre cette urgence de l’amour qui fleurit sur les ruines en cinémaScope toujours merveilleusement utilisé par le chef op Russel Metty
La fragilité et la jeunesse émouvantes des acteurs (John Gavin et Liselotte Pulver quasi inconnus du public) renforcent ce propos universel
Sirk et Remarque, tous deux allemands ayant fui leur pays pour l’un, et ayant été chassé par les nazis pour l’autre, travaillent ensemble près de quinze ans après ces faits, sur ce sujet qui leur tient à coeur (Remarque jouant lui-même un rôle dans le film). Qu’un film américain d’une Major (Universal international) avec des règles de production imposées, et avec un budget confortable, montre dans la totalité de son récit l’enfer de la guerre du coté du peuple allemand était chose bien rare pour l’époque
Sorti en janvier 59 dans trois salles à Paris, c’est le plus gros succès public (relatif) de Sirk avec 110 000 entrées dans la capitale